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Le Point annonce la victoire culturelle du RN mais voit Bardella en imposteur, L’Express en manipulateur; Marianne dénonce le gouvernement par la peur de Macron, Marine Tondelier cède à celle de LFI, la France à une spirale infernale de radicalisation
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Revue de presse des hebdos

A la Une de vos hebdos cette semaine : le RN est partout, et en mode guerrier : Bardella est un “mystificateur”, qui “assiège la République”. Préparez-vous au “choc qui vient” ! Chacun cherche à nous dire ce que le RN fera une fois au pouvoir, alors que le Nouveau front populaire ne fait pas l’unanimité…

Alice Maindron

Alice Maindron

Alice Maindron a enseigné la philosophie à vos chères têtes blondes, et a sévi dans le conseil et la formation. 

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La victoire culturelle du RN

On avait tout dit avant les élections sur la nouvelle géographie politique française et ses grandes métropoles qui surnagent dans la vague RN. Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop, affine dans Le Point la “dynamique contrastée entre France rurale et périphérie urbaine”. Elle se double d’une “nouvelle stratification éducative” : c’est dans les milieux les moins diplômés — qui votaient déjà beaucoup pour le RN—, que la poussée frontiste a été la plus puissante, y compris chez les jeunes : “la jeunesse emmerde le Front national”, c’est fini, jusqu’à la licence du moins. Les femmes aussi, qui votaient beaucoup moins RN, sont désormais à parité, grâce à la stratégie de “respectabilisation” du RN. 

La question de la sécurité et la lutte contre la délinquance a joué un rôle déterminant dans les choix électoraux : c’est désormais le 3° déterminant du vote (le 9° en 2019), juste devant la lutte contre l’immigration clandestine. Cette dernière devient le plus fort marqueur du vote RN (+30 points par rapport à l’ensemble des votants), plus que la sécurité. On lit, quelle coïncidence, dans Marianne que Macron, “depuis 2017, ne sait que gouverner par la peur – peur du RN, peur du virus, peur de la guerre – a réussi à provoquer la grande panique qui fera oublier son absence totale de légitimité. Panique des classes dominantes pour leur épargne face au programme économique des “extrêmes”, panique des élites face au “fascisme”...

En tout cas, pour Fourquet, “quand une force politique parvient à elle seule à atteindre le seuil de 40%, voire à le dépasser, cela signifie que sa vision du monde est le diagnostic qu'elle porte sur l'état du pays ont très massivement infusé et que c'est son idéologie qui imprègne le sens commun partagé par la population”.

Se méfier des clichés…

Au chapitre des fractures, Peggy Sastre décortique dans Le Point la polarisation politique de la société, et le refus de la mixité idéologiques : “de telles fractures sont le produit d’inimitiés pour ainsi dire illusoires. On a un adversaire politique en horreur parce qu'on lui attribue des opinions qui, en réalité, ne sont pas les siennes.” C’est déjà trop tard : “chaque bord va réellement s'exprimer, miser en réaction à l'extrémisme qu'il perçoit — à tort — chez l’autre.”

Une polarisation vendeuse pour les médias, qui croient “parler à un public, une part de marché qui, stricto sensu, n'existe pas” et créent une réactions en chaîne. Au point de “taire ce qu’on pourrait reprocher aux extrémistes de son propre camp. Car, lorsqu’on est persuadé que les autres sont des fadas prêts à tout, pourquoi gêner les siens ?” Une “infernale spirale de radicalisation” qui explique bien des horreurs entendues ces dernières semaines… “La connaissance, oui, est meilleure conseillère que la peur.” Alors comment lire les hebdos de la semaine, et leurs chiffons rouges (ou bruns) ?

L’épouvantail RN

Dans L’Express, ses promesses en matière d’immigration illégale sont qualifiées d’inapplicables, quand elles ne sont pas elles-mêmes franchement illégales au plan international, en particulier la suspension des transferts de fonds privés vers les pays qui ne reprendraient pas leurs ressortissants. Le Point se lamente : “Bardella n'est pas Meloni” : son parti "post-populiste a réalisé son aggiornamento” en "alliant fermeté sur la sécurité et l'immigration, politique économique favorable aux entreprises, pleine intégration dans les institutions de l'UE, solidarité avec l'OTAN., opposition à la Russie et aide déterminée à l’Ukraine.” Jordan sait à quoi se tenir…

Y compris pour séduire les patrons, “obnubilés par le durcissement de la concurrence internationale” qui selon Marianne ne font preuve “ni d’enthousiasme ni d’opposition farouche” : “l’exemple italien récent plaide pour cela.” Tout en restant prudents : “un front uni de patrons contre le RN, cela nous reviendrait immédiatement à la figure !” En tout cas, les lobbyistes sont déjà sur les rangs, et ont pris l’habitude de solliciter les députés bleu marine : “buralistes, médecins, grande distribution... ont poussé leurs propositions clé en main.

