"La Cellule" de Soren Seelow et Kévin Jackson, dessins Nicolas Otero : Comme un photo reportage, un contenu d'une froideur implacable<!-- --> | Atlantico.fr
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La bande dessinée "La Cellule" de Soren Seelow, Kévin Jackson, et Nicolas Otero a été publié aux éditions Les Arènes.
La bande dessinée "La Cellule" de Soren Seelow, Kévin Jackson, et Nicolas Otero a été publié aux éditions Les Arènes.
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"La Cellule" de Soren Seelow, Kévin Jackson, et Nicolas Otero a été publié aux éditions Les Arènes.

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey est chroniqueur pour Culture-Tops. 

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.). 

Voir la bio »

"La Cellule" de Soren Seelow et Kévin Jackson, dessins Nicolas Otero

Ed Les Arènes
Novembre 2021
248 p. format 21X29 cartonné, couleur
24,9 €
Prix France Info 2021 de la Banse dessinée d'actualité et de reportage (décerné en janvier 2022)

Notre recommandation : EXCELLENT 

THÈME

Les attentats parisiens de l'année 2015 et leur réplique bruxelloise de mars 2016 ont été perpétrés par un groupe de militants islamistes constitué en "Cellule", selon les termes utilisés par les services de renseignement occidentaux. 

Composée de français, de belges, de croates, d'algériens… elle a été formée en Syrie et en Irak, s'est déployée en France et en Belgique de 2014 à 2016 afin de préparer et mener les attaques du journal Charlie Hebdo et de l'Hyper Kacher de Villejuif (janvier), de l'église catholique de Villejuif (avril), du Thalys (août), du Bataclan, des terrasses des cafés des 10ème et 11ème arrondissements de Paris,  du Stade de France à Saint Denis (novembre) et du métro et de l'aéroport de Bruxelles (mars 2016). 

Sous les traits d'un enquêteur de la DGSI, ce livre en bandes dessinées, retrace les étapes de la formation de ses membres, de la personnalité des commanditaires et des exécuteurs. Il présente, avec une précision métronomique, la traque des suspects par les polices européennes - française, belge, grecque en particulier - les réussites - comme le démantèlement partiel de la cellule de Verviers (en Belgique) -, mais aussi les coordinations bancales entre services, les erreurs dues aux manques de moyens, la difficulté à contrôler les entrées et sorties des djihadistes de l'espace européen, qui ont conduit aux drames. 

Ouvrage lourd dans sa forme (248 pages) et dans son contenu, il se décompose en chapitres aux titres évocateurs : Le projet Verviers (hivers 2014-2015), Le Califat (hiver-printemps 2015), L'infiltration (été 2015), La terreur (automne 2015), La réplique (hivers 2015 -2016), et l'épilogue, qui revient comme une boucle sinistre sur les questionnements des premières pages.

POINTS FORTS

Il est délicat ici de faire part de "points forts", d'autant que les membres survivants de la cellule terroriste sont, depuis septembre 2021, en cours de procès à Paris.

On peut cependant noter le caractère précis de l'enquête qui est à la base de ce livre. La "reconstitution" qu'il propose repose sur les sources officielles, extraites de rapports de polices, de conversations, de SMS exhumés des portables des terroristes, de pièces de dossiers judiciaires, dont de nombreuses écoutes téléphoniques. 

La seconde caractéristique de cette reconstitution est qu'elle n'est pas strictement chronologique, mais "valorise" le cheminement des enquêteurs, ce qui conduit à partir de l'épilogue - un constat d'échec - pour zigzaguer dans le temps. 

L'histoire accorde une grande importance à la description de l'idéologie islamiste, de ses acteurs, de leurs modes d'action, de propagande et d'infiltration, ce qui est strictement terrifiant quant à l'expression de leur haine de l'Occident et des modes d'actions promus aveuglément.

Il n'est pas nécessaire que la liste soit longue pour valoriser les caractéristiques de cet ouvrage, mais signalons encore que tout le travail de dessin repose sur le traitement graphique, majoritairement dans des tons de noir, de blanc, de bistre, à partir d'images réelles des lieux, des paysages, des visages et des personnalités impliquées (djihadistes, membres de l'Etat Islamique, services de sécurité, hommes et femmes d'Etat, magistrats…).

Notons enfin la "pudeur" des auteurs qui ont rejeté de ces pages toutes les images des victimes civiles des attentats : les attentats parisiens se "résument" à une lugubre double page noire ; ils citent en fin d'ouvrage l'organigramme présumé de la cellule des attentats du 13 novembre et la liste de toutes leurs victimes de 2015 en France et de Mars 2016 à Bruxelles.

QUELQUES RÉSERVES

Ce livre est aussi intéressant que glaçant. Le procès dira si l'enquête de Soren Seelow et Kévin Jackson, très documentée et argumentée, s'avère tout à fait exacte - ce qui est plus que probable ! Le traitement en bichromie (Noir et Blanc ou Noir et Bistre) renforce le poids des images et le choc des mots, s'il est permis de travestir ainsi le célèbre slogan du magazine Paris Match

Le choix journalistique et testimonial de faire apparaitre les visages des djihadistes à partir des photos connues d'eux produit un effet de répétition hypnotique qui pèse lourdement sur la lecture des dialogues et des textes.

ENCORE UN MOT...

La Cellule est un pari éditorial audacieux comme les Editions des Arènes aiment à en relever ! Cette Bande Dessinée qui n'en est pas une, pas plus qu'un "roman" graphique, a reçu le Prix France Info 2021 de la Bande Dessinée d'actualité et de reportage. Glaçant par son sujet, l’ouvrage se déroule comme un compte à rebours fatal dont on connait l'issue avant d'ouvrir la première page. Si son inspiration est manifestement aux sources du photo reportage, le parti pris des auteurs nous immerge simultanément dans deux sphères, celle des terroristes et celle des services de renseignements, et nous tient solidement en haleine.

La Cellule, dans l'esprit du journalisme d'investigation qui a manifestement porté ses auteurs, révèle particulièrement les erreurs et les failles dans les dispositifs de lutte antiterroriste en France, en Belgique, et plus largement en Europe. Bien qu’il était difficile d'anticiper ces événements, 131 morts, 500 blessés et beaucoup plus encore de souffrances collatérales, auront été le prix à payer pour les révéler, les mettre en cause, et de les corriger. Du moins, souhaitons-le.

UNE ILLUSTRATION

L'AUTEUR

Soren Seelow est journaliste au quotidien Le Monde. Il suit particulièrement les audiences du procès des attentats de 2015, ouvert en septembre 2021.

Kévin Jackson est directeur d’études au Centre d'Analyse du Terrorisme, Think Tank reconnu d'intérêt général, basé à Paris.

Nicolas Otero est auteur et dessinateur de Bandes Dessinées.

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