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Forte hausse des cleantechs. Bulle financière ou investissement d’or et déjà productif ?
©DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Green

L’investissement au capital des « clean tech » est à l’œuvre depuis plus d’une dizaine d’années notamment aux Etats-Unis. Il est concomitant à la prise de conscience globale du changement climatique.

Céline Burger

Céline Burger

Céline Burger est géographe-urbaniste, spécialiste des questions de durabilité plus particulièrement en lien avec l’énergie. Chercheure à l’université de Reims Champagne-Ardenne, elle a notamment publié des articles autour de l’articulation entre projets éoliens et développement durable. Ses travaux actuels portent sur la territorialisation de la "transition écologique" et "énergétique".

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Atlantico : Avec plus d'1,5 milliard d'euros investis au capital des "clean tech" françaises, leur financement en fonds propres a bondi de plus de 60 % en 2018. Selon vous, qu'est-ce qui explique cette dynamique ? Est-elle durable ? 

Céline Burger : L’investissement au capital des « clean tech » est à l’œuvre depuis plus d’une dizaine d’années notamment aux Etats-Unis. Il est concomitant à la prise de conscience globale du changement climatique. La croissance verte émerge, portée par des acteurs économiques, de la start-up à la grande entreprise, et des acteurs financiers en fonds propres, de la collectivité à la société capital-risque. Les uns comme les autres se disent préoccupés par la question écologique et voient dans le développement d’une économie qui met en jeu l’écologie une opportunité de profit prometteuse ainsi qu’une possibilité de « jouer un rôle » dans le tournant en cours pour une économie plus verte.

Stratégiquement, au-delà du profit, cela leur permet de se garantir une place parmi les acteurs qui comptent dans la gouvernance locale, régionale, voire mondiale, et de s’assurer sur le long terme un pouvoir décisionnaire. A la question est-ce qu’être « écolo » est incompatible avec le fait de considérer les « clean-tech » comme une source de profit, on ne peut assurément pas avoir une réponse tranchée. Cela relève des motivations des acteurs. Celles-ci sont fréquemment affichées comme « écologiques » mais ne peuvent être décorrélées d’une possibilité de profit conséquente.

Pour l’Etat, c’est un levier de mise en œuvre d’une politique d’adaptation au changement climatique portée et soutenue par le secteur privé. Pour atteindre les objectifs fixés d’une société bas-carbone, l’Etat ne peut pas se passer des capacités d’investissement des acteurs financiers pour soutenir la filière des « clean-tech ». C’est un choix géostratégique qui interroge sur le long terme, le rôle de régulateur de l’Etat étant davantage délégué aux acteurs privés, qui prennent une place de plus en plus importante dans la fabrique du territoire. C’est l’illustration du phénomène de néolibéralisation de la société qui a des implications au-delà des aspects économiques. Il influe sur la gouvernance par l’entrée des acteurs économiques et financiers dans le processus de négociation territoriale.

La durabilité de cette dynamique dépend des acteurs qui la portent et des finalités de leurs actions. Un financement en fonds propres porté par une collectivité, dont la finalité est de favoriser le développement économique local, a un gradient de durabilité plus élevé qu’un financement en fonds propres porté par une société à capital-risque, nécessairement animée par une logique de retour sur investissement.

Quelle est la place des entreprises françaises dans le marché mondial des "clean tech" ? Sont-elles suffisamment soutenues par les pouvoirs publics français et européens ?

Il est difficile d’évaluer la place des entreprises françaises dans le marché mondial des « clean tech », dans la mesure où peu d’indicateurs existent. 

Cependant, on observe en France que la COP 21 a eu pour effet le développement d’un discours valorisant des « clean tech », le dernier « rendez-vous annuel de la communauté d’affaires et d’innovation de la filière des cleantech » a eu lieu au ministère de l’économie. Le dernier programme pluriannuel de l’énergie, la stratégie bas-carbone sont des indicateurs du soutien de l’Etat pour le développement d’une économie « décarbonné » où les « clean tech » peuvent trouver leur place. Ce soutien indirect de l’Etat participe nécessairement à l’augmentation en France des investissements au capital des « clean-tech », un message politique fort en faveur de ces entreprises influencent les investisseurs. L’objectif pour l’Etat est de rendre attractif le secteur de la transition écologique et énergétique. Cependant, ce qui semble devoir retenir notre attention n’est pas tant le positionnement dans le marché mondial que le positionnement par rapport au cycle de vie. On observe que les entreprises bénéficiant des investissements les plus massifs dans les « clean tech » en France, notamment Recommerce et backmarket, sont des sociétés de reconditionnement d’appareils électroniques (téléphones, tablettes etc.). Le recyclage des produits s’impose de plus en plus dans nos sociétés tant pour des raisons économiques, qu’éthique. L’initiative de l’Etat d’interdiction de l’obsolescence programmée en est également une illustration. Ces « clean tech » jouent un rôle intéressant dans la transition écologique en matière de recyclage. D’autant que la production des « high-tech » nécessite des ressources en terres rares dont la production est extrêmement polluante car très complexes à extraire. Le développement des « clean tech » peut accompagner les politiques de transition écologique et devenir un pilier industriel, ceci en fonction des choix stratégiques qui seront opérés, tant l’étendue des possibilités de développement est importante et les filières variées.

Comment le marché des "clean tech" devrait-il évoluer dans les années à venir ? Quelles sont les technologies les plus "prometteuses" ? Leur rôle dans la transition écologique est-il surévalué ? 

En France, les secteurs qui captent le plus d’investissements sont le secteur de l’énergie (énergies renouvelables, efficacité énergétique…) et de l’écomobilité (mobilité électrique, douce…). La chimie verte (une partie de la bioéconomie) apparaît également mais avec des investissements beaucoup moins importants. Or, l’Etat, l’Europe ou encore certaines régions, ont défini des stratégies en faveur du développement de la bioéconomie. A travers ces stratégies, il s’agit d’émanciper notre économie du carbone fossile en lui substituant du carbone renouvelable, principalement issu des biomasses.

C’est pourquoi la « clean tech », par le développement des « bio tech » (technologies qui s’émancipent du carbone fossile), pourraient répondre en partie aux objectifs fixés par la mise en politique de la transition écologique. Les technologies de la bioéconomie apparaissent prometteuses, dans la mesure où elles permettent de substituer aux productions basées sur du carbone fossile (gaz, essence, diesel, plastique, …) des productions basées sur du carbone renouvelable (biogaz, biocarburants, bioplastiques…). Leur rôle dans la transition écologique peut être central si elles permettent le développement d’une économie plus verte, plus locale, mieux ancrée sur son territoire en favorisant les circuits courts et donc le développement territorial.

Nombres d’initiatives portées par des acteurs locaux, notamment en matière de méthanisation, illustrent le caractère potentiellement structurant des « biotech ». Le site industriel de PomacleBazancourt, dans la Région Grand Est, en est une illustration. Il joue un rôle structurant dans la stratégie politique de mise en œuvre de la transition écologique, répondant à la fois à des injonctions politiques étatiques et européennes. Localement, le rôle de polarité du site sur la dynamique territoriale et économique est avéré. Pour autant, bénéficiant de nombreux investissements en tant que vitrine de la bioéconomie, le développement de ce type de plateformes laisse-t-il la place à des initiatives de plus petite ampleur mais toute aussi importante pour la mise en œuvre de la transition écologique. Le risque de la mise sous projecteurs des entreprises à capital-risque et aterritoriale n’estil pas une perte de valorisation des activités innovantes de moindre visibilité mais particulièrement structurantes pour la transition de nos territoires.

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