Le Point épluche le malaise des hauts-fonctionnaires mais doute de démissions en masse : “la hiérarchie pensera à son futur et attendra que la période passe” pour l’ancien garde des Sceaux Jean Jacques Urvoas. D’autres se campent déjà en “résistance de l’intérieur”, mais dans Marianne, on est plus nuancé : si les diplomates sont inquiets (la suppression du corps diplomatique signifie des nominations aux mains du pouvoir en place), le rétablissement des grands corps est “habile”, qui témoigne d’un “sens de l’État et de la continuité historique qui peut séduire.” Et le RN promet de ne pas faire de « chasse aux sorcières » en cas d’arrivée au pouvoir. 

Alors, qui reste-t-il pour s’indigner ? Les cultureux sont dans une “posture angélique” lassante : “marre de notre impuissance, de nos peurs, de notre narcissisme, de notre sectarisme, de nos dénis.” pour la dramaturge Ariane Mnouchkine. Le bazar viendra de la rue, de “certaines professions qui sont déjà en tension, comme les personnels soignants ou les enseignants.”

la dimension illibérale du rassemblement national effraie le Nouvel Obs : la préférence nationale, mais surtout des atteintes possibles à l'État de droit, ce “grand principe juridique qui garantit le respect de la hiérarchie des normes, l'égalité des citoyens devant la loi et la séparation des pouvoirs." L'occasion pour l'hebdo de rappeler que les procureurs réclament depuis des années une réforme constitutionnelle pour garantir leur indépendance vis-à-vis d'une politique pénale qui pourrait être trop sévère. 

Car pour l’historien Patrick Weil dans Le Nouvel Obs, le RN n'a pas changé sur l'immigration et la nationalité : ”même Vichy n'a pas osé remettre en cause le droit du sol”, vieil héritage de la monarchie. 

Faut-il plus craindre LFI ? L’historien se veut optimiste : “Il faudra s’entendre. Si la gauche est dominante mais n’a pas la majorité, elle pourra appliquer la partie de son programme qui peut faire consensus parmi les autres forces démocratiques. La défense des libertés publiques, l’indépendance de la justice, la lutte contre la corruption, le rééquilibrage des pouvoirs pour réduire l’excès de présidentialisme…”

Mais rien n’est gagné, pour un dirigeant de gauche : “on est dans un étau horrible entre le pervers narcissique de l’Elysée et la double folie de Jean-Luc Mélenchon : ne pas supporter de ne pas être le chef de tout et de tout le monde et tout faire péter dès qu’il y a une infime chance de gagner”. 

Démission : l’Elysée dément

Verbe, ou adjectif, telle est la question… Le Point avait écrit que Brigitte Macron était “convaincue que son mari préférerait quitter la scène qu’avoir à subir l’humiliation d’un partage du pouvoir avec le RN.” Elle le dément formellement, nous apprend l’hebdo cette semaine. Et dans L’Express, on apprend que l’Elysée a démenti fissa Europe 1 qui affirmait que Macron pourrait "mettre sa démission dans l’équation” : selon l’hebdo, “si les Français savent que leur vote aux législatives peut leur permettre de renvoyer le président, ils risquent de ne pas hésiter…” Encore une grenade en forme de boomerang ! Mais surtout, “démissionner ne lui permettrait pas de se représenter dans la foulée”. Le pire dans tout cela est peut-être que “l’un de ses proches a appelé cette semaine un constitutionnaliste pour s’en assurer.”

Dissolution : mais pourquoi, pourquoi ?

Les hebdos n’arrêtent pas de gloser sur cette fichue dissolution et ses “raisons”. Bronner, dans l’Express, en repère trois principales : une colère infantile, une tactique pour rallier les “raisonnables” ou pour neutraliser Bardella par la cohabitation, ou encore un penchant “risquophile”, qui, porté par les précédents succès présidentiels, pousse à pécher par trop d’optimisme. Ce que confirmerait Le Nouvel Obs, pour qui, selon de ses proches, Macron ne croyait pas en l'union de la gauche : "ça, ce n'était pas prévu”.

