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Anti-terrorisme français : les graves ratés de l'avant 13 novembre ; Hollande affaibli ou renforcé par les attentats ? Bachar el-Assad, sauvé ou condamné ?
©relay

Revue de presse des hebdos

Cette semaine, avec quelques jours d’avance, tous les hebdomadaires font paraître des éditions spéciales à la suite des attentats à Paris ce vendredi 13 novembre.

Sandra Freeman

Sandra Freeman

Journaliste et productrice, Sandra Freeman a animé des émissions sur France Inter, LCI, TF1, Europe 1, LCP et Public Sénat. Coautrice de L'École vide son sac (Éditions du Moment, 2009), elle est la fondatrice du média internet MatriochK.

 

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Emotion dans « Paris Match » : les photos du 13 novembre : au « Café Bonne Bière », au « Petit Cambodge », devant le « Carillon », rue de Charonne, au « Bataclan »…

« Paris Match » produit « 44 pages spéciales ». « La France attaquée », c'est le titre qui accompagne la photo d'une femme en train d'être secourue, "délivrée". « La prise d'otages du Bataclan vient de s'achever, il est une heure du matin.".  « Elle s'accroche au regard de l'homme qui ne la lâche pas ».

"Paris en guerre, et soudain, dans la ville lumière, ne raisonnent plus que des sirènes d'ambulance… Les minutes qui s'écoulent sont les plus terribles que la capitale ait vécu depuis la seconde guerre mondiale ». Alliant le poids des mots au choc des images, « Paris Match », dans son dossier, alloue des doubles pages à chacun des lieux qui ont été pris pour cible vendredi soir. L’intention du journal est de montrer, avec décence, l’horreur, la peine, la souffrance et l’entraide, alors que « trois équipes de terroristes ont fait un carnage dans une ville en paix qui profitait de la douceur de l'automne »

« Au Petit Cambodge », un restaurant asiatique, l’image tente de restituer « les larmes, l’effroi et la solidarité ». Le regard sidéré d’une femme, un jeune homme en pleur, des corps sur civières, un Vélib' renversé… « Ici sont tombées 15 personnes ; 10 blessés graves ont été transportés dans les hôpitaux ».

« Derrière la place de la République, les trottoirs se transforment en hôpitaux de campagne » raconte le magazine montrant des secours, des corps recouverts de draps, des personnes aux téléphones devant le « Carillon », au croisement des rues Alibert et Bichat dans le 10e arrondissement. « Quelques minutes auparavant une dizaine de médecins, des internes de l'hôpital Saint-Louis, prenaient un verre dans le fond du bar quand des rafales ont retentit. Ils ont été les premiers à venir en aide aux survivants ».

A la terrasse du « Café Bonne Bière », au 32 rue du Faubourg-du-Temple, des passants « s’improvisent sauveteurs ». « Quatre minutes plus tard », au 92 rues de Charonne, 19 clients du café « La Belle Equipe » succombent sous les balles d'une autre attaque et « Paris Match » publie la photo d’une femme blessée au bras dont on voit la plaie ouverte après l’impact de la balle.

Et puis… photo plus « gaie » en apparence, mais tout aussi effroyable : celle de l'insouciance. L’insouciance de la salle comble du Bataclan juste avant le drame. A 21h. Ils sont 1500. « Un public jeune et enthousiaste », des visages souriants, une photo de groupe à perte de vue. Ils sont des centaines à faire le « signe des cornes », dit aussi le « signe du diable ». Un signe qui « n'est pas diabolique, mais signifie la complicité dans le bonheur et le partage » avec les "Eagles of Death Metal", le groupe de musique californien raffolant de « blagues potaches », et de « dérision ». « Paris Match » commente : "Leurs crimes selon Daech : aimer la musique et s'amuser ".

Hommages dans « l’Obs » : les villes du monde pour soutenir Paris

« L'Obs » propose, de son côté, un numéro spécial dont le titre est sobrement la  date : 13/11/15. Le nom du journal, « L’Obs », est écrit en bleu blanc rouge. La photo, elle, est en Noir et Blanc.

Dans cette édition spéciale, le magazine propose des photos de « la planète entière du 13 novembre », entre cérémonies de recueillement, édifices et monuments  aux couleurs de la France… Ici à Vancouver au Canada sous la pluie, là à Jérusalem (sur le mur des lamentations sont projetées les trois couleurs du drapeau français), à Rio de Janeiro, à Shanghai, à Sydney, à Prague, à Seattle, comme à Paris. Le monde est en deuil.

