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"La Favorite" de Yórgos Lánthimos : le film de l'année ?
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Atlanti-Culture

Scénario, dialogues, jeu, décors, costumes, réalisation, tout est au top dans le dernier film de Yorgos Lantimos. Un beau piège à Oscars.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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CINEMA
« La Favorite »
de Yórgos Lánthimos
 avec Olivia Colman, Rachel Weisz, Emma Stone…

RECOMMANDATION

          EN PRIORITE

THEME

A la Cour d’Angleterre, au début du XVIII° siècle. La Grande Bretagne est en guerre contre la France, mais dans son château, la reine Anne Stuart, d’un caractère ombrageux et instable (Olivia Colman) est surtout préoccupée par ses problèmes de goutte, qui la font souffrir atrocement. Fatiguée, et aussi brisée par dix-sept fausses couches, qu’elle symbolise  par des lapins vivants,  elle a confié les rênes de son pouvoir à  Sarah Churchill, Duchesse de Marlborough ,une femme ambitieuse dont, en secret, elle a fait sa maitresse (Rachel Weisz).

Mais voici qu’arrive à la Cour une nouvelle servante, Abigail Hill (Emma Stone). Lady Sarah la  prend sous son aile, pensant qu’elle fera une alliée de celle qui prétend être sa cousine.  C’est sans connaître l’intrigante  Abigaïl qui,  voulant renouer avec ses racines aristocratiques, va réussir à prendre la place de sa protectrice dans le cœur et le… lit de la Reine. Pendant ce temps là, les courtisans vont continuer à s’arracher, eux aussi, les faveurs de la Reine. Tous les coups, même les plus cruels, seront permis… Dieu qu’elle est jolie la comédie humaine !

POINTS FORTS

-Quel scénario ! Si son auteur,  le génial australien Tony Mc Namara, s’appuie sur une réalité historique  (personnages, coutumes alors  en usage  à la Cour de Grande Bretagne…rien n’a été inventé), il la contourne, la distord  et l’enrichit par d’audacieuses spéculations. Sous sa plume irrévérencieuse  et corrosive, les trois protagonistes clefs de l’intrigue, la Reine et ses deux favorites, sont devenues  des personnages de pure fiction. Il a donc  pu leur  prêter, sans aucune vergogne, les pires extravagances, les plus sournoises intentions et une désinvolture langagière plus que jubilatoire. « C’était une fantastique histoire de trahison avec une opportunité de faire apparaître des femmes brillantes se comportant mal » explique la productrice du film Ceci Dempsey.

- L’impertinence et la truculence de ce scénario ont visiblement inspiré  Yorgos Lanthimos. Pas une seule de ses répliques qui n’ait été mise « en majesté » par le réalisateur grec. Le moindre mot ici, fait mouche et fait sens !

- Visuellement, cette  Favorite est une  splendeur. On songe, mais oui, au Kubrick de  Barry Lyndon, mais en plus  décalé, plus déjanté, plus radical. Les décors et les costumes sont aussi somptueux,  la photo, aussi soignée, mais les cadrages sont  plus audacieux, et le montage, plus vif. C’est sidérant.

-Devant la caméra, le trio féminin vedette rivalise de talent. En reine tyrannique et paumée, Olivia Colman est géniale .Elle vient d’ailleurs de rafler à Venise, le prix d’interprétation  féminine, et à Hollywood, le Golden Globe de la meilleure actrice. Emma Stone joue formidablement les ingénues perverses. Quant à Rachel Weisz, à la fois venimeuse, intelligente et sensuelle, elle est souveraine dans son rôle de favorite prête à tout pour garder sa place.

POINTS FAIBLES

Je n'en vois aucun, vraiment aucun.

EN DEUX MOTS

Scénario, dialogues, jeu, décors, costumes, réalisation… Tout est cinq étoiles dans ce film historique sur les jeux et les intrigues de Cour. L’insolence,  l’ironie et la cruauté distillées sous tant de faste, d’élégance et de  rigueur protocolaire, quelle jubilation !

Le tapis rouge est déroulé pour les Oscars. La Favorite est nommé dans dix catégories. Ce serait bien le diable s’il en repartait bredouille.

