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Les réseaux mesh permettent de communiquer durant les catastrophes naturelles.
Les réseaux mesh permettent de communiquer durant les catastrophes naturelles.
©Reuters

La minute tech

Depuis la coupure de l'accès à Internet en Syrie, on reparle des réseaux mesh, ou réseaux maillés. Ces réseaux d'ordinateurs utilisés pour communiquer durant des catastrophes naturelles ou des crises peuvent constituer une solution pour garder le contact avec les personnes sur le terrain. Ils intéressent aussi de plus en plus ceux qui craignent la cybersurveillance.

La Syrie vient d'être plongée dans le noir sans Internet, comme l'Egypte au début des manifestations de la place Tahrir. Les réseaux de téléphonie mobile plient sous le nombre d'appels durant les attentats de Boston, comme partout dès qu'une catastrophe naturelle ou un attentat ont lieu. Les opposants à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou ceux des grandes manifestations contre l'austérité en Espagne ne souhaitaient pas que leurs communications soient surveillées.

Les réseaux maillés

Dans tous ces nouveaux cas de rupture volontaire ou non des réseaux de communication, comme ces derniers jours en Syrie, on reparle de la solution "mesh". Cette technologie à l'origine militaire permet de déployer un réseau de communication robuste et indépendant entre ordinateurs ou téléphones ou terminaux de communication, en circuit fermé, ou connecté au moins en un point à un réseau internet ou GSM. Un réseau mesh (filet, en anglais) ou réseau maillé n'est ni nouveau ni le fruit d'une haute technologie. Ils ont souvent été mis en place pour coordonner les secours en cas de catastrophes naturelles, comme par exemple durant le cyclone Katrina à la Nouvelle Orléans. Ils sont de plus en plus préconisés par ceux qui refusent la cybersurveillance ou craignent d'être coupés de l'Internet.

Il s'agit d'un réseau d'ordinateurs équipés de boîtiers - routeurs peu couteux, dont certains peuvent tenir dans une poche, qui constituent chacun un nœud d'un réseau. Si l'un d'eux est connecté à Internet, il devient un relais qui redistribue ensuite vers les autres ordinateurs du réseau sa bande passante par antenne wifi. Si un nœud est défaillant, le message contourne l'obstacle et passe de nœud en nœud pour atteindre sa destination. S'il n'y a pas de connexion à Internet, le réseau maillé devient alors un réseau clos qui permet aux personnes reliées de communiquer entre elles, même en cas d'absence d'accès internet ou de réseau téléphonique.

De nombreuses villes et communautés dans le monde ont mis en place ces réseaux maillés, soit pour desservir un quartier, avec un seul point de contact au fournisseur d'accès, ou pour équiper des villages et des écoles en milieu rural, en Afrique ou au Tibet, par exemple. Avec ou sans accès à Internet, les personnes reliées peuvent alors tchater entre elle comme sur une messagerie instantanée. Des wikis et forums en ligne très geek indiquent la marche à suivre pour installer un de ces réseaux maillés, qui n'est pas cependant à la portée de n'importe quel internaute.

Un réseau mesh de quartier à Vancouver au Canada, capture d'écran de Kris Krug

Une déclaration d'indépendance du Net

Mais c'est la coupure d'internet en Égypte par le gouvernement Moubarak, en 2011, qui a provoqué une certaine mode et beaucoup d'initiatives destinées à permettre aux personnes sur place de continuer à relayer des informations du terrain. Depuis, les réseaux maillés sont devenus un nouveau symbole, celui de la liberté de communiquer dans les régimes durs ou dans les pays surveillés. Plusieurs initiatives ont vu le jour aux États-Unis et en Europe pour former et équiper les personnes sur place, de façon à garder un contact sécurisé avec le monde extérieur, comme la fondation Freedom Box, Commotion ou Telecomix en Europe et au Moyen Orient.

Depuis, les réseaux maillés ont pris un petit air militant et se retrouvent dans les mouvements Occupy, entre autres. Ils attirent ceux qui n'aiment pas le pli centralisateur et pilleurs de données privées que prennent les réseaux sociaux classiques, ou Internet en général, car ces réseaux peuvent être cryptés et rester invisibles. En France même, un réseau maillé militant a été utilisé par les opposants à l'aéroport de Notre Dame des Landes pour communiquer entre eux et alimenter une "agence de presse"' informelle du mouvement. Le site Annonnews, une branche francophone des Anonymous,  y voit une nouvelle forme de lutte sociale. "Le phénomène le plus évident et le plus durable résultant de l’arrivée de hackers sur la scène de Notre-Dame-des-Landes reste, sans aucun doute, la mise en place de liens de solidarité et de coopération entre les mouvances du « hacking » et des organisations issues de luttes propres au XXIe siècle. Des passerelles qui semblent à la fois profiter à l’efficacité des actions initiées par les différents acteurs de terrain, et qui inscrivent l’« hacktivisme » dans l’histoire des conflits sociaux propres au territoire français. Au-delà d’une lutte ponctuelle, Notre-Dame-des-Landes marque probablement le début d’une mutation en profondeur des conflits sociaux à venir. Une mutation qui, comme beaucoup d’autres, passe par la maîtrise du numérique."

Même des développeurs plus pondérés, comme Nicolas Hachet, y voient l'avenir, au moins local, de nos communications numériques.

Un réseau maillé à l'échelle d'un quartier, illustration du blog de Nicolas Hachet


"Les réseaux de type mesh peuvent créer des bulles de liberté numérique, devenues trop rares à notre époque. En effet, la centralisation des accès au réseau Internet, notamment à travers les FAI, permet un flicage et un contrôle des connexions. L’aspect décentralisé originel n’est plus qu’un doux rêve et la neutralité du réseau est de plus en plus remise en question. Par les différentes lois publiées (LCEN, LOPPSI, LOPSI) ou en cours de débat (SOPA, ACTA), on sent bien que les états tentent de prendre le contrôle d’Internet. Les projets de filtrage du net, de blocage de noms de domaines, de contrôle de contenus échangéssont une dérive et un non sens au regard des objectifs originels. Il est ainsi urgent de proposer une alternative crédible et cohérente.Les mesh ou réseaux maillés sont sans doute l’avenir des communications numériques. Véritables compléments des réseaux classiques, ils permettent une souplesse, une flexibilité et une liberté devenue trop rare."

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