L’heure du remboursement des prêts accordés par la Chine a sonné pour de nombreux pays en développement <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président chinois Xi Jinping serre la main du roi cambodgien Norodom Sihamoni au Grand Palais du Peuple, à Pékin, en mai 2019.
Le président chinois Xi Jinping serre la main du roi cambodgien Norodom Sihamoni au Grand Palais du Peuple, à Pékin, en mai 2019.
©AFP / POOL / JASON LEE

Nouvelles routes de la soie

Et il semble que Pékin soit un créancier beaucoup moins arrangeant que les « méchants » Occidentaux.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : Associated Press a souligné que l'heure du remboursement des prêts accordés par la Chine a sonné pour de nombreux pays en développement. Dans quelle mesure est-ce le cas ? Qui est concerné et dans quelle ampleur ?

Emmanuel Lincot : Cela signifie deux choses: la Chine est elle-même en difficulté et qu'elle va prioriser désormais ses choix de développement. L'argent placé chez les "autres"et qui ne sont pas solvables peut s'avérer dommageable sur le plan politique pour Xi Jinping alors qu'il conférait à la Chine, et à travers le projet des Nouvelles Routes de la soie, un rôle de généreux bailleur de fonds. Cette période semble révolue pour des pays africains notamment mais sans doute pas encore pour des pays jugés stratégiques par Pékin et où, en retour, pourrait s'installer le chaos. Je pense notamment au Pakistan ou au Cambodge convoités pour leurs ports et / ou leurs corridors qui les relient àla Chine comme alternatives au détroit de Malacca.

A quel point la Chine est-elle un créancier exigeant pour ses débiteurs ?

Emmanuel Lincot : C'est un créancier politique qui peut acculer ces pays au bord du défaut de paiement c'est à dire dans le pège de la dette. Le cas bien connu est celui du Sri Lanka. En échange du non remboursement de la dette de ces pays, la Chine peut exiger la cession d'infrastructures portuaires comme le port d'Hambantota. C'est donc une arme politique qui peut déstabiliser un régime ou forcer les Occidentaux à s'engager plus avant pour créer des zones d'instabilité volontaires.

Quelles conséquences cela va-t-il avoir sur lespays obligés de rembourser brutalement leurs dettes ?

Emmanuel Lincot : C'est une aliénation certaine et irréversible vers laquelle ils s'acheminent. Mais, encore une fois, cela nous renseigne aussi sur l'état économique dans lequel se trouve la Chine aujourd'hui. La montée exponentielle du chômage chez les jeunes, la nécessité pour Pékin de trouver très vite des solutions pour faire face au défaut de paiement de ses propres provinces sans oublier la non solvabilité de ses structures immobilières sont autant de phénomènes qui s'ajoutent à une conjoncture très incertaine. Chaos de plus en plus inéluctable en Russie, rivalité de plus en plus affirmée avec les Occidents sur le plan économique et stratégique. Les beaux jours pour la Chine sont définitivement derrière elle.

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Quelle est la stratégie diplomatique de la Chine en agissant de la sorte ? Cela pourrait-il se retourner contre elle ?

Emmanuel Lincot : Elle va perdre des appuis dans ce Sud global qu'elle convoite tant. Elle va être amenée à changer quelque peu son discours tout en se dégageant de ses responsabilités dans certains pays du monde sans pour autant sacrifier ses acquis ni continuer à protéger ses ressortissants. Les situations chaotiques fomentées jadis par les Etats-Unis dans les pays de l'Amérique centrale et du Sud permettaient ensuite à Washington de légitimer ses interventions. Cette hypothèse peut-elle être retenue pour ce qui concerne la Chine ? Le contexte est je crois différent pour les raisons exprimées plus haut et les dirigeants chinois envisagent déjà sans doute ne plus être obligés d'investir si loin de leurs bases alors que la Russie est à vendre et que l'avenir pour Pékin s'écrit avant tout dans sa plus proche périphérie. Signe des temps: Moscou vient d'ouvrir le port de Vladivostok à Pékin...

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Et au fait, les plans de la Chine vis-à-vis de l’Europe, c’est quoi ?

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