UN EXTRAIT

« Lorsqu’on réalise un film historique, il est toujours passionnant de voir à quel point il peut résonner avec notre époque ; on se rend compte que bien peu de choses ont changé, hormis les costumes et le fait que nous ayons l’électricité ou Internet. Tans de similarités perdurent dans nos manières d’être, dans nos sociétés et notre rapport au pouvoir » (Yorgos Lanthimos, réalisateur).

LE REALISATEUR

Dramaturge et réalisateur grec, Yórgos Lánthimos, né à Athènes le 27 mai 1973, commence par étudier les fondamentaux de la réalisation à l’Ecole de cinéma de Stavrakos. Son diplôme en poche, il collabore avec une compagnie de danse grecque pour laquelle il réalise  une série de vidéos, puis il se lance dans la réalisation de publicités, de courts métrages et de clips.

2005 est pour lui une année charnière : Il quitte le monde de la pub et entre dans celui du cinéma. Son premier long métrage, Kinetta reçoit un succès critique si encourageant qu’ en 2009, il en entreprend un deuxième. C’est Canine, un huis clos sur une famille-société en Grèce qui remporte le prix Un Certain regard à Cannes. Suivront, en 2011, Alps, qui rafle le prix du meilleur film au Festival de Sydney ; en 2015, Le Lobster (son premier film tourné en langue anglaise), qui obtient le prix du Jury à Cannes ; puis en 2017, Mise à mort du Cerf Sacré, qui repart de Cannes encore  avec, cette fois, le prix du meilleur scénario.

Désormais sollicité par les stars hollywoodiennes,  le cinéaste  grec vit à présent à Londres. Son cinquième long métrage arrive sur les écrans français auréolé de dix nominations aux Oscars. Il est recommandé « Art et Essai », mais il est  estampillé tous publics.

ET AUSSI

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« Une Intime conviction » d’Antoine Rimbault- Avec Marina Foïs, Olivier Gourmet…

Le 20 février 2000, Suzanne Viguier disparaît de son domicile.  On soupçonne son mari, Jacques Viguier, professeur de Droit à Toulouse, de l’avoir tuée.  En 2009, presque dix ans plus tard, un premier procès se solde par l’acquittement de l’Universitaire.  Mais le parquet  fait appel, et, l’année suivante, Viguier  se retrouve de nouveau au ban des accusés. Son entourage décide alors de confier sa défense à l’un des plus grands ténors du barreau français, Eric Dupont Moretti. Il sera de nouveau acquitté, cette fois, définitivement.

Un homme jugé sans preuve, sur de simples soupçons…Fasciné par cette  étrange et singulière affaire, qu’il suit alors, en direct, de bout en bout,  Antoine Raimbault -qui avoue une obsession pour la question de la justice- décide de  lui consacrer un film, en l’axant sur le deuxième procès de l’accusé,  sa préparation et son déroulement.  Il s’empare du dossier de l’instruction, étudie  les 250 heures des écoutes téléphoniques, épluche tous les documents et articles concernant cette affaire, laisse décanter  et écrit son scénario. Dans ce dernier, tout est véridique, sauf le personnage féminin  (tenu par Marina Foïs) à qui le jeune cinéaste  -c’est son premier long métrage- donne le rôle moteur. C’est elle qui va s’entêter à prouver que Viguier est innocent, c’est elle qui va aller chercher Dupont-Moretti, c’est elle qui va se proposer de seconder l’avocat. Au final, cela donne ce thriller judiciaire, aussi bien bâti qu’il est passionnant à suivre. C’est Olivier Gourmet qui incarne Dupond-Moretti. Le comédien  trouve là un des plus beaux rôles de sa carrière. Sa plaidoirie est un morceau d’anthologie.

