Marine Le Pen dans le Nord, Marion Maréchal-Le Pen dans le Sud : combien de divisions pour chacun des deux FN ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen.
Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen.
©Reuters

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Après le psychodrame familial entre Marine Le Pen et son père, on sent bien qu'au FN, deux pôles s'opposent. D'un côté le FN "canal historique", celui de Jean-Marie et de sa nièce Marion, représentatif d'un électorat traditionnel du Sud de la France. En face, celui de Marine et de Florian Philippot, qui, avec son discours socialisant, chasse sur de nouvelles terres. Pascal Perrineau est auteur de l'ouvrage La France au Front. Essai sur l'avenir du Front national", Paris, Fayard, 2014.

Pascal Perrineau

Pascal Perrineau

Pascal Perrineau est professeur des Universités à Sciences Po. Il est l'auteur de Cette France de gauche qui vote FN (Paris, Le Seuil, 2017), à paraître le 1er juin. 

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Atlantico : Constate-t-on des différences en termes d'électorat entre les Français qui votent pour le Front national dans le sud et dans le nord du pays ? Peut-on considérer que deux électorats se dessinent ?

Pascal Perrineau : La différenciation de deux électorats frontistes entre le nord et le sud n'est pas nouvelle. Dès les années 1990 s'est dessinée cette partition entre un électorat de la première génération, qui a été celui de la première dynamique du FN dans les années 1980, et un électorat de la seconde génération, qui se développe dans les années 1990 et 2000, et qui s'affirme avec vigueur depuis trois ans. Le premier électorat est un électorat d'une droite qui s'est radicalisée, articulée autour d'une petite et d'une moyenne bourgeoisie indépendante, de tempérament poujadiste et très préoccupée par les enjeux de l'immigration et de l'insécurité. Le second électorat trouve sa dynamique bien au-delà de la droite, dans des milieux de gauche, avec une forte teinte populaire (ouvriers, employés), des motivations sociales affirmées et une recherche de protection économique et sociale. Le terrain qui est la terre d'élection de ce second électorat frontiste est celui de terres ouvrières, touchées par la désindustrialisation et une réelle souffrance sociale (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Lorraine sidérurgique...) C'est ce deuxième électorat qui a permis au FN de sortir des 10 à 15% de suffrages exprimés dans lesquels il a semblé longtemps être cantonné, pour maintenant dépasser régulièrement la barre des 20% comme il l'a fait aux européennes de 2014 et aux départementales de 2015.

Quelles sont les différences dans les motivations politiques des électeurs ?

La dimension protestataire a longtemps été dominante dans ces électorats même si la dimension politique de la protestation était forte dans le premier électorat et la dimension sociale très présente dans le second électorat. Mais en développant son influence politique et électorale, le FN a diffusé un projet et des thèmes dépassant la seule offre de boucs émissaires (immigrés, délinquants, politiques) pour diffuser des propositions relatives à la critique de l'Union européenne, celle de la mondialisation, la mise en oeuvre de politiques économiques à forte dimension sociale (retraite à 60 ans, hausse systématique des petits salaires, reconquête des services publics...) et la promotion d'une République autoritaire et laïque. Autour de ces nouveaux thèmes, se profilent un vote d'adhésion et une fidélisation des électeurs frontistes. Enfin, l'ouverture de l'arc-en-ciel politique du FN lui permet de s'adresser à tous les électeurs de droite, de gauche ou abstentionnistes et à nombre de milieux sociaux et démographiques très diversifiés.

Constate-t-on des différences en termes de volatilité du vote, de participation ?

L'électorat populaire typique de la seconde génération connaît une véritable concurrence qui est celle de l'abstention.En revanche, l'électorat de la première génération, plus "politique" fait l'objet d'une concurrence avec la droite classique qui peut espérer en reconquérir une partie. Cela explique la "droitisation" prononcée d'une partie des Républicains du sud de l'hexagone qui est engagée dans une course poursuite de cet électorat avec le FN.

Par quelles figures du FN ces électorats respectifs sont-ils portés ?

Le premier électorat, du sud, est davantage incarné par Jean-Marie Le Pen, toujours élu régional de PACA et dont l'essentiel de la carrière électorale s'est déroulée dans la région. Sa nièce en est l'héritière, porteuse de positions culturelles plus strictes et de positions économiques moins socialisantes que sa tante. Le second électorat, caractéristique du nord et de l'est, se retrouve davantage en Marine Le Pen qui, après avoir longtemps hésité, a fait carrière électorale dans le Pas-de-Calais et a entrepris de "ressembler" à sa base électorale. Florian Philippot a tenté la même opération de greffe dans l'est, mais n'a pas eu la même réussite. Le profil technocratique de celui-ci rend le transfert populaire vers le FN plus difficile qu'avec Marine Le Pen qui a su utiliser des relais locaux issus du terrain (Steve Briois).

Electorat FN du nord et du sud ne se ressemblent pas, mais l'un des deux pèse-t-il nationalement plus que l'autre ? Ce rapport de force est-il amené à évoluer ?

La base de départ établie dans le sud et maintenue depuis de nombreuses années a constitué pendant longtemps le contingent le plus conséquent de forces électorales et militantes. Mais la dynamique forte du nord, de l'est et maintenant de l'ensemble des autres régions a profondément rééquilibré le rapport de forces. Maintenant et dans les années qui viennent, le second électorat et même la troisième génération issue de terres longtemps rétives au FN (centre, ouest, sud-ouest) sont les électorats les plus "productifs" et vis-à-vis desquels les forces politiques de droite et de gauche sont le plus "désarçonnées".

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