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Vague de froid : ces alternatives qui permettraient d’atténuer le coût environnemental de l’emploi de sel sur les routes enneigées ou verglacées
©DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Green

Le sel de déneigement, comme le sel de table, est composé de chlorure de sodium qui, à forte concentration, est néfaste pour les écosystèmes, notamment lacustres.

Christophe Piscart

Christophe Piscart

Christophe Piscart est chargé de recherche au CNRS et membre de OSUR (Observatoire des Sciences de l'Univers de Rennes). Ses activités de recherche sont orientées sur la réponse aux changements globaux (invasions biologiques, pratiques agricoles, changements climatiques) des écosystèmes aquatiques continentaux.

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Atlantico : Le sel de déneigement, comme le sel de table, est composé de chlorure  de sodium qui, à forte concentration, est néfaste pour les écosystèmes, notamment lacustres. On utilise une grande quantité de ce sel en hiver pour dégeler nos routes. En quoi est-ce un problème environnemental en France ?

Christophe Piscart : La France n'est pas le pays le plus exposé à l'utilisation du sel de déneigement. En effet avec une consommation annuelle d'environ 1 million de tonnes (entre 750 000 et 1.5 million de tonnes selon la météo) pour 1 million de km de route, la France n'utilise que 1.7% du sels de déneigement utilisé à l'échelle de la planète (estimé à 60 millions de tonnes). En comparaison avec des pays comme les USA (20 millions de tonnes) ou même les pays d'Europe du nord. Par exemple, les routes de Suède reçoivent jusqu'à 14 tonnes de sel par km contre un peu moins de 1 tonne par km en France. En revanche, les régions les plus froides (Nord-Est et zones de montagne) sont particulièrement touchées et vulnérable. D'autant plus pour le Grand Est qui est naturellement touché par des phénomènes de salinisation dus à une géologie riche en sel affleurant et l'exploitation des mines de sels pour la production de chlorure de calcium et d'autres produits de l'industrie chimique (voir la production de l'entreprise Solvay) qui entraîne des rejets salins (saumures) dans l'environnement aquatique (voir saumoduc du Rhin et rejet dans la rivière Meurthe). 

La toxicité du sel est très variables en fonction de la composition ionique de ce sel. Le Chlorure de Sodium (NaCl) est le plus utilisé et le plus commun (c'est le sel de mer) mais il existe d'autre sels comme le Chlorure de Calcium (CaCL2) ou les Chlorures de Potassium (KCl). On connait assez mal les effets des variations de la composition chimiques du sels sur les écosystèmes car la salinisation est un phénomène qui a été finalement assez négligé par les politiques publiques et la recherche. On sait qu'on général des conséquences apparaissent pour des concentrations en sel supérieurs à 0.5 g/L mais on estime que cette toxicité peut être beaucoup plus forte lorsque certains ions comme le potassium sont présent. En France on est surtout concerné par le sodium et le calcium, contrairement à l'Allemagne qui a beaucoup de mines de potasse et donc du potassium dans les résidus industriels. Pour la région Grand Est, où certaines rivières sont déjà naturellement salées, la moindre augmentation peut entraîner des conséquences écologiques significatives. 

Des alternatives moins perturbatrices au sel de déneigement existent-elles ? Sont-elles utilisées ? D'autres alternatives sont-elles à éviter ? 

Il n'y a pas de solution miracle pour substituer le sel de déneigement. Le NaCl peut être remplacé par d'autres sels mais cela ne change pas forcément la toxicité. Par exemple, le Chlorure de Calcium peut être utilisé. Il a l'avantage d'être moins soluble que le NaCl et donc le sel reste plus longtemps sur les routes et une plus faible fraction est lessivée. Il peut aussi être mélangé à du sable. Le CMA (Calcium Magnesium Acetate) est aussi intéressant car moins mobile que les NaCl dans le sol mais quel que soit les sels utilisés, le risque d'impact environnemental est toujours là.

Il existe aussi des solutions dans la fabrication même du bitume telle que la Verglimit (revêtement du bitume avec des paillette de Chlorure de Calcium encapuslée) qui reduisent fortement les rejets salés mais qui coûtent très cher et sont réservées pour des tronçons de route limités (autoroutes par exemple) ou des systèmes de chauffage électriques intégrés au bitume mais qui coutent très cher à fabriquer et à utiliser (coût electrique). 

Il y a des méthode chimiques telles que le éthylène glyciol (antigel), mais dont les effets sont pire que le sel. 

Il y a des méthodes alternatives qui se développent localement en fonction des ressources disponibles. Par exemple, du jus de betterave ou des résidus de pomme de terre issue de la fabrication de vodka peuvent être utilisés pour le déneigement, ou encore l'urée, mais ces méthodes ne sont pas parfaites car elles remplacent le rejet salin par des rejet de matière organique qui vont favoriser l'eutrophisation des milieux avec des conséquences également néfastes pour l'environnement. En particulier l'urée qui est souvent présenté comme une méthode écologique, alors que l'urée se dégrade en ammonium qui est l'un des polluants organiques les plus néfastes.

Le sable, bien que son efficacité soit limité pour les basses températures, reste probablement le produit le moins perturbant pour l'environnement. La stratégie la plus efficace est d'utiliser le moins d'additifs possible en favorisant le raclage et le sablage et en ne conservant les autres méthodes qu'en cas de force majeure et lorsque les routes sont éloignées des milieux aquatiques.

Ce n'est pas la première fois qu'on constate ce problème. En 2010, Jean-Louis Masson, Sénateur de Moselle, avait interpellé le Ministre de l'Environnement à ce sujet. Pourtant rien n'a changé malgré les preuves de dérèglements écologiques dues à cette pratique, notamment au Canada. Pourquoi l'Etat ne semble pas prendre ce sujet au sérieux ?

Il s'agit là d'un problème politique qui dépasse mes compétences de scientifique. Je suppose qu'il y a plusieurs facteurs :

- les exigences des personnes qui veulent des routes déneigées pour se déplacer sans avoir à investir dans des pneus neiges. Il suffit de constater les polémiques lorsqu'il tombe 5 cm de neige sur Paris et que les gens se retrouvent bloqués sur les routes. 

- les enjeux économiques liés à l'exploitation du sel en France.

- L'absence de connaissance sur l'ampleur de l'impact réel du sels dans les écosystèmes français (cf notre article dans la revue Science en 2016)

De plus il n'existe à ce jours pas d'alternatives crédibles économiquement et écologiquement au sel. Seul le comportement des usagers des routes (équipement hiver et conduite) pourrait réduire les risques.

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