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L’islamisme institutionnel de l’OCI : plus grand lobby théocratique mondial
©AFP

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Retour sur l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) qui vise à "promouvoir la coopération dans les domaines économiques, sociaux, culturels et scientifiques" et qui regroupe 57 pays membres.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Organisme intergouvernemental à finalité politique, économique et culturelle, l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), créée en 1969, à Djedda, en Arabie saoudite, est une sorte de «Nations Unies du monde musulman ». L’OCI est d’ailleurs le second rassemblement d’États le plus large après l’ONU. Regroupant 57 pays-membres, sa vocation affichée est de « promouvoir la coopération dans les domaines économiques, sociaux, culturels et scientifiques» grâce notamment à la Banque islamique de Développement (BID, saoudienne), la «sauvegarde des Lieux saints (al-Haramaïn), le soutien au peuple palestinien (d’où un fort antisionisme), ou la défense des minorités et pays musulmans dans le monde, notamment en Occident où elles seraient victimes de l’«islamophobie». Sur le plan international, l’OCI n’a aucun autre équivalent.

C’est un cas unique d’organisation interétatique de type confessionnelle dont les membres signataires et actifs sont des États poursuivant un projet de promotion planétaire de lois et règles théocratiques. L’OCI défend les intérêts de 57 États musulmans (sunnites et chiites) en exerçant des pressions sur les pays, les instances internationales, les personnalités politiques, etc., spécialement lorsqu’il s’agit de conflits opposant musulmans et non-musulmans, comme on a pu le constater en Israël, au Cachemire, en Bosnie, au Kosovo ou en Syrie. L’OCI soutient les groupes séparatistes-irrédentistes islamiques partout où ils sont en conflit avec les non-musulmans, qu’il s’agisse des musulmans face aux chrétiens pendant la guerre civile libanaise, des légions islamiques en Bosnie et au Kosovo durant les guerres d’ex-Yougoslavie, des séparatistes islamistes du Cachemire face à l’Inde, des albanophones musulmans en Macédoine face aux Slaves, des Tchétchènes face aux Russes dans les années 1990, etc. En Europe et en Occident, l’OCI, parrainé notamment par la Turquie et l’Arabie saoudite (qui la président depuis 2003), essaie d’embrigader les musulmans afin qu’ils maintiennent leur identité dans une sorte de « ghetto volontaire» et qu’ils ne s’intègrent pas à la société «mécréante» d’accueil jugée hostile et infréquentable. La stratégie d’expansion et de pénétration de l’OCI en milieu occidental et non-musulman, pilotée en grande partie par les pôles saoudien, turc, marocain et pakistanais, est double: Premièrement, contrôler les communautés musulmanes issues de l’immigration et éviter à tout prix leur « désislamisation ». Deuxièmement, profiter de l’état de fait qu’est la présence musulmane en terre infidèle pour tenter d’en faire des vecteurs de propagation de l’islam. Déjà, en 1983, la revue de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), L’islam aujourd’hui, explicitait sa stratégie d’expansion mondiale: «Chaque majorité musulmane est en danger permanent de devenir une minorité si elle se laisse soumettre à des effets de désintégration culturelle et politique [...]; La Oumma islamique, entière, a commencé comme une minorité réduite à une seule personne, le Prophète. Elle s’est ensuite élargie à quelques centaines de personnes (...). Le succès d’une minorité musulmane est de devenir un jour (...) une majorité. Ce phénomène se fait par un effet d’assimilation réciproque entre la majorité non-islamique et la minorité islamique, la majorité acceptant petit à petit la morale et la religion islamique et finissante par s’identifier à l’islam (...). Le but est d’établir un plan commun des pays musulmans qui aiderait chaque minorité musulmane à établir les conditions nécessaires à lui donner une dynamique de minorité réussie. Plus ces communautés seront fortes et acceptées dans leur pays, plus elles défendront les intérêts du monde musulman puisque la Oumma est une et indivisible, chaque fraction de cette Oumma est d’une importance primordiale». Peut-on appeler ce type de discours autrement qu’un plan de conquête politico-spirituelle du monde?

Jérusalem n’est pas une ville sainte juive pour l’UNESCO et l’OCI...

En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien et sa dimension religieuse, notamment autour du statut de Jérusalem, jadis ville sainte des trois religions abrahamiques et surtout principale ville sainte et capitale du judaïsme, l’OCI a réussi depuis le début des années 2000, grâce à son puissant lobbying, à faire condamner l’État d’Israël plus de fois que n’importe quel autre État dans le monde, y compris des États qui occupent des territoires plus importants encore (Turquie, Chine, etc.). L’organisation a également réussi à faire reconnaître Jérusalem comme le «troisième lieu saint de l’Islam», alors que les deux lieux saints officiels mentionnés dans le Coran sont La Mecque et Médine (al-Haramaïn, qui signifie en arabe «deux sacrés» et non trois). Elle a même réussi à faire adopter par l’UNESCO une résolution déniant toute souveraineté et historicité d’Israël à Jérusalem (mai 2017, le jour des célébrations des 69 ans de l’indépendance de l’État hébreu)1, alors qu’avant les guerres israélo-arabes de 1948, l’est de la ville était majoritairement juif et que des lieux saint juifs s’y trouvent.
Plus ubuesque encore, l’Arabie saoudite, qui préside l’OCI, a même réussi à infiltrer une autre grande instance des Nations Unies: le Conseil des Droits de l’Homme basé à Genève, en intégrant la Commission de la condition de la femme (CSW). Quand on connaît le sort des minorités, des non-croyants et des femmes en Arabie saoudite, second pays au monde pour les exécutions capitales, où les femmes n’ont pas eu le droit de conduire jusqu’à la timide réforme du Prince Ben Salmane de janvier 2018 et ne peuvent pas se déplacer sans un parent ou mari mâle, il y a de quoi en perdre son latin. Ceci fut le résultat du lobbying intense exercé dans les chancelleries du monde entier et aux Nations unies par Riyad et l’OCI. Notons que l’admission de l’Arabie saoudite au sein de la commission de
la condition des femmes a été validée par cinq pays-membres de l’Union européenne (pas la France). A partir de 2018 et jusqu’en 2022, grâce au vote du Conseil économique et social de l’ONU (l’ECOSOC), le royaume veillera donc à promouvoir avec 45 autres États les droits des femmes, notamment celui de l’égalité entre les sexes.
Rappelons aussi qu’en 2015, déjà, malgré les centaines d’exécutions annuelles recensées chaque année et l’application de la version la plus totalitaire de la charià qui permet pendaisons, égorgements, lapidations et même crucifixions – l’Arabie saoudite avait été nommée à la tête de l’une des commissions consultatives de l’ONU relatives aux droits de l’Homme, au moment même où nombre de prisonniers politiques croupissaient en prison pour avoir osé exprimer leurs convictions, comme le célèbre blogueur chiite Raïf Badawi, condamné en septembre 2016 à dix ans de prison et mille coups de fouets pour apostasie.
D’autres furent condamnés à mort comme le dignitaire chiite pacifique Nimr al-Nimr (avec 47 autres personnes exécutés en un seul jour). Chacun sait en effet que le Royaume saoudien décapite publiquement ou lapide régulièrement des sujets en laissant ensuite leurs corps pendus sur des grues et déchiquetés par des pierres. Rappelons que dans ce pays, les exécutions brutales sont si fréquentes qu’un grand espace public a été surnommé Chop Chop Square en raison du nombre d’exécutions très fréquentes perpétrées par les autorités saoudiennes.

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