Lueur d’espoir face à la déforestation : une étude établit que les forêts tropicales s’en remettent rapidement et par elles-mêmes<!-- --> | Atlantico.fr
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Une zone déboisée dans la forêt amazonienne brésilienne à côté de Pacaja, le 22 septembre 2021.
Une zone déboisée dans la forêt amazonienne brésilienne à côté de Pacaja, le 22 septembre 2021.
©EVARISTO SA / AFP

Atlantico Green

C’est ce qu’indique une étude publiée dans la revue scientifique américaine Science

Lourens Poorter

Lourens Poorter est professeur en écologie fonctionnelle.

Il a obtenu sa maîtrise en biologie à l'université de Wageningen (1991), son doctorat à l'université d'Utrecht (1998) et travaille depuis 1999 au groupe Écologie et gestion forestières, d'abord comme lauréat Veni, puis comme lauréat PE&RC, professeur associé (2010), professeur personnel (2014) et professeur personnel Hoogleraar 2 (2019).

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Atlantico : Selon votre étude, les forêts tropicales peuvent se remettre de la déforestation remarquablement vite et par elles-mêmes. En effet, l'étude a révélé que la fertilité du sol sur des terres précédemment déboisées peut revenir en moins d'une décennie. Quels sont les processus en jeu ? Comment la forêt peut-elle se régénérer en si peu de temps ? Quelles sont les conditions pour y parvenir ?

Lourens Poorter : Cela va si site car nous examinons ici un processus appelé « succession secondaire ». La succession secondaire se produit lorsqu’une grande perturbation (comme le feu, l’exploitation forestière ou encore les tempêtes) élimine la majeure partie de la biomasse aérienne et que la végétation recommence à repousser. Dans notre cas, la perturbation consiste à abattre la forêt et à la brûler afin d’utiliser les nutriments stockés dans la végétation pour produire des cultures pendant quelques années, ou pour des pâturages qui peuvent durer plus longtemps. Parce que la perturbation est aérienne, il reste beaucoup d'héritages dans le sol, qui demeure plus ou moins fertile et bien développé. On y retrouve des graines qui peuvent germer ou des souches qui peuvent repousser. Cela conduit à un établissement rapide de la végétation, qui se développe très vite en raison des excellentes conditions de croissance tout au long de l'année (températures chaudes et fortes précipitations). Ainsi, certains arbres peuvent atteindre une hauteur de 5 m par an, contre 30 cm dans la zone tempérée.

Les conditions doivent être que les champs agricoles ou les pâturages n'aient pas été utilisés de manière trop intense, trop longue ou trop fréquente, afin que le sol ne soit pas trop dégradé. Il doit également y avoir une forêt à proximité pour fournir des graines et des agents de dispersion, comme des oiseaux (comme les tucans et les aras) et des mammifères. Il peut aussi y avoir des arbres isolés à proximité qui fournissent de l'ombre et attirent les agents de dispersion qui se perchent dans l'arbre.

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Chaque année, des forêts entières se reconstituent naturellement. L’homme a-t-il quelque chose à voir dans ce processus ? 

Non, cela s'appelle la régénération naturelle, et la forêt peut le faire d'elle-même. En général, les forêts qui se développent naturellement sont plus diversifiées et fixent plus de carbone que les plantations d'arbres. Il s'agit donc d'une solution naturelle idéale pour restaurer les écosystèmes, préserver la diversité et atténuer le changement climatique. Lorsque les sols sont trop appauvris, qu'il n'y a pas de sources de semences à proximité ou que la concurrence des hautes herbes ou des fougères exotiques est forte, vous pouvez recourir à la régénération naturelle assistée (en éliminant les herbes) ou à la restauration active par le biais d'un ensemencement ou d'une plantation directe. Le message à retenir est donc qu'il faut utiliser la régénération naturelle là où c'est possible, et planter là où c'est nécessaire.

Les vieilles forêts stockent plus de dioxyde de carbone que les jeunes forêts, et la déforestation libère ces stocks, contribuant ainsi au changement climatique. Qu'en est-il du cercle vicieux du réchauffement de la planète ? La résilience des forêts pourrait-elle être un frein au réchauffement de la planète ?

Nous préconisons de conserver les forêts anciennes là où vous le pouvez, car moins de 50 % de toutes les forêts tropicales du monde sont des forêts anciennes. Environ 25 % sont des forêts secondaires dues à l'exploitation forestière ou aux incendies, et 25 % supplémentaires sont le type de forêts secondaires que nous avons étudiées, qui repoussent sur des champs agricoles ou des pâturages abandonnés. Lorsque vous coupez une forêt ancienne, vous libérez des centaines de tonnes de gaz à effet de serre de type CO2, vous perdez la fonction de "pompe à eau" de ces fôrets, qui transpirent beaucoup d’eau et augmentent l'humidité de l'air, ce qui génère des précipitations sous le vent.

Les jeunes forêts secondaires sont comme des adolescents : elles absorbent beaucoup de carbone, poussent comme des champignons et séquestrent 11 fois plus de CO2 que les forêts anciennes, qui, comme des personnes âgées, ont un métabolisme faible et séquestrent relativement peu de carbone (mais en stockent beaucoup !) (Poorter et al 2016 Nature). Lorsque vous avez conduit toutes les forêts tropicales secondaires d'Amérique latine à croître pendant 40 ans de plus, alors elles peuvent compenser toutes les émissions de ces pays au cours des 20 dernières années (Chazdon et al 2016 Science Advances).  

Le fait que les forêts puissent se régénérer après une déforestation donne-t-il un passe-droit à la déforestation, ou est-ce juste une consolation pour un phénomène néfaste ? 

Non, ce n'est pas un permis de tuer et de déboiser, pour les raisons évoquées plus haut ; il reste peu de forêts anciennes, cela libérerait des tonnes de CO2 dans l'atmosphère, vous perdriez votre pompe à eau qui génère des précipitations dans des régions lointaines (les forêts amazoniennes déterminent les précipitations, et donc la production agricole au Paraguay), et ces forêts anciennes abritent de nombreux spécialistes rares. Ces forêts peuvent également servir de réservoir à partir duquel les espèces végétales et animales se dispersent dans le paysage environnant, et participent au renouvellent des nouvelles jeunes forêts secondaires. Alors, s'il vous plaît, conservez les vieilles forêts que nous pouvons protéger.

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