Et particulièrement, dans notre Paris en deuil, « L’Obs, rend hommage à nos victimes en publiant certains de leurs visages, mais aussi rend hommage à leurs familles, plongées dans une monstrueuse « quête insoutenable »pendant tout le week-end pour retrouver leurs corps.

Stratégie intérieure dans « Marianne » : « les ratés de l'antiterrorisme », de la suppression des RG à la création d'un État major décrié

Ici pas de photos. Que des dessins de Pinel montrant l'horreur des corps ensanglantés à terre avec une « Marianne » dressée telle celle du tableau de Delacroix, « La Liberté guidant le peuple ». « Nous serons toujours debout ! » titre ainsi le magazine « Marianne », qui marque que nos débats paraissent « dérisoires » et « puérils » face à « nos morts », à « cette guerre » et « au sang, du sang partout, des cris, des larmes, la peur, l'angoisse pour les êtres proches ».

Mais le papier qui fait mouche dans ce dossier spécial du journal, c'est celui sur « les ratés de l'antiterrorisme ». « De la suppression des RG à la création d'un État major décrié, la France accumule les erreurs stratégiques avec le manque de coordination entre services de renseignement » accuse l’hebdo.

Premier exemple concret de dysfonctionnements ici cité : « le suivi des frères Kouachi, en première ligne des attentats de janvier 2015 ». Il a été « longtemps assuré par la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris ». Mais, rappelle-t-on, il « a été abandonné deux mois avant le 7 janvier par la DGSI, la direction générale de la sécurité intérieure, sensée prendre le relais ».« Marianne » « reconnait que le ministre ne reste pas les bras croisés » et montre un Bernard Cazeneuve actif. Il avait d’ailleurs « réuni les chefs de la police pour leur demander de faire un effort et de mieux travailler ensemble ». Mais rapidement, chacun aurait repris ses habitudes.

Pour preuve cet autre exemple en juin dernier : « Le renseignement territorial avait signalé auprès de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste un homme en voie de radicalisation islamiste ». Mais le dossier a été mis de côté, « à la fois parce que l'individu n'avait pas vraiment le profil pour mériter une fiche S », à la fois « parce que personne n’avait son numéro de téléphone ». Mais « Marianne » explique les conséquences : « C'est lui qui a fait une entrée fracassante dans l'usine à Saint-Quentin Fallavier en Isère avec la volonté de provoquer une explosion, après avoir décapité son patron ».« C'est l'affaire de trop pour Bernard Cazeneuve » commente le journal. Il fait concocter par ses services un nouvel outil : « l'état-major optionnel de prévention du terrorisme » : « emopt » qu’il place directement sur le contrôle de son cabinet. « Malheureusement c'est la fausse bonne idée, cette dernière instance se superposent aux autres. Résultat : trois mois de flottement et de confusion ».

Autre erreur commise en matière de lutte antiterroriste, « attribuable cette fois à Christiane Taubira ». « Marianne » explique : « Elle s'est opposée à l'intégration du renseignement pénitentiaire au sein de la communauté du renseignement. Officiellement pour protéger les agents d'éventuelles représailles, sauf qu'il semblent regretter eux-mêmes cette marginalisation ».

Enfin, elle est citée en dernier, mais considérée comme « l'erreur originelle »en matière de renseignements : Elle remonte, « aux yeux des spécialistes, à l'année 2008, qui vit Nicolas Sarkozy supprimer d'un trait de plume les renseignement généraux pour fusionner leurs effectifs avec ceux de la DST. Une disparition qui laissa en friche en plusieurs années le terrain occupé par les RG. »

Et au journal de conclure : « comme si la continuité des services de l'État, en matière de renseignements était un Graal inaccessible ».

Stratégie intérieure dans « l’Obs » : « le Suivi individuel pose problème ».

« L’Obs » interroge l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic qui est beaucoup intervenu dans les médias ces jours ci pour éclairer la situation puisqu’il a quitté son poste en septembre dernier.

Il redit que « la menace était connue », que les « services étaient extrêmement mobilisés » mais reconnaît qu’on ne peut pas tout : que « tous les individus fichés représentent une menace potentielle », et qu’en plus il y a ceux « qui ne sont pas affichés ». Il avoue aussi la difficulté face à  « la porosité entre la France la Belgique : certains passent par Bruxelles, ou ailleurs, puis reviennent. Le suivi individuel pose problème ».

Zoom sur Molenbeek en Belgique dans « Le Point » : le terreau des terroristes

La Belgique. Il en est particulièrement question dans le dossier du « Point ».