Le sociologue invite à “se méfier de ne pas imaginer plus de cohérence dans cette décision qu’elle n’en avait initialement…” et de nos propres limites : “nous n’avons jamais assez d’imagination lorsqu’il s’agit d’embrasser le futur. Je conjecture donc plutôt que le président est déjà débordé par les conséquences qu’il a provoquées. L’histoire galope et ne suit que rarement les chemins qu’on a tracés pour elle.” Contentons-nous donc de cette analyse d’un de ses confrères : “par son histoire, son parcours, son tempérament, ce président n’a jamais cru que la politique était une œuvre collective, seulement une aventure individuelle.”

Des programmes économiques "extraordinairement dangereux”

Les programmes économiques du Nouveau front populaire comme du RN ont un zéro pointé en économie. Le Point voit dans celui du RN trois “impostures économiques”. L’argent magique, la lutte contre les fraudes, “chimère fiscale car elle rapporte des sommes décevantes”, mais aussi le repli sur soi et une Europe à la carte : le protectionnisme a un coût, et l’inflation qui en résulterait engendrerait une baisse des exportations, en particulier des produits agricoles. Même la sortie du marché européen de l’électricité bloquera nos capacités d’exportation. "Une politique commerciale intelligente doit comporter des limites au libre-échange, mais elle ne doit pas appliquer le type de protectionnisme exacerbé et mal pensé que propose le RN.” 

Car il fait une erreur de diagnostic sur le pouvoir d’achat, qui continue à augmenter “contrairement à la perception générale”, mais trop lentement, “créant un sentiment de déclassement” Et seule la croissance permettrait de le tirer vers le haut, grâce à des investissements pour l’avenir. “Mais ce n'est pas que le fait du RN”, nous rappellent les économistes. En tout cas, celle des dépenses est assurée s’il tient ses promesses électorales…

Celui du Front populaire est, pour l’Express, “une insulte à notre intelligence”, et même “délirant” : un “pur avatar d’une France insoumise qui a visiblement détruit toute lucidité de gauche, montre à quel point la faiblesse de caractère peut être parfois plus forte que l’intelligence.” En cause, son aveuglement sur les risques de crise financière, même si ailleurs l’hebdo refuse de céder au catastrophisme déplacé de Bruno Le Maire (la paille, la poutre…) car la BCE pourra aider à contrer une attaque par les marchés financiers… et pose une bonne question : “peut-on valablement écrire un tel programme "pour du beurre" – c’est-à-dire fabriquer les attentes correspondantes dans la population – lorsque l’on est à peu près sûr de ne pas pouvoir le mettre en œuvre ?”

Le Nouvel Obs confie que nombre d'économistes de gauche le critiquent aussi “mezza voce”, et l’hebdo considère que la relance de la demande n'est pas nécessaire alors que l'enjeu est ”d'accélérer la transition écologique et de réparer les services publics essentiels.” 

Ailleurs, ce n’est pas mieux

La démocratie est en crise sur toute la planète, nous alerte Daron Acemoglu, un économiste turco américain, dans Le Point, faute d’avoir tenu ses promesses : “une économie équitable, des emplois, la stabilité, la croissance et des biens publics de qualité.” Ça fait relativiser : “les décideurs politiques de gauche et de droite se sont davantage préoccupés des banquiers que des travailleurs, c'est aussi une réalité”. Il invite à ne plus faire comme si de rien n’était et à reconnaître “les turbulences économiques et culturelles qu’entraîne l'immigration à grande échelle.”

Le nouveau front populaire ? C’est la faute à Marine

“Une fusion d’antisémites, de rêveurs et de carpettes”, voilà comment Raphaël Enthoven définit le NFP dans l’Express… Où Abnousse Shalmani raconte l’histoire d’une “gauche humaniste qui a bradé progrès et espérance, concorde et citoyenneté, liberté et patriotisme, peuple et culture, laïcité et éducation pour garder un siège ou deux, pour préserver ce que l’Histoire retiendra comme le logo de la honte, celui du Parti socialiste en déchéance morale.” A la genèse du nouveau Front populaire, Marine Tondelier,“Madame Pétoche”, ne tient pas ses députés, qui ne veulent pas d’une coalition sans LFI tant ils craignent sa concurrence sur leurs terres. "En quelques minutes, on passe de maître du jeu à gauche à exfiltré de l’union", commente un proche de Glucksmann, qui cède sous l’influence de Boris Vallaud : “l’enjeu pour nous n’était pas d’installer Raphaël comme candidat à Matignon mais de ne pas laisser la place vacante et de laisser deux Insoumis, Ruffin et Mélenchon, se battre pour la prendre”. Des négociations sur la répartition des circonscriptions ont lieu en parallèle de négociations sur le programme : Verts et LFI sont “convaincus que la mystique de l’union devrait finir par tordre le bras au petit mouvement de Glucksmann”. Mais “c’est la première fois que les Insoumis avaient des idéologues plutôt que des apparatchiks face à eux”, se vante-t-on chez Place Publique. Qui cède aux sirènes de l’union, car “les monstres sont encore minoritaires à gauche mais majoritaires à droite”. Alors, “avec un peu moins de 10 % des voix récoltées aux européennes, ils obtiennent de présenter 230 candidats aux législatives, soit plus de 40 % de l’ensemble.” 

