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Dérèglement climatique : des scientifiques explorent la possibilité d'utiliser le froid du cosmos pour refroidir une planète
©PATRICK BERNARD / AFP

Atlantico Green

Une technologie s'appuyant le "refroidissement radiatif" pourrait permettre de créer une sorte d'effet de serre inversé.

Michel de Rougemont

Michel de Rougemont

Michel de Rougemont, Ingénieur chimiste, Dr sc tech, est consultant indépendant. www.mr-int.ch. Par ses activités dans la chimie fine et l’agriculture, il est confronté, sans les craindre, à maints défis liés à la sûreté des gens et l’environnement. Son essai intitulé “Réarmer la raison. De l’écologie raisonnée à la politique raisonnable” est en vente en ligne sur Amazon.
Il a aussi publié un essai critique “Entre hystérie et négligence climatique”. Il anime un blog blog.mr-int.ch, un site sur le climat climate.mr.int.ch et un autre site sur le contrôle biologique en agriculture about-biocontrol.mr-int.ch.

 

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Atlantico : Aaswath Raman, chercheur à l'université de Californie à Los Angeles a mis au point une technologie s'appuyant le "refroidissement radiatif" ou "réfrigération passive par rayonnement" afin de créer de la fraîcheur sans utiliser d'énergie ou émettre de gaz à effet de serre. Comment fonctionne cette technologie ? 

Michel de Rougemont : C’est en fait l’effet de serre à l’envers.

La vitre d’une serre laisse entrer la lumière visible et une partie seulement des ultraviolets de l’irradiation solaire et elle est partiellement opaque à la sortie du rayonnement infrarouge qu’émettent le sol et les plantes. De la chaleur est piégée dans la serre et la température monte. Un équilibre est trouvé lorsque la vitre est à une température suffisamment haute pour que le rayonnement infrarouge qu’elle émet soit égal au rayonnement solaire qui pénètre dans la serre. 

En Andalousie il y a des milliers d’hectares sous serre (de plastique). Le rayonnement en été est trop intense et les plantes en souffriraient si on ne blanchissait pas les serres avec de la chaux. Le rayonnement solaire est alors reflété plutôt qu’absorbé, ce qui limite la hausse de température dans la serre.

L’invention de Raman consiste en une feuille dont la surface exposée au soleil est un miroir presque parfait (une couche d’argent) qui reflète au maximum le rayonnement UV et visible et empêche donc sa pénétration sous cette feuille. Le rayonnement infrarouge  provenant du sol ou d’autres équipements se trouvant dans un local recouvert par cette feuille la chauffe. Selon sa composition et la température qu’elle atteint, la feuille émet dans l’infrarouge un rayonnement qui se dissipera dans l’espace, évacuant donc de la chaleur provenant de l’intérieur du local. C’est l’application de la loi de Planck. Selon l’article original, la température de la surface exposée à un intense rayonnement solaire s’établit à environ 5 °C en dessous de la température ambiante alors que nous sommes habitués à ce que même le toit d’une voiture blanche devienne brûlant. Par cette différence de température il devient possible d’émettre un flux de l’ordre de 40 Watt par m2 alors même que la feuille est exposée au soleil, et ce jour et nuit, au contraire des panneau photovoltaïques.

La composition de la feuille semble bien compliquée, avec de fines couche d’oxyde de hafnium dont on peut se demander à quel point sont-elles indispensables pour optimiser le spectre infrarouge à émettre (8 à 13 μm de longueur d’onde).

Figure 1 d de Raman, Aaswath P., Marc Abou Anoma, Linxiao Zhu, Eden Rephaeli, and Shanhui Fan. 2014.
Passive Radiative Cooling below Ambient Air Temperature under Direct Sunlight.” Nature515 (7528): 540–44. 

Quelles pourraient être les applications pratiques d'une telle technologie ? 

C’est une manière d’évacuer de la chaleur par radiation infrarouge. 

C’est aussi une manière de ne pas laisser chauffer un espace par le rayonnement solaire. Avec ses couches multiples le feuillage d’un arbre est une meilleure ombre qu’une simple tenture, c’est à peu près le même effet qui peut être obtenu par cette feuille spéciale. Ne faudrait-il pas en recouvrir les automobiles ? 

Il est bien sûr possible de refroidir de l’eau ou tout autre liquide qui circulerait sous une telle feuille. 

La compagnie SkyCool Systems qui a été fondée pour exploiter cette invention promet des économies d’énergie pour les installations frigorifique ou les climatiseurs. Dans le cas du refroidissement d’un « data center » gros producteurs de chaleur, il est prétendu qu’un panneau de 1 m2 pourrait permettre d’économiser en moyenne 118 W tout au long de l’année (1000 kWh). Pour les besoins de réfrigération d’un supermarché, c’est une économie d’énergie de l’ordre de 10% qui est promise. Ces chiffres ne sont pas invraisemblables. Mais attention : la capacité d’évacuation est donnée par la surface de panneaux. Pour un climatiseur d’appartement de 2500 Watt, ce seraient alors 21 m2 qui devraient être à disposition. 

Est-ce une technologie que l'on peut espérer voir se développer et qui pourrait avoir un réel impact sur les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique ?

L’effet est celui d’une amélioration de l’efficience énergétique, ce n’est ni une substitution ni une révolution. De la chaleur peut aussi être évacuée à bon marché en évaporant de l’eau (si elle est disponible en quantité suffisante).

Les surfaces requises en limitent le développement, par exemple pour les bâtiments en zones urbaines denses. Du point de vue économique, la  rentabilité promise doit être contrastée par les coûts d’investissements et la durée de vie de cet équipement, deux paramètres non dévoilés par l’entrepris.  Si la source d’énergie utilisée pour faire fonctionner un climatiseur est d’ores et déjà pas ou très peu émettrice de CO2, comme l’est le nucléaire par exemple, alors l’impact sur les émissions sera insignifiant ; mais au contraire si c’est une centrale à charbon qui est la source de courant électrique, alors une réduction d’émissions résulterait indirectement de l’économie ainsi réalisée. 

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