L’hebdomadaire d'information propose en tout 105 pages de faits, d’analyses et d’enquêtes. « Notre guerre » en est le titre mais la photo est une image d’amour, de tendresse, de solidarité. Elle est prise le 14 novembre 2015 à 2h 22 du matin à Paris près du Bataclan, « une scène de retrouvailles après une soirée d'horreur ».

« La Belgique » il en est donc question dans ses pages, un peu plus loin. « Le Point » fait le lien : « Charlie hebdo », l'attentat du musée à Bruxelles, ou celui du Thalys, ou encore ici pour ces attentas du 13 novembre : la ville de « Molenbeek revient à chaque fois ». Selon le journal, "c'est un véritable réseau dormant actionné depuis l’étranger qui se révèle aux yeux des enquêteurs, « une cellule opérationnelle dont la tête de point serait la Belgique ».

De fait, le loueur de la Polo des kamikazes, « retrouvée à côté du Bataclan » est « un français domicilié à Molenbeek Saint-Jean ».

Molenbeek Saint-Jean, c'est aussi « ici que les frères Kouachi et Amedy  Coulibaly s'étaient procuré  une partie de leur arsenal ». Cette ville est désormais « considérée comme un vivier de djihadistes ».

« Le Point » y a donc dépêché une envoyée spéciale dès le samedi matin. « Ce dimanche 15 novembre au matin, l’atmosphère est grise, comme la plupart des façades des maisons  parfois tentées de rouge brique » rapporte la journaliste. Sur place, on comprend l’abandon du territoire : « Ici selon les statistiques, 40 % des jeunes sont sans emploi ». Les femmes sont voilées. Les enfants jouent au foot dans la rue. Certains apparaissent abattus, comme cette homme d’une soixantaine d’années, interrogé : « si vous me posez des questions sur ce qui s'est passé en France, on est tous tristes » répond Moustafa, « désabusé ».

Géopolitique dans « l'express » : le cas Bachar el-Assad, pour ou contre.

Face aux défis de l’hyper terrorisme », « l’Express » s’impose plus guerrier que les autres dans son numéro spécial attentat : « Comment écraser Daech » est le titre du magazine, illustré de photos de militaires debout, en groupe, et conquérants.

Le magazine encourage à « frapper l’Etat sauvage au portefeuille » et « cibler le nerf de la guerre », les infrastructures pétrolières. Il retrace les raisons qui ont poussé « Paris dans la poudrière syrienne » et recadre que « Le Moyen-Orient se désagrège et devient un ensemble communautaire dans lequel les Etats nations semblent ne plus avoir leur place ». Dans ce contexte, « Paris doit prendre un tournant dans sa politique extérieure ».

C’est « un fléau qui vient de loin ». « L’Express » revient sur l’état des lieux en Syrie et en Irak pour en livrer « les clés du conflit ». « Les racines du mal » remonteraient en mars 2011, et au « printemps arabe » qui a marqué « l'irruption de l'État islamique, force militaro-terroriste sunnite née dans le brasier irakien ». Le journal complète: « Les palinodies de l'Occident intensifient la djihadisation de l'insurrection »

Aujourd’hui, si l’Occident veut faire front commun, il reste heurté à un même dilemme: « le sort de Bachar el-assad, hors jeu pour les uns, acteur incontournable  pour les autres ».

Cela nous met dans une véritable « impasse diplomatique », selon l’analyse de « L’Express », qui explique : « il faut se rendre à l'évidence, l'Iran et la Russie ne lâcheront pas Bachar… pas avant d’avoir déniché la formule alternative magique de nature à préserver leurs intérêts ».

Politique politicienne dans « L’Obs » et « L’Express » : impact des attentats sur l’Etat

Selon « L’Obs », fini l’unité nationale chez les politiques, « l'État est dans la tourmente » et Hollande perd de son crédit. Le magazine propose différents papiers montrant le chamboulement à tous les étages, causé par ces attentats : « Sarkozy n'est plus Charlie », ou « FN : De nombreux élus du parti d'extrême droite se frottent les mains à l'approche des régionales puis de la présidentielle », ou encore « l'extrême-gauche accuse Hollande ».  

De son côté « L'Express » porte à penser le contraire. Pour le sociologue, Alain Mergier, "le chef de l'État peut retrouver une légitimité » et « tirer profit de cette posture de chef de guerre ». Il va même jusqu’à dire qu’ « électoralement, la pire des choses qui pouvait arriver à François Hollande, avec son faible niveau d'approbation, c'est qu'il ne se passe rien jusqu'en 2017. Vendredi, avec ses attaques inédites par leur nombre, leur nature... on a manifestement basculé dans un nouveau moment historique ».

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