2024, l’année où la température des océans se sera emballée ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
Un bateau au large de l'océan Atlantique à Miami, en Floride.
Un bateau au large de l'océan Atlantique à Miami, en Floride.
©JOE RAEDLE / Getty Images via AFP

Atlantico Green

Le niveau de 21,1°C en moyenne dans les eaux de surface a été atteint en janvier 2024. Que révèle cette donnée sur l'état des océans ?

François Gervais

François Gervais

François Gervais est physicien, spécialiste de thermodynamique et professeur émérite à l'Université François-Rablais de Tours. Il est l'auteur de L'innocence du carbone aux éditions Albin Michel (2013).

Voir la bio »

Atlantico : La moyenne de la température mondiale de la surface des océans a connu un nouveau record avec 21,10°C, le 31 janvier 2024. Que nous disent ces chiffres sur l’état des océans ? Est-ce inquiétant au regard du réchauffement climatique ?

François Gervais : Le record est à nuancer car les quelque 3000 balises Argo qui mesurent température et salinité sur une profondeur de 2000 mètres ont commencé à être déployées sur les océans il y a une vingtaine d’années seulement. La surface des océans chauffés par le soleil est plus élevée que dans les grandes profondeurs. Avant le déploiement des balises, les mesures de température des océans n’étaient pas fiables au centième de degré près. Le soleil connait actuellement un paroxysme de taches solaires qui correspondent au maximum du cycle 25. Le plus ancien thermomètre du monde, Central England, mesure une température croissante depuis 365 ans. Il a commencé les mesures lors du minimum de Maunder, phénomène justement lié à une absence de taches solaires, attestée grâce à l’invention de la lunette de Galilée. Ce minimum correspond à une période plus froide historiquement documentée avec en particulier maladies et mauvaises récoltes.

Comment expliquer ces records et ces anomalies de température des océans ? Quelles sont les causes principales ? Le phénomène El Nino ou le changement de carburant des bateaux pourraient-ils avoir un impact ? Y a-t-il eu des canicules marines ? La température des océans s'est-elle vraiment emballée ?

Evoquer une « canicule » par 21°C prête à sourire. Les piscines municipales couvertes sont chauffées presque dix degrés de plus. A 21°C, il y aurait moins d’amateurs. Lorsque le Secrétaire Général des Nations Unies stigmatise une « ère de l’ébullition », il faudrait lui rappeler que l’eau ne bout pas à 21°C. Un phénomène El Niño devenu rapidement intense a démarré en juillet 2023. Il s’agit d’un affaiblissement momentané et aléatoire des alizés qui soufflent d’est en ouest à l’équateur dans l’océan Pacifique. Compte-tenu de leurs capacités calorifiques respectives, comme l’eau chauffe l’air environ 3500 fois plus que l’air ne peut chauffer l’eau, le retour d’eau de surface plus chaude lorsque les alizés sont affaiblis a un impact sur la météo mondiale, avec un « pic » de température atmosphérique effectivement mesuré depuis six mois et qui n’est pas encore redescendu à la valeur antérieure. Le réchauffement de l’eau de part et d’autre de l’équateur sous les tropiques influe évidemment aussi sur la température moyenne des océans. En plus du maximum du cycle solaire et de El Niño, il est vraisemblable qu’une éruption volcanique sous-marine a pu jouer un rôle complémentaire. Puisque les océans couvrent 70 % de la superficie de la planète, il y a davantage de volcans sous l’eau que sur les terres émergées. Leur rôle sur la température de l’eau est insuffisamment documenté. Toutefois, l’éruption du volcan sous-marin Hