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 Fiscalité et Grand Débat : ce que les Français ont bien compris désormais… et ce qu’ils ne maîtrisent toujours pas
©ETIENNE LAURENT / AFP

ma déclaration

L’enquête que vient de réaliser ELABE pour BFMTV est révélatrice d’une forme de maturation de la conscience politique dans le pays, mais on peine à y lire un consensus.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Alors que le Premier ministre évoque une baisse rapide des impôts, 71% des français n’y croient pas. En la matière, l’expérience parle... De même, une majorité des deux tiers associe naturellement baisse d’impôt et baisse des dépenses publiques, les électeurs les plus à gauche étant les seuls à hésiter sur ce point. Une large majorité de la population reconnait la légitimité de l’impôt, mais une proportion encore plus importante s’insurge contre la fraude fiscale ou estime que l’argent est mal utilisé. Dans l’ensemble, ces résultats ne sont pas le signe d’un désengagement des citoyens, c‘est rassurant. Mais on perçoit aussi un gros doute sur l’efficacité de l’impôt et de la dépense publique.

A un deuxième niveau de lecture du sondage, les orientations souhaitées par les français sont un peu surprenantes. Difficile de ne pas y lire l’écho de débats récents, par exemple sur l’assurance chômage. La révélation impromptue par la ministre du travail qu’un chômeur sur cinq perçoit plus que lorsqu’il était en activité, même si ceci est tout à fait explicable, et le fait que certains cadres supérieurs perçoivent des allocations chômage s’élevant à plus de cinq SMIC, ont probablement jeté un certain discrédit sur le dispositif. Ce sentiment semble particulièrement fort chez les électeurs LREM, MoDem et LR (les moins concernées par le chômage ?). Ce résultat est encore plus marqué concernant les allocations familiales, que les électeurs LREM et MoDem ne souhaitent pas renforcer, à la différence d’une partie des électeurs de gauche et du RN.

Le sondage montre des priorités très différentes selon les préférences partisanes

Sur les 15 domaines de dépenses publiques testés par le sondage, on lit la diversité des inquiétudes manifestées dans la population : 80% des retraités souhaiteraient renforcer les dépenses publiques de santé ; 80% des 50-64 ans souhaitent un coup de pouce sur les retraites, particulièrement lorsqu’ils habitent dans des villes moyennes de province ; les 25-34 ans se mobilisent pour l’éducation et l’environnement ; les classes populaires mettent la question du logement social en tête de leurs préoccupations, certains d’entre eux espérant par ailleurs une baisse de la TVA… Plus anecdotique mais sociologiquement instructif, le sondage montre une attente plus féminine d’action publique dans les domaines de la sécurité et de lutte contre le terrorisme, alors que l’investissement dans le numérique motive plus les hommes de région parisienne.

Il sera bien difficile de répondre à ces attentes par une panoplie de mesures, dans un contexte de ras-le-bol fiscal, sauf à invoquer un principe général de mise en cohérence de la fiscalité avec les dépenses publiques.

Quelques idées pour mettre en cohérence les dépenses publiques et la fiscalité

Si les retraités souhaitent améliorer les prestations de santé, peut-être est-il possible de les faire plus contribuer aux soins dont ils bénéficient ? Alors que chacun dépense pour sa santé dans les six derniers mois de sa vie autant que toutes les années précédentes (statistiquement), les retraités contribuent très peu au système de santé. Il serait peut-être temps de résoudre cette anomalie flagrante. Augmenter la CSG payée par les retraités en baissant la cotisation sociale patronale de 13% prélevée sur les salaires serait très logique et bienvenu pour abaisser le coût du travail.

Le projet mené par Jean-Paul Delevoye est à l’évidence légitime, équitable et efficace : qui peut raisonnablement s’opposer à la mise en place d’un système de retraite unifié, dont les règles soient compréhensibles par tous ? Dans cet effort de convergence, il est probable que quelques catégories de futurs retraités (en particulier des régimes spéciaux) ressentiront une certaine régression de leurs droits. C’est inévitable. C’est peut-être le moment de le dire aux français : ceux qui bénéficient actuellement de règles particulièrement généreuses vont progressivement rejoindre un système commun, qui coutera moins cher à la collectivité. C’est un choix collectif.

Alors que les effectifs de l’Education Nationale dépassent les 1,1 millions d’agents, les performances de notre système éducatif se sont fortement dégradées au cours des dernières décennies. Si les jeunes actifs s’y intéressent, peut-être pourraient-ils contribuer à un progrès qualitatif, à condition de libérer le mammouth de son carcan ?

Vers des politiques fiscales universelles

Le sondage ELABE/BFMTV a testé quelques affirmations et propositions concernant le système fiscal. Une partie concerne les plus riches : tranches d’impôt supplémentaires, ISF, niches fiscales. Les avis de la majorité sont mesurés, avec une forte dispersion selon les attaches politiques. Difficile de construire des règles fiscales motivées par la jalousie de certaines classes à l’égard d’autres. La seule voie permettant de dépasser les clivages consiste à généraliser des dispositifs s’appliquant à tous. La CSG et la TVA ont grosso modo cette caractéristique. Bien sûr certains rêvent d’une baisse de la TVA (la moitié des 18-24 ans et des électeurs de Marine Le Pen) et le tiers des retraités d’annuler l’augmentation de la CSG, mais le mouvement général est plutôt à l’universalisation des impôts et des prestations.

C’est ainsi que la simple combinaison d’un impôt universel de 23% et d’un crédit d’impôt universel mensuel de 480 euro par adulte remplacerait avantageusement la complexité inouïe de l’actuel impôt sur le revenu, des minima sociaux et de divers mécanismes dispendieux prétendument incitatifs. Un mécanisme universel de cet ordre aiderait chacun à dépasser la défense de ses avantages spécifiques pour se comparer à la règle applicable à toute la population.

La confirmation attendue du Grand débat est certainement que les attentes sont très diverses dans la population et qu’il sera difficile d’y répondre efficacement tout en diminuant la pression fiscale. Le président Macron va devoir être créatif pour proposer une ambition collective mobilisatrice lui permettant de relancer son action sur les trois prochaines années.

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