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La motivation à voter FN provient tout autant d’un vote d’adhésion aux idées du FN (51%) que d’un vote de rejet des autres partis (47%).
La motivation à voter FN provient tout autant d’un vote d’adhésion aux idées du FN (51%) que d’un vote de rejet des autres partis (47%).
©Reuters

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Adhésion aux idées frontistes ou vote contestataire ? Les législatives partielles à Villeneuve-sur-Lot ont remis la question du vote FN au cœur de l’actualité politique.

Joël Gombin

Joël Gombin

Joël Gombin est doctorant en science politique au CURAPP (Université de Picardie-Jules Verne – CNRS).

Ses travaux portent  notamment sur le vote en faveur du Front national et sur les comportements politiques des mondes agricoles.

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Actualité : L’actualité des législatives partielles à Villeneuve-sur-Lot remet la question du vote frontiste au cœur de l’actualité politique. Le sondage BVA réalisé pour i télé révèle que le potentiel de vote pour le Front national (FN) a connu une progression de 10 points depuis un an. Passant de 17% à 26%. Comment interprétez-vous cette progression ? Est-elle due à l’échec de François Hollande, au durcissement de la crise ou tout simplement à la banalisation du vote FN ?  

Joël Gombin : Il faudrait déjà connaître avec certitude le sens du "potentiel de vote" mesuré par l'institut BVA. Or, nous ne savons absolument pas quelle est l'articulation entre cette notion, les intentions de vote et le vote effectif. Il me semble donc délicat d'interpréter ces chiffres en général.

Dans le cas du Front national, une difficulté supplémentaire provient du fait que ce que l'on prétend mesurer dans les sondages est toujours le résultat composite de deux éléments : la déclaration effective des sondés, et le redressement opéré par le sondeur, lié au fait que la préférence politique pour le FN continue d'être nettement sous-déclarée par les enquêtés - et dans ce sondage, comme dans tous les autres, on ne connaît pas le coefficient de redressement appliqué.
Impossible de savoir donc si l'augmentation apparente du "potentiel électoral" correspond à une plus grande disibilité sociale de la préférence politique pour le FN - conséquence assez logique du succès médiatique du storytelling initié par le Front national mariniste autour de la "dédiabolisation" -, ou à une réelle évolution du corps électoral.

Le potentiel de vote du FN est encore supérieur au niveau local que national. Le FN est-il en train de s’ancrer localement ?

Les mêmes remarques que précédemment s'appliquent. S'y ajoute le fait qu'un vote local paraît moins porter à conséquence - or, c'est très net dans les entretiens qualitatifs, beaucoup d'électeurs frontistes sont parfaitement conscients qu'un vote FN n'est pas anodin et que les politiciens frontistes ne font pas nécessairement de bons élus.

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De manière générale, quels sont les tenants du vote FN ? Sont-ils en train d’évoluer ces dernières années ? Les catégories socio-professionnelles qui votent FN sont-elles toujours les mêmes ? La percée du FN chez les jeunes est-elle nouvelle ? Qu’en est-il de la porosité même faible entre les électeurs du PS et ceux du FN ?

Cela fait beaucoup de questions à la fois ! Plutôt que d'électorat FN, il convient de parler, à la suite de Daniel Gaxie, de "conglomérat électoral" : différents groupes sociaux portent, à un moment donné et dans un contexte donné, leur vote sur le FN. Et cela varie évidemment dans le temps. Ce conglomérat se caractérise aujourd'hui par un degré assez élevé d'interclassisme, même si le niveau de diplôme demeure la variable la plus discriminante. 
En ce qui concerne le vote des jeunes, les données empiriques que nous avons sont souvent contradictoires. Mais en tout état de cause, il faut souligner deux éléments. D'une part, la socialisation politique est une variable centrale : les générations les plus jeunes sont socialisées à la politique dans un monde dans lequel le Front national a toujours fait partie de l'offre politique, ce qui n'est pas le cas des générations les plus anciennes, et dans lequel la référence historique à l'extrême droite (mémoire de la Deuxième guerre mondiale ou de la guerre d'Algérie) ne fait plus nécessairement sens. D'autre part, il faut sans doute distinguer deux jeunesses : l'une qui est scolarisée ou qui a un niveau élevé d'éducation, et qui est relativement protégée contre la détérioration du marché de l'emploi, et l'autre qui est déscolarisée très jeune, et qui subit de plein fouet les effets de la précarisation de l'emploi et de sa raréfaction.  
Sur la porosité des électorats PS et FN, la question est à considérer à la lumière du fait que les électorats ne sont pas des réalités immuables et solidifiées. Plutôt que de porosité, il faudrait donc parler de trajectoires de votes heurtées au regard des conceptions légitimes du vote, trajectoires dans lesquelles d'ailleurs l'abstention occupe souvent une place centrale - ce que les sondages ne parviennent guère à saisir. Parmi les électeurs qui maîtrisent le mieux les codes légitimes de la politique, en revanche, le FN se retrouve en effet en concurrence avec l'UMP. 
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D’après ce sondage, la motivation à voter FN provient tout autant d’un vote d’adhésion aux idées du FN (51%) que d’un vote de rejet des autres partis (47%). Peut-on toujours considérer le vote FN comme un vote contestataire ?

Cette problématique du vote d'adhésion ou protestataire me laisse interrogatif. Pourquoi ne pose-t-on jamais la même question aux autres électeurs ? De plus, ne peut-on adhérer aux idées d'un parti tout en rejetant les autres partis ? Le vote Hollande en 2012 était-il un vite d'adhésion ou un vote anti-Sarkozy ? 

Alors que près des deux-tiers (63%) des CSP+ qui envisageraient de voter FN justifient leur choix par une adhésion aux idées politique de ce parti, les catégories populaires (il est vrai nettement plus nombreux) qui envisagent de voter FN sont une minorité (47%) à envisager de le faire par adhésion aux idées du FN. L’idée reçue selon laquelle les catégories populaires sont plus sensibles aux idées du FN est-elle battue en brèche ?

Encore une fois, ces catégories me semblent étriquées. Il est possible que ce qui est mesuré ici, c'est la plus grande maîtrise des codes légitimes de la politique par les classes supérieures. Or cette vision légitime de la politique impose que les choix électoraux se fassent en fonction d'idées. 

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Méthodologie : Enquête réalisée auprès d’un échantillon de Français recrutés par téléphone et interrogés par Internet* les 19 et 20 juin 2013. Echantillon de 1 060 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, profession du chef de famille et profession de l’interviewé après stratification par région et catégorie d’agglomération.

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