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PJ Harvey  : le goût amer de l'Angleterre
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God save the queen ?

Le dernier album de PJ Harvey, « Let England shake », fait le constat nostalgique d’une disparition de l’identité britannique.

Alexandre Pavèze

Alexandre Pavèze

Après avoir assez longtemps travaillé dans l'industrie du disque et l'enseignement, Alexandre Pavèze (c'est un pseudonyme) a décidé de s'orienter vers un travail critique, dans les domaines de la musique et du cinéma.

 

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En écoutant le dernier album de PJ Harvey, « Let England shake », sorti ces derniers jours, on se dit qu’il est véritablement rare qu’un disque parle de politique avec une telle justesse. Pas de politique à la petite semaine telle qu’on l’entend dans l’usage général du terme, mais de politique à un niveau  plus profond, plus intime, qui consisterait pour l’individu à reconsidérer et à analyser la justesse des valeurs de son pays, de ses racines et son histoire.

L’Angleterre de Polly Jean Harvey ne manquera pas de faire écho à d’autres pays d’Europe, dont le nôtre. Où il faut bien reconnaître qu’uniformément le courant passe mal, depuis un assez long moment, entre les citoyens et leurs représentants. « Angleterre, tu laisses un goût. Un goût amer » (« England, you leave a taste. A bitter one »), lance ainsi la poétesse du Dorset, qui fait rimer « England’s dancing days are gone » (« Les beaux jours anglais ont disparu ») et « indifference won » (« l’indifférence a vaincu ») sur la chanson-titre de son disque.

Globalement, le constat, nostalgique, est celui d’une disparition de l’identité britannique, que PJ Harvey évoque avec un bucolisme parfois cruel. Disparition de ses valeurs, violées par l’alignement, notamment militaire, de son pays sur la diplomatie américaine ; ou disparition plus générale de la singularité anglaise dans une Europe sans visage : « Foutus Européens ! Rendez-moi à la belle Angleterre » (« Goddamn’Europeans ! Take me back to beautiful England ») scande-t-elle dans « The last living rose ».

Portrait d'un pays écroulé

Au fil de ces textes d’une poésie irisée et violente, les soldats britanniques d’aujourd’hui, Irak ou Afghanistan, en viennent à évoquer ceux du siècle précédent, sur le sol européen. D’un siècle l’autre, comme d’une guerre. Au final, c’est le portrait d’un pays écroulé – ressemblant fort à un zombie parkinsonien – que PJ Harvey dresse, qui en  déclame la gloire en même temps qu’elle en sonne le glas : « L’Occident dort. Que l’Angleterre tremble, empesée de mort silencieuse. Je crains que notre sang ne se relève plus » (« The West’s asleep. Let England shake, weighted down with silent dead. I fear our blood won’t rise again »).

La "Vieille Europe" défiée par les peuples

Tout ceci pour dire que les musiques actuelles ont souvent été très en phase, voire en avance, quant à l’évocation de problématiques sociétales profondes : et n’est-ce pas précisément le rôle de la culture que de restituer l’exact pouls de la civilisation qui la sécrète ? Dans cette optique, outre sa qualité musicale, « Let England shake » pourrait donc s’entendre comme l’enregistrement de l’actuelle défiance des peuples de la « Vieille Europe » à l’encontre de la politique, notamment étrangère, conduites par leurs dirigeants. Sorte de sentiment diffus de décadence de toute chose publique, ou d’une lente agonie de ce qui faisait jadis la grandeur européenne. Comme il est inutile de parler ici de Boris Boillon, considérons seulement qu’un jour, en France, il serait souhaitable d’entendre davantage d’artistes ainsi capables d’envisager la politique comme a su le faire PJ Harvey, à la manière d’une large vision chantée – plutôt qu’un engagement bêlant.

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