Recommandation : excellent

« My Beautiful Boy » de Felix Van Groeningen – Avec  Steve Carell, Timothée Chalamet, Maura Tierney…

David Sheff entretient une relation fusionnelle avec son fils Nic qui, né de son premier mariage, est devenu un ado brillant promis à un bel avenir. Du moins ce père aimant le croit-il, jusqu’au jour où il découvre qu’en réalité, son fils adoré se drogue depuis l’âge de 12 ans, et que de consommateur occasionnel, il est devenu accro à la méthamphétamine. Réalisant alors que Nic lui a échappé, lui ment et a entamé une terrible descente aux enfers jalonnée de vols, de mensonges et d’overdoses, il va tout tenter pour l’en sortir.

Tiré de deux livres autobiographiques, l’un écrit par le journaliste David Sheff, l’autre par son fils Nicolas (le père et le fils ont gardé leur vrai nom), explorant le sujet de l’amour paternel -assez rarement exploité sur grand écran-, My Beautiful Boy est sans aucun doute l’un des films les plus forts de ce début d’année. Il s’agit d’un drame, mais ce qui frappe et séduit, est  la manière dont  le réalisateur, le  belge Felix Van  Groeningen, le raconte ici. Avec pudeur et élégance,  dans une lumière dorée,  sans aucun  pathos, sans  non plus   « spectacularisation » outrancière. Les comédiens ne sont pas non plus pour rien dans la « puissance »  du film, notamment Steve Carell, exceptionnel en père à la fois combattif et ravagé de douleur, et Timothée Chalamet, qui confère à son rôle de fils junkie une présence  incroyable, faite de charme, de fragilité et de duplicité.

Recommandation : en priorité

« Un Coup de maitre » de Gastón Duprat- Avec Guillermo Francella , Luis Brandoni…

Propriétaire d’une grande galerie d’art à Buenos Aires, Arturo Silva cache sous ses dehors d’homme charmant un négociateur sans scrupule. Il représente Renzo Nervi, un peintre immense, mais loufoque et surtout passé de mode, ce qui l’a rendu atrabilaire et misanthrope. Un jour, Renzo est victime d’un accident de voiture, et devient amnésique. Arturo va en profiter pour élaborer un plan qui va les faire revenir, tous les deux, lui et Renzo,  sur le devant de la scène artistique…

Deux ans après Citoyen d’honneur qui lui avait valu une trentaine de récompenses prestigieuses, dont le Goya du meilleur film américano-espagnol,  l’un des plus brillants réalisateurs argentins revient sur les écrans avec une comédie dramatique en forme de thriller qui, cette fois,  se déroule dans les milieux de l’art contemporain. Chic !  Il y fait preuve d’autant de drôlerie,  d’inventivité, de causticité et d’intelligence ! Pas une seule séquence de son nouveau film  sans qu’elle ne soit jubilatoire. Il faut dire aussi qu‘en plus de ses qualités scénaristiques et formelles, ce Coup de maitre est porté par un duo d’acteurs  éminemment talentueux, un duo star en son pays, l’Argentine. On y va ? Non, on y court !

 Recommandation : excellent

« La dernière folie de Claire Darling » de Julie Bertucelli- Avec Catherine Deneuve, Chiara Mastroiani, Alice Taglioni, Laure Calamy…

Persuadée qu’elle va mourir le soir même, Claire Darling, une douce  vieille dame  un peu décalée (Catherine Deneuve, telle qu’en elle même, impériale), décide un matin de vider sa maison et d’en brader tous les objets. Avertie de sa dernière « folie », sa fille, qu’elle n’a pas vue depuis vingt ans, revient. L’occasion pour toutes les deux d’un tendre et nostalgique retour sur les années passées…

Un film signé  d’une réalisatrice à qui l’on doit l’un des plus beaux documentaires de ces dernières années ( La Cour de Babel), porté par distribution féminine de rêve (Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, mais aussi Laure Calamy, et Alice Taglioni)…On espérait un passionnant moment de cinéma. On reste un peu sur sa faim, parce que, le scénario, pourtant empreint d’une touchante mélancolie et  d’une jolie  fantaisie,  piétine. Dommage pour les comédiennes, toutes formidables, notamment Chiara Mastroianni qui émeut dans son rôle de fille prodigue rongée par le remord, et Alice Taglioni, qui joue avec grâce et retenue une  Catherine Deneuve jeune.

Recommandation : Bon.

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