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De la Gauche plurielle à l’Alliance populaire, le potentiel électoral du je-t’aime-moi-non-plus du PS, des Verts et du PC
©Reuters

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Après la gauche plurielle de Jospin ou l’Union de la gauche de Mitterrand, Jean-Christophe Cambadélis devrait lancer mi-février l’Alliance populaire de la gauche pour mettre le cap sur la présidentielle de 2017. Reste que les alliances risquent d'être beaucoup plus fragiles que celles du passé, et pour cause : le contexte social et politique est bien différent.

Emmanuel Rivière

Emmanuel Rivière est Directeur Monde pour les Etudes internationales et le Conseil Politique de Kantar Public. Il préside le Centre Kantar sur le Futur de l’Europe

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Atlantico : Stéphane Le Foll assurait au lendemain du premier tour des régionales que la gauche rassemblait plus de 36% des voix et était ainsi le premier parti de France. Si nous nous en référons au dernier scrutin des régionales, quel est aujourd’hui le potentiel électoral de la gauche ?

Emmanuel Rivière : Nous venons de publier une enquête sur les intentions de vote à l'élection présidentielle de 2017. Même dans une hypothèse où François Bayrou serait candidat, nous mesurons le total des voix de gauche à 35%. Le bloc de gauche est donc effectivement le bloc le plus nombreux dans le paysage politique, le problème, c’est qu’il ne fait pas bloc. Nous avons d’ailleurs pu constater sa dispersion au premier tour des régionales, ce qui a pu expliquer que les listes PS aient souvent été distancées par celles des Républicains-UDI-Modem.

Cependant ces voix de gauche dispersées ont été capables de s’unir au second tour dans le contexte d’une poussée du Front national, jusqu’à dépasser les Républicains dans des régions où leur victoire était inattendue, comme en Bourgogne- Franche-Comté, ou le Centre-Val de Loire. Mais l’enquête présidentielle que TNS-OnePoint a publiée dans le Figaro montre qu’en dépit de la menace que fait peser le FN sur la présence de la gauche au second tour, la dispersion reste à l’œuvre. La gauche y est créditée d’un gros tiers des voix, mais François Hollande, autour de 20%, rassemble sur son nom moins de deux électeurs de gauche sur trois. Ça ne suffit pas.  

Aujourd’hui, si nous regardons l’enquête sur la présidentielle et que nous additionnons les voies de Cécile Duflot et de François Hollande ce total se rapproche du score de Nicolas Sarkozy et permet d’envisager une qualification au second tour. Le problème est que personne n’est propriétaire de ses voix, et rien ne dit que les voix qui se portent aujourd’hui sur d’autres candidats de gauche choisiraient demain François Hollande au motif que les appareils politiques se rapprocheraient. La rupture avec les partis politiques est pour l’instant consommée. C’est un projet qui ramènera les électeurs, pas une alliance. Certes, plus le nombre de candidats à gauche est élevé plus le risque d’élimination est grand. Mais à moins de neutraliser toute candidature entre l’extrême gauche et le Parti Socialiste, si la déception reste grande en 2017 le danger de dispersion persistera.

Qu’est-ce que comprendrait cette alliance populaire ? Pourquoi est-ce un pari difficile ?

L’alliance tentée par Jean-Christophe Cambadélis aurait peut-être plus de succès et d’impact en s’ouvrant, comme il en est question aux milieux associatifs que s’il s’agit uniquement d’un accord d’appareils. Le problème à gauche réside dans l’incapacité des différents partis à se mettre d’accord sur la politique à conduire, et ces désaccords correspondent à de vrais clivages au sein des électeurs, y compris chez les électeurs socialistes du reste. Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche se sont placés dans une posture critique dès le début du quinquennat. Les cadres d’EEVL, sont depuis 2012 divisés sur la question de la participation gouvernementale. Leurs électeurs sont favorables à la présence de ministres écologistes au gouvernement, mais critiques sur les choix effectués depuis 2012 par l’exécutif. Dans la perspective de la présidentielle, l’alliance sera difficile à construire s’il ne s’agit que d’associer les partis de gauche à un objectif purement électoral. Il y a des mains tendues, notamment celle de Cécile Duflot, mais il faudra se mettre d’accord sur une plate-forme de gouvernement commune, ce qui ne s’annonce pas simple, et  convaincre les électeurs que si François Hollande est re-élu ce sera pour faire mieux que ce qu’il a fait jusque-là, ce qui n’est pas non plus une mince affaire.

La difficulté est de proposer une alliance dont l’objet serait uniquement de qualifier un candidat au second tour de la présidentielle : quel serait l’intérêt pour les autres partis à y participer ? S’il s’agit uniquement de se partager les places en cas de victoire, les électeurs ne suivront pas. Et construire un projet commun supposerait une clarification dont ni la gauche ni la droite n’ont été capable au cours des dernières années.

Quelles leçons peut-on tirer des stratégies d’alliance sous la gauche plurielle de Jospin ou l’Union de la gauche de Mitterrand ? En terme d’alliance, qu’est-ce qui a marché/pas marché depuis ?

Les alliances qui ont fonctionné, depuis le Programme Commun de 1972 à la construction de l’UMP en 2002, en passant par la Gauche plurielle de 1997 se sont toutes forgées dans l’opposition. Ici la question du calendrier rend l’exercice insolite et en tous cas inédit. L’UMP s’est constituée dans une dynamique de victoire. La Gauche plurielle dans la perspective de battre une majorité devenue impopulaire au pouvoir. Il me semble être compliqué dans la situation actuelle de construire avec une promesse qui serait à visée électorale, alors que le PS est au pouvoir et ne donne pas satisfaction aux partenaires pressentis de l’alliance, même en justifiant cette démarche par le contexte créé par la poussée du Front national. N’oublions pas que le dernière réforme de ce gouvernement qui ait marqué les esprits a été adoptée en utilisant l’article 49.3.

Il existe une force politique à la gauche du PS, et elle dispose d’un potentiel électoral.  Ses représentants comme ses électeurs ont des motifs de mécontentement, principalement concernant la politique économique et sociale et la ligne suivie par le gouvernement de réduction des déficits. Mais le potentiel électoral de cette gauche, certes vital, est limité. A quelles inflexions le gouvernement est-il prêt pour recoller les morceaux ? Peut-il accorder au Front de Gauche ou à Europe Ecologie ce qu’il a refusé à ses propres « frondeurs » ?  Peut-il faire des concessions à sa gauche quand le centre de gravité de la politique française se déplace vers la droite ?  Rassembler les 36% qu’évoquent Stéphane le Foll semble difficile. Il pourrait dès lors être tentant d’opérer un rapprochement avec le centre. Il y avait une porte ouverte du côté de François Bayrou qui a appelé à voter François Hollande au second tour de la présidentielle. Il s’est vu claquer cette porte au nez, le PS étant allé jusqu’à provoquer sa défaite aux législatives qui ont suivies. Les portes pour le moment sont donc fermées. Le problème est que ce quinquennat a commencé sans Mélenchon et sans Bayrou, réduisant l’espace politique de la majorité. Or il est très difficile de revenir en fin de mandat sur les choix majeurs effectués juste après l’accession au pouvoir, car les marges de manœuvre ne cessent de se réduire avec le temps.

Tout le défi de l’ambition de Jean-Christophe Cambadélis consistera à  ouvrir ces portes fermées, dans un contexte où la majorité est décriée : qui voudra s’associer dans une « Alliance Populaire » avec un gouvernement impopulaire ?

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