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Accumuler des miles grâce aux cartes paiement, c’est bientôt fini.
Accumuler des miles grâce aux cartes paiement, c’est bientôt fini.
©Reuters

Tout ça... pour ça !

Au mois de mars, le parlement européen a voté le plafonnement des commissions des paiements par carte bancaire. L'objectif initial était de réduire les coûts pour les détaillants et les clients. Néanmoins, il semblerait qu'en Angleterre Capital One ait décidé de mettre fin aux avantages de ses cartes de fidélité à partir du mois d'octobre pour ces mêmes raisons.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico :  Les clients risquent-ils de voir leurs avantages "fidélité" diminuer en raison de cette mesure ?

Michel Ruimy : tout d’abord, mettons en perspective la décision du parlement européen. Lors d’une séance plénière, le 3 avril, il a adopté un règlement, qui était défendu depuis 2013 par la commission de bruxelles, qui vise à mettre en place un plafonnement à 0,3% des commissions imposées par les banques aux détaillants.
Avec ces mesures, l’Europe espère bien que les utilisateurs de cartes bancaires en tirent les bénéfices car les baisses des commissions devraient, a priori, être répercutées sur les prix (les commissions appliquées sur les paiements par carte bancaire coûtent plus de 10 milliards d’euros chaque année aux commerçants et détaillants de l’Union Européenne).
A propos des programmes de fidélité, ils sont basés sur le constat que trouver un nouveau client coûte plus cher qu’en conserver un, et que les meilleurs clients sont les plus rentables. C’est ainsi que leprincipe de la fidélité reste le même depuis bien longtemps : plus votre client est récompensé, plus il sera fidèle !les grandes enseignes et les commerçants l’ont bien compris, surtout en période de crise. La carte defidélité reste donc une priorité dans leur plan marketing. A cet égard, les français possèdent, en moyenne, 4 cartes de fidélité et sont prêts à en recevoir d’autres, dès lors qu’elles correspondent à leur demande ! Le consommateur doit se sentir privilégié par une offre attractive proposée par le système de fidélité mis en place par le commerce ou l’enseigne émettrice.
Concernant la décision de capital one, il semble que, de manière générale, la clientèle ait une préférence plus marquée envers les remises en argent qu’envers les points/miles de récompense. Dès lors, la décision de capital one, si elle est définitive, revêt une importance stratégique car elle risque de devoir faire face à une attrition si elle décide de mettre fin aux avantages de ses cartes de fidélité. Une solution serait, alors, d’être moins généreux envers sa clientèle.

Cela s'applique-t-il également aux cartes miles ? 

Complétons la mise en perspective de la décision du Parlement européen. Le paiement par carte étant le moyen de paiement en ligne le plus répandu, le règlement voté par le parlement constitue ainsi une composante importante de l’achèvement du marché unique numérique européen. Car les objectifs de la Commission européenne sont notamment de créer un marché européen intégré du paiement par carte, de garantir des conditions de concurrence équitable pour tous les acteurs du marché et d’apporter des bénéfices à toutes les parties prenantes et favoriser l’innovation.

A ce jour, la décision du parlement européen ne s’applique pas aux "cartes miles". Par contre, le 3 avril, il a décidé d’aller plus loin que la proposition initiale d’une part, en incluant les cartes commerciales qui servent aux paiements professionnels et d’autre part, en laissant chaque état-membre libre de prévoir un plafond en pourcentage plus bas et d’imposer une limite maximale au montant de la commission.

Ceci n’est pas sans conséquences. En effet, je souhaiterais attirer l’attention sur les cartes commerciales (cartes business, cartes corporate, cartes d’achat, cartes logées, cartes virtuelles et cartes prépayées).

Le paysage européen des paiements est en train de changer rapidement, et les services de paiement pour les entreprises doivent être mis à jour et améliorés selon la demande des clients, les nouvelles technologies disponibles, les exigences nouvelles apportées par la mobilité, l’amélioration de la sécurité, etc…Aujourd’hui, les cartes commerciales offrent, au-delà des services de paiement et de retraits, une gamme de services à plus de 40 millions de salariés en europe au profit des entreprises et de leurs employés.

Or, du côté des émetteurs, les grands acteurs feront face à la baisse de leurs revenus en augmentant les frais commerciaux et d’autres frais non liés directement au traitement des transactions de paiement par carte. En revanche, les émetteurs de cartes moins importants devront reconsidérer leurs programmes de cartes, et seront forcés, dans certains cas, de se retirer du marché. Du côté des acquéreurs, seuls les grands acteurs du marché auront la capacité de saisir les opportunités et de gagner des parts de marché. De ce fait, on risque d’assister à une concentration de l’industrie du paiement et ainsi à un marché moins concurrentiel et moins ouvert. Seuls les grands acteurs émetteurs et acquéreurs pourront tirer avantage de la nouvelle situation et adapter leurs modèles économiques.

Que va-t-il se passer pour les avantages déjà accumulés ? 

De manière générale, les privilèges acquis devraient être conservés mais devront être utilisés de manière impérative et optionnelle pendant une période. Au-delà de la date limite, ceux-ci seront perdus.

Par exemple, les avantages acquis entre le 1erjanvier et le 30 novembre de l’année en cours pourraient être utilisables jusqu’au 31décembre de l’année en cours. Ceux acquis entre le 1er décembre et le 31 décembre de l’année en cours seraient utilisables jusqu’au 31 décembre de l’année suivante.

En cas de non-utilisation des privilèges au cours des périodes précitées, le titulaire de la carte en perdrait automatiquement le bénéfice. Ils ne seraient ni remboursables, ni échangeables en espèces. Aucune monnaie ne peut être rendue.

Au final, les consommateurs vont-ils payer le prix de cette législation supposée leur bénéficier ? 

Les banques ne voient naturellement pas ce plafonnement d’un bon œil. Mastercard et Visa, les deux principaux fournisseurs de cartes de paiement aux établissements bancaires français, ont d’ailleurs déjà dû baisser leur commission. Et le fait que le parlement ait choisi d’'inclure les cartes "business" sur lesquelles les montants sont souvent importants, représente un nouveau coup dur. Selon mastercard, si les cartes commerciales sont incluses dans la législation, le préjudice estimé en termes de pertes et de revenus pour les institutions financières pourrait représenter, sans solution compensatoire, près de 650 millions d’euros. elles pourraient alors prendre la décision d’abandonner l’émission des cartes commerciales ou de relever le barème des cotisations à hauteur de 120 euros. Déjà les banques françaises s’inquiètent des conséquences négatives d'une telle mesure qui menace la sécurité des transactions par carte et va freiner la capacité de tous les acteurs du marché à innover. Cela va sans doute limiter l’efficience et l’universalité du paiement par carte, pourtant plébiscité par l’ensemble des acteurs, consommateurs et commerçants.

Reste que rien n’est fait. Le Parlement européen a indiqué dans un communiqué s’être "prononcé sur les amendements au projet législatif afin de consolider le travail réalisé jusqu’à présent et de le transmettre au prochain parlement". Aux futurs députés, élus fin mai, de décider s’ils poursuivent les travaux réalisés pendant la législature actuelle.

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