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Comment la planète devient de plus en plus verte
©DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Green

Malgré le réchauffement climatique, la surface végétalisée dans le monde augmente, notamment grâce à l'augmentation du dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Mais il y a vert et vert...

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier est ingénieur de l’école de Mines et économiste. Il a dirigé pendant dix ans l’Ecole supérieure d’agronomie d’Angers (ESA). Il est également l’auteur de livres sur les enjeux alimentaires :  Faim zéroManger tous et bien et Nourrir l’humanité. Aujourd’hui, il est conférencier et tient un blog nourrir-manger.fr.

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Atlantico : Après analyse de données satellites, des chercheurs ont constaté une augmentation des surfaces couvertes de végétation lors de ces 30 dernières années. À quoi est dû un tel phénomène ? 

Bruno Parmentier : On a maintenant des satellites qui mesurent précisément le verdissement de la Terre, c’est-à-dire l’évolution des surfaces recouvertes de végétation. Surprise : notre planète ne cesse de se verdir ! Une véritable aubaine pour les climatosceptiques qui s’emparent de ces cartes pour montrer à quel point tout va bien sur notre belle planète, qui est bien bleue… et verte comme on peut le voir sur la carte ci-dessous, qui mesure le pourcentage de verdissement des surfaces planétaires entre 2000 et 2017.

Etude publiée le 11 février 2019 dans la revue Nature Sustainability, à partir des images satellites Modis de la NASA (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer). Les cercles rouges indiquent les principales zones d’extension de la végétation.

En 18 ans, on a réussi à gagner 5 % de couverture végétale, soit 5,5 millions de kilomètres carrés de forêts, champs et prairies supplémentaires, une surface équivalente à celle de l'ensemble de la forêt amazonienne.

On voit en particulier les premiers résultats du projet de « Grande Muraille Verte chinoise » : la Chine reforeste à grande échelle pour tenter de stopper l’avancée redoutable du désert de Gobi, jusqu’à 60 000 soldats participent à ces travaux titanesques. Dans une moindre mesure, le Pakistan et l’Inde font de même. Mais, dans ce dernier pays, l’essentiel du « verdissement » est dû à l’extension de l’activité agricole. Ce sont plus de champs plutôt que plus de forets !

En Europe on foreste également, mais c’est surtout à cause de l’abandon de l’activité agricole dans les zones où l’on juge que ce n’est plus rentable de faire de l’agriculture. Chaque année, 80 millions d’arbres sont plantés en France, soit 2,5 arbres par seconde ! La France est le 4e pays européen pour sa surface forestière après la Suède, la Finlande et l’Espagne. Avec ses 16,9 millions d’hectares en métropole la forêt française représente 10 % de la surface boisée de l’Union européenne, mais environ 30 % du territoire. Sa superficie a doublé depuis 1830 (date du début de l’exode rural), et continue à progresser de 0,7 % par an, soit environ 35 000 hectares, toujours essentiellement sur les zones terres délaissées par le pastoralisme et l’agriculture.

La carte du Brésil est éloquente : dans l’Amazonie, on déforeste à tout va (zones violettes), et dans la moitié sud du pays on intensifie la production agricole, donc apparemment on verdit !

En Afrique de l’est et du sud, en Sibérie et dans de nombreuses autres régions du monde comme le sud-est asiatique, la déforestation massive reste la règle ! Et le fameux projet de grande muraille verte qui devait contenir l’avancée du Sahara sur le Sahel a été un échec patent !

Pourquoi se produit-il un tel phénomène ?

Dans le processus de photosynthèse, les plantes, et en particulier les arbres, se nourrissent de gaz carbonique, et à l'aide de l'énergie solaire, prélèvent le carbone et rejettent de l'oxygène. De ce point de vue, notre irresponsabilité collective qui nous a fait augmenter massivement le taux de gaz carbonique dans l’atmosphère permet néanmoins, dans une certaine mesure, de doper la croissance des plantes !

Peu de gens savent par exemple qu’en France, lorsqu'on chauffe une serre, de concombres, piments, courgettes, tomates, etc., afin d’obtenir des légumes plus tôt dans l'année, nombre d'exploitants réinjectent le gaz carbonique issu de la combustion de leur chaudière à l'intérieur de la serre, pour accélérer le développement des plantes ! En quelque sorte, les plantes se nourrissent des gaz d’échappement !

On peut estimer que la même situation se déroule dans de nombreux champs : lorsqu'il fait plus chaud et qu'il y a plus de gaz carbonique, les plantes peuvent pousser plus rapidement, à condition toutefois de disposer de suffisamment d'eau, d'azote, de phosphore, de potassium et autres éléments minéraux, car en définitive c'est l'élément le plus rare qui fixe la vitesse de croissance. Or avec le réchauffement de la planète, l'eau vient souvent à manquer dans les périodes cruciales, et dans l’agriculture « industrielle », les engrais sont rares et chers (et maintenant mal vus !).

Est-ce une bonne nouvelle pour la planète ? 

Certes, oui, mais… ne nous réjouissons pas trop vite ! Car évidemment il y a vert et vert.

En premier lieu, replanter ne restaure pas les forêts vierges ! Planter des arbres dans le désert dans l'espoir de ralentir sa course folle ne permet de fixer que de faibles quantités de carbone, sans commune mesure avec celui qui est largué dans l’atmosphère lors des incendies massifs de forêts tropicales centenaires comme ceux que l'on constate en Amazonie ou en Australie ! Et ce n'est pas tout de planter des centaines de millions d'arbres dans des milieux hostiles, il faudra s'assurer qu'ils puisse pousser pendant des dizaines d'années pour que l'effet sur le gaz carbonique planétaire soit notable.

Notons par exemple que la plus grande forêt d'Europe, les Landes, est maintenant directement menacée par l'augmentation et la fréquence des tempêtes dues au dérèglement climatique : celles de décembre 1999, Lothar et Martin, ont détruit près de 30 % des pins, et Klaus, 10 ans plus tard, en janvier 2009, a abattu plus de la moitié de ce qui restait. Dans le sud-ouest, les platanes sont maintenant menacés par le chancre coloré, dans le sud-est, les palmiers par le charançon rouge, dans les châteaux de la Loire, les buis disparaissent à cause de la pyrale. Les oliviers méditerranéens et les hêtres de Normandie ou du Grand est sont directement menacés, et il n’est absolument pas sûr qu’on arrive à replanter rapidement des forets entiers avec des espèces adaptées aux nouvelles conditions climatiques !

La mesure du caractère plus ou moins vert de la surface du sol ne dit pas énormément sur la quantité de carbone qui est captée. Dans une forêt, l'essentiel du carbone se situe dans le tronc, les branches et les racines (les feuilles sont bien visibles par les satellites, mais ne représentent que 10 % du stockage du carbone par les arbres) ; il y a donc arbres et arbres ! De plus, les feuillus se développent beaucoup plus, même si c'est plus lentement, que les conifères ; or, comme on est pressés, on plante beaucoup plus de conifères maintenant, et on les exploite rapidement.

Sur les deux siècles et demi écoulés, on estime ainsi que les forêts d’Europe ont stocké environ 10 % de carbone de moins que si elles étaient restées gérées comme en 1750, c’est-à-dire majoritairement peuplées d’essences feuillues et proportionnellement moins exploitées.

Un chiffre permet de mesurer l'ampleur de la tâche : on estime maintenant qu'il y a à peu près 3 000 milliards d'arbres sur terre ; pour vraiment pouvoir refroidir significativement la planète il faudrait augmenter cette quantité d’un tiers, soit planter 1 000 milliards d'arbres supplémentaires, et s'assurer qu'il poussent correctement ! Par rapport à cet objectif, abattre où incendier des dizaines de millions de grands arbres centenaires chaque année reste une folie absolue.

Lorsque le Groenland reverdit (et du coup portera à nouveau bien son nom issu de périodes climatiques différentes), il s’agit de petits lichens ou d’arbustes, certes verts, mais qui pèsent peu de carbone.

Les forêts boréales du Nord, qui, de l’Alaska à la Sibérie orientale, constituent environ 30 % du manteau arboré du globe, vont devoir affronter une montée considérable des températures (jusqu’à 11°C à la fin du siècle). Ces formations risquent de s’appauvrir, voire de se transformer en « zones arbustives » ou « à faible productivité », avec des risques accrus d’incendies ou d’attaques de ravageurs. Et surtout le dégel du permafrost menace de relâcher dans l’atmosphère d’énormes quantités de CO2 et de méthane, avec un impact plusieurs fois supérieur à celui de l’actuelle déforestation tropicale.

Donc la Terre est certes parfois plus verte, mais elle est loin d’être sauvée du réchauffement !

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