Cette mesure de protection des océans qui pourrait bien… mener à une accélération du réchauffement sous nos latitudes <!-- --> | Atlantico.fr
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La nouvelle réglementation (appelée OMI 2020) est censée avoir réduit d'environ 77 % les émissions dues au transport maritime à l'échelle mondiale. Sur les océans, l'effet est encore plus important.
La nouvelle réglementation (appelée OMI 2020) est censée avoir réduit d'environ 77 % les émissions dues au transport maritime à l'échelle mondiale. Sur les océans, l'effet est encore plus important.
©FRED TANNEAU / AFP

Atlantico Green

Pendant des années, les émissions de soufre dues au transport maritime ont maintenu les océans relativement frais dans l’hémisphère Nord. Depuis 2020, un changement de réglementation a entraîné une augmentation rapide de la quantité de rayonnement solaire qui y est absorbée.

Leon Simons

Leon Simons

Leon Simons est innovateur, chercheur en climatologie, entrepreneur social. Membre du conseil d'administration du Club de Rome.

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Les graphiques proviennent du thread Twitter de Leon Simons sur le même sujet.

Atlantico : Pendant des décennies, la partie supérieure du Pacifique et de l'Atlantique (latitude moyenne de l'hémisphère nord) a été maintenue relativement froide par les émissions de soufre des navires. Comment cela se fait-il ?

Leon Simons : La combustion de combustibles contenant du soufre émet du dioxyde de soufre, qui se transforme en particules de sulfate. Ces particules sont de couleur vive et réfléchissent la lumière du soleil dans l'espace. Les sulfates agissent également comme des particules sur lesquelles l'eau se condense et sur lesquelles les nuages se forment (sans aérosols tels que les sulfates (ou, par exemple, les particules de poussière et de sel marin), il n'y aurait pas de nuages, car il n'y aurait pas de surface sur laquelle la vapeur d'eau se condenserait).

L'augmentation de la formation de nuages entraîne également une plus grande quantité de lumière solaire réfléchie vers l'espace. Il reste donc moins de chaleur pour réchauffer la surface, les océans et l'air.

Le trafic maritime était principalement concentré dans l'hémisphère nord, en particulier aux latitudes moyennes, où l'effet de refroidissement était le plus important. 

La durée de vie des sulfates dans l'atmosphère est relativement courte, de quelques jours à quelques semaines. Cela signifie que les modifications des émissions peuvent avoir des effets rapides.

Une nouvelle réglementation sur le transport maritime est entrée en vigueur en 2020, réduisant la quantité maximale de soufre dans les carburants des navires de 3,5 % à 0,5 %. Quelles en sont les conséquences en termes de pollution, de climat et de température ?

La nouvelle réglementation (appelée OMI 2020) est censée avoir réduit d'environ 77 % les émissions dues au transport maritime à l'échelle mondiale. Sur les océans, l'effet est encore plus important. Les effets sur le temps et le climat sont encore incertains, mais il semble que cela pourrait entraîner un affaiblissement plus rapide de la circulation méridienne de retournement de l'Atlantique (AMOC), que l'augmentation de la chaleur renforce les tempêtes et qu'il pourrait y avoir à la fois des sécheresses et des précipitations plus intenses. Des recherches supplémentaires sont nécessaires, notamment en ce qui concerne les effets régionaux. 

Il faut du temps pour que les changements de forçage (comme l'augmentation des gaz à effet de serre ou la diminution des émissions de sulfates dans l'atmosphère) se matérialisent pleinement. Ce sera la première année depuis l'entrée en vigueur de l'OMI 2020 où un El Niño se développera. Nous sommes en terrain inconnu en ce qui concerne les effets potentiels sur le réchauffement climatique et les conditions météorologiques régionales dans ces circonstances.

Cela signifie-t-il que le règlement, qui visait à protéger la planète, s'est retourné contre lui ?

L'objectif du règlement était de réduire les effets négatifs des émissions de soufre, principalement sur la santé et l'environnement (comme les pluies acides). Les effets sur le climat étaient connus, mais ils ont pu être sous-estimés ou non pris en compte. Ces connaissances devraient être et ont été étudiées et communiquées plus clairement afin d'évaluer et de réduire les risques.

Cela signifie-t-il que pour réduire le réchauffement climatique, nous pourrions avoir intérêt à relâcher volontairement du soufre dans l'atmosphère ?

Des discussions ont déjà eu lieu sur les émissions intentionnelles de soufre dans l'atmosphère, principalement plus haut dans l'atmosphère pour réduire l'effet sur l'environnement, car dans la stratosphère, il y aurait probablement moins d'émissions nécessaires pour obtenir un effet de refroidissement similaire. Il est également question d'émettre des particules plus loin des côtes afin de réduire les effets sur la santé et/ou d'utiliser du sel de mer, dont on pense qu'il a moins d'effets secondaires négatifs.

Il s'agit là de questions politiques complexes. 

Il est essentiel de mieux comprendre les effets refroidissants de nos émissions involontaires de soufre/aérosols, car il s'agit de la plus grande incertitude concernant le réchauffement climatique, en particulier en ce qui concerne les nuages. Selon le GIEC, nos émissions de soufre ont réduit le réchauffement de la planète d'environ 0,5C. Aux latitudes moyennes de l'hémisphère nord, cet effet est encore plus important (car c'est là que les émissions sont les plus importantes, qu'elles proviennent des navires ou d'autres sources).

Quelles sont les leçons à tirer de cette situation ? Et les implications politiques ?

Une partie des leçons que j'ai déjà décrites ci-dessus. Les scientifiques, les communicateurs de la science (y compris les médias) et les décideurs politiques doivent aborder les risques associés afin de permettre à la population de se préparer. 

Le réchauffement de la planète est causé par les gaz à effet de serre. Nos émissions de soufre n'ont fait que le cacher. Nous ne pouvons pas continuer à le cacher indéfiniment et nous devons nous attaquer à la cause réelle du réchauffement.

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