Marianne est “franchement effarée de voir tous ces gens soulagés de pouvoir mettre les vraies questions une fois de plus sous le tapis pour participer à la grande kermesse antifasciste”, tout comme Bernard Cazeneuve dans Le Point : “il faut des alliances et un projet pour la France qui soit clair sur les valeurs et l’action à mener. Ce sont les convictions qui doivent faire les alliances, pas le contraire.” L’Express espère que le Front se cimentera autour de la réduction des inégalités, “ce terrain que la gauche a, quoi qu’elle en ait dit, passé au second plan depuis belle lurette pour se consacrer à l’édification des masses trop insensibles, à ses yeux, à l’importance des minorités.”

L’insolente croissance russe

L’économie de guerre, ça marche : le PIB russe a cru de 3,6% en 2023, et devrait remettre ça en 2024, selon l’Express, contrairement aux prévisions du FMI. Le chômage baisse, des régions sinistrées retrouvent une activité industrielle, les pensions et salaires des fonctionnaires augmentent, de même que les budgets de l’aide sociale. "Aux yeux du Kremlin, la guerre est désormais le principal moteur de l’économie russe et le ciment de l’unité nationale. Il n’y a donc aucune raison de l’arrêter”. En cause, une pression occidentale insuffisante pour “imposer à Poutine un choix entre le beurre et les canons”. L’hebdo prédit tout de même un effondrement à terme : la main d’oeuvre est aspirée par le militaire, et les infrastructures sous-financées, de même que l’école et la santé. Le credo du Kremlin c’est “après nous, le déluge”…

Trump is back in town

C’est le chercheur Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis, qui le dit dans Marianne, après avoir prédit sa victoire en 2016, et sa défaite en 2020. Les candidats sont déjà bien connus des électeurs, et ces derniers, déjà convaincus par avance, affirment à 90% qu’ils ne changeront certainement pas d’avis d’ici le mois de novembre. Le camp Trump est très solide, insensible aux polémiques, et son bilan s’enjolive avec le temps, alors que Biden ne défend pas le sien, qui est bon, pourtant.

L'Express relaie l’inquiétude du Wall Street Journal, qui considère la candidature de Joe Biden, comme la ”pire décision de l'histoire américaine” : un juge qui l'a examiné récemment l’a qualifié de ”vieux monsieur, à la mémoire défaillante”, ses signes de désorientation inquiètent, mais Biden reste convaincu qu'il est le seul à pouvoir battre Trump, alors que 86 % des Américains l'estiment trop âgé. Dans le Nouvel Obs, c’est le New York Times qui s'inquiète et préférerait voir un gouverneur plus jeune affronter Trump lors de leur premier débat, le 27 juin.

Il pleut : François Hollande est de retour

La candidature de l’ex, pour Marianne, ressemble à un “gag”, tant il a trahi toutes ses promesses, et “l'héritage de Jaurès et de Blum, au nom de l’adaptation au marché.” Au PS, un ténor approuve : “deux personnes ont intérêt au chaos à gauche : Mélenchon et Hollande” (Nouvel Obs)

Oh my Gud, Marine Le Pen repêche ses amis

Pour nettoyer sa liste aux européennes, le RN n'avait pas maintenu Jean-Lin Lacapelle, eurodéputé sortant proche du GUD. Il est pourtant de retour pour les législatives, et, à en croire Le Nouvel Obs, ce lot de consolation, il le tient de sa vieille amitié avec Marine Le Pen. En revanche, un catho fidèle de Bruno Gollnisch n'a pas eu cette chance dans le Var : on lui a préféré un ancien policier de la Bac Nord, ami de la députée Laure Lavalette, qui viserait la mairie de Toulon.

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