Obsolescence programmée : la Tech fait quelques progrès pour permettre la réparation de nos appareils. Mais lentement…<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
High-tech
Obsolescence programmée : la Tech fait quelques progrès pour permettre la réparation de nos appareils. Mais lentement…
©Photo AFP

Minute Tech

Apple ou Microsoft investissent par exemple toujours énormément dans le lobbying pour contrer les lois qui les contraignent à renoncer à leur part d’obsolescence programmée

Jérôme Durel

Jérôme Durel

Jérôme Durel est journaliste et responsable éditorial pour le groupe Humanoid, éditeur de FrAndroid et Numerama. 

Voir la bio »

Pendant l'été, Atlantico republie une sélection de ses meilleurs articles.

Atlantico : Le Public Interest Research Group, une organisation à but non lucratif qui milite activement pour des lois sur le droit à la réparation aux Etats-Unis, a publié un tableau de bord de réparabilité. Le groupe a classé les fabricants d'appareils technologiques en fonction de la facilité de réparation, de la disponibilité des pièces de rechange et de l'accessibilité des manuels de réparation pour les outils et appareils technologiques. Le PIRG vient de publier son nouveau tableau de bord, la plupart des fabricants ont obtenu des notes plus élevées que l'an dernier. S’agit-il d’une prise de conscience des entreprises de la tech ou est-ce tout simplement lié à la disponibilité croissante des pièces de rechange et des manuels de réparation pour les consommateurs ou les techniciens ? Ces entreprises ont-elles fait de grands progrès sur les questions de réparabilité et de l'obsolescence programmée ?

Jérôme Durel : Il reste toujours évidemment des progrès à faire. La moindre réparabilité des produits tech était une réalité depuis de nombreuses années. Moins un appareil est réparable, plus il est esthétiquement acceptable. Les gains de finesse et de poids passent par des difficultés de réparation. Cela suppose des soudures plus complexes. Affiner les produits suppose de rendre plus difficile la réparabilité. Il est plus simple d’accrocher les pièces ensemble avec moins de pertes d’espace lorsque la réparabilité n’est pas prise en compte par les constructeurs. Cela limite l’utilisation de pièces.     

Dans un monde qui évolue, les consommateurs souhaitent de plus en plus des appareils durables et avec un impact sur l’environnement limité. Les fabricants choisissent donc de s’adapter aux besoins et aux envies des clients. Les sociétés de nouvelles technologies ont décidé d’apporter un soin particulier à la réparabilité des produits. Ces dernières années, pour répondre à une demande du marché, ils ont décidé de faire des efforts. Cette situation tend donc à s’améliorer.

Les entreprises technologiques offrent davantage d'accès à la documentation et aux outils clés. Mais des géants comme Apple et Microsoft semblent faire pression contre les lois sur les réparations, notamment aux Etats-Unis. Le PIRG a examiné les dossiers de lobbying de la session législative 2021-2022 en Californie pour déterminer quelles entreprises technologiques avaient fait pression contre le SB 983, une loi sur le droit à la réparation qui n'a finalement pas été adoptée par la commission des crédits du Sénat de Californie. Ces entreprises ont-elles réellement fait pression contre les lois sur les réparations ? Quels seraient leurs intérêts ?

Cela est lié à un problème de coût. Ces normes exigent que les marques mettent à disposition des pièces détachées. Si Apple avait été obligée de fournir des pièces détachées pendant cinq ans, cela imposerait à la firme de conserver toutes les pièces en stock durant plusieurs années pour des téléphones qui aujourd’hui ne sont plus vendus. Cela entraînerait des problèmes de stocks et de mise à disposition de certains outils.

Aujourd’hui, Apple est obligée de le faire en Europe en proposant un kit de réparation. Cela répond à une demande légale.

Les entreprises sont prêtes à faire un effort pour répondre à une demande du marché mais les questions économiques entrent en ligne de compte. Si le coût est supérieur aux gains, ces entreprises vont militer contre ces lois pour la réparabilité.

Les firmes ou les constructeurs qui s'opposent à la législation sur le droit à la réparation font souvent part de leurs préoccupations selon lesquelles rendre les produits plus faciles à réparer compromettrait la sûreté et la sécurité des appareils, notamment via des réparateurs indépendants et la sous-traitance. La législation sur le droit à la réparation menace-t-elle la confidentialité et la sécurité des appareils technologiques ?

Cet argument paraît assez léger. Théoriquement, cela permettrait d’accéder à la mémoire de l’appareil mais il y a néanmoins des verrous technologiques. L’argument de la sécurité des données  est assez douteux.

En revanche, ce refus et cette opposition à la réparabilité peuvent être liés à des enjeux industriels. Avec le tutoriel nécessaire pour démonter et remonter un appareil technologique, des secrets industriels pourraient se perdre, notamment concernant la construction du modèle en question. Mais cet argument paraît relativement fallacieux.

La législation américaine protège-t-elle moins le consommateur comparé à la France où les services de SAV, les garanties et certaines enseignes comme Darty ou la Fnac proposent une réelle aide aux consommateurs ?  L'indice de réparabilité introduit en France il y a deux ans dans le cadre d'une campagne anti-gaspillage porte-t-il déjà ses fruits chez nous et a-t-il une réelle influence auprès des consommateurs ?

L’indice de réparabilité en France est un signal intéressant pour les consommateurs qui sont sensibilisés sur ces enjeux de durée de vie des appareils. Les acheteurs vont privilégier un produit qui sera plus réparable. Cet indice est basé sur des critères objectifs et cela peut constituer un point de référence pour les consommateurs.

Des efforts sur la réparabilité et la durabilité peuvent-ils permettre à certaines entreprises et grandes marques de fidéliser encore plus les consommateurs et de s’imposer toujours un peu plus dans le marché très compétitif des technologies ?

Les personnes qui sont sensibles aux enjeux liés à la protection de l’environnement seront plus susceptibles d’acheter un téléphone réparable. Il s’agit aussi d’un puissant argument de communication pour les marques qui pourrait permettre à certaines firmes de se donner une image verte.

La Big Tech est souvent pointée du doigt pour son bilan carbone mais les entreprises du secteur des nouvelles technologies font effectivement des efforts. Avec les fonds et le budget dont elles disposent, les grandes marques ont plus de facilité à faire des efforts écologiques. Avec leurs moyens, il est plus simple de transformer les sièges sociaux avec des panneaux solaires ou en les alimentant avec des énergies renouvelables. Il est plus simple de prévoir des robots, comme le fait Apple, pour démonter et recycler les iPhones. Il s’agit d’une question de moyens.

Les entreprises tech font donc des efforts sur ces enjeux. Elles en jouent dans leur communication. Sur le site d’Apple, une page est entièrement dédiée à leurs efforts écologiques.

Même si Google, Microsoft ou Apple polluent en produisant des dizaines de millions de téléphones par an, il n’en reste pas moins qu’ils ont à cœur de faire des efforts réels en matière d’environnement via la réparabilité. Ces entreprises bénéficient d’une image plus verte auprès des consommateurs grâce à leurs efforts.  

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !