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Le biocarburant du futur : l'algue ?
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Un plat qui surfe sur la vague

Les algues sont d’actualité. Coincées entre les orteils des vacanciers, disposées dans les assiettes des grands-chefs étoilés... certaines finiront même par conquérir nos moteurs ! L'algocarburant est le dernier type de biocarburant à la mode et il conquit de plus en plus de chercheurs.

Jean-Philippe Steyer

Jean-Philippe Steyer

Jean Philippe Steyer est directeur de Recherche à l’Institut National de la Recherche Agronomique et dirige le Laboratoire de Biotechnologie de l’Environnement en Narbonne. Passionné par le thème populaire de la valorisation des déchets, il est l’auteur de nombreux articles traitant des algues et de leur potentiel dont “A new framework for metabolic modeling under nonbalanced growth. Application to the carbon metabolism of unicellular microalgae” et "Integrating microalgae production with anaerobic digestion: a biorefinery approach. Biofuels, Bioproducts and Biorefining" .

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Atlantico : L’algue est considérée comme un biocarburant de 3ème génération. Celle-ci succède à la génération biocarburant agroalimentaire, et à la génération de biocarburant biochimique. Comment peut-on obtenir de l’énergie à partir d’un végétal qui ne comporte ni feuille, ni fleur, ni graine ?

Jean-Philippe Steyer : Ni racines ! L’algue est une riche ressource de bioénergie, malgré l’absence de tous ces attributs. Pour comprendre ce tour de passe passe, il faut savoir deux choses. Les propriétés usuellement utilisées pour produire du biocarburant sont les lipides et l’amidon. Or, sous certaines conditions, les algues en produisent massivement et les stockent dans leurs cellules. Lorsque on les cultive en vue de produire du biocarburant, on provoque une carence en éléments nutritifs, et principalement en azote. Ainsi, les algues font des “réserves” d’énergie, comme un marathonien pourrait stocker du gras lorsqu’il réduit son apport en glucides. Pour récupérer ces quantités d’énergie (celles de l’algue), on casse les cellules, et en suivant les protocoles de l’extraction, on prélève les lipides nécessaires à la conversion en biocarburant. Celle-ci est déclenchée par une réaction chimique avec tantôt du méthanol, tantôt de l’hydrogène.

Depuis quelques années, il est reconnu que les algues présentent des avantages sur le premier biocarburant exploité aujourd’hui, le maïs. En quoi consistent ces avantages ?

En théorie, les avantages sont nombreux. En premier lieu, on peut mentionner celui qui attire nombre de société agricoles : la productivité à l'hectare de lipides, qui est supérieure à celle du maïs. En outre, la nature de l'algue est plutôt pratique : puisqu'on la cultive dans des bassins, on peut l'exploiter à peu près partout, et surtout sur des terres non-arables. Enfin, on sait que les engrais utilisés pour faire pousser du maïs sont composés d’éléments nutritifs tels que l’azote, le magnésium et le phosphore. Or, dans les eaux usées utilisées par les cultures de biocarburants, on retrouve précisément ces constituants. Dès lors, on peut inscrire l'exploitation des algues dans une perspective renouvelable. De la même façon, puisque les algues consomment du Co2, on peut compenser les effluves des usines et autres producteurs de Co2 industriel, ce qui participe à une réduction des dégradations de l’environnement. A noter aussi, les risques de fuite de pesticides dans la nappe phréatique sont nuls car les bassins de culture sont couverts : un énième bénéfice pour la préservation de l’environnement.

Peut-on envisager dans un futur proche d’utiliser cette source d’énergie pour alimenter une grande partie, si ce n’est pas la totalité de nos transports ? 

Le chemin vers un usage généralisé de ce type de bioénergie est, pour le moment, bloqué par deux verrous. Le premier concerne le coût de production, qui s’avère être particulièrement élevé : la technicité nécessaire pour extraire les huiles des algues et les convertir en biocarburant est d’un tel niveau qu’elle ne permet aujourd’hui de tirer de bénéfice, ou bien même d’assurer une production importante sans s’endetter ou dépendre d’aides financières. Le second verrou concerne la taille du produit . Les algues qu’on cultive dans les bassins sont très petites : on ne peut retirer en moyenne qu’un gramme de concentration de lipides sur un litre d’eau. On produit donc environ une unité énergétique pour en récolter une autre...ce qui ne propose guère un bilan énergétique attrayant ! Sans compter que les cellules que l’on sélectionne dans une algue pour en extraire de l’huile relèvent de l’échelle microscopique, ce qui requiert des instruments techniques bien précis, et un investissement temporel important. De la même façon, il faut constamment mélanger le bassin de culture pour que les algues reçoivent uniformément les mêmes doses de nutriments et qu’elles produisent la même quantité de lipides. Une pratique qui dépense plus d’énergie que celle investie lorsque laboure un champ, par exemple. En bref, les moyens technologiques destinés à produire de “l’algocarburant” sont de manière générale plutôt énergivores. C’est pourquoi on peut se demander si le biocarburant peut réellement être considéré comme le domaine de prédilection de l'exploitation des algues… Il semblerait que celles qu’on fait du végétal sont plus probantes : qu’il s’agisse de l’usage de la spiruline (type de microalgue) pour les compléments alimentaire, de ses ressources en vitamines C pour la cosmétique, ou encore de ses propriétés thérapeutiques pour l’industrie pharmaceutique.

Propos recueillis par Victoire Barbin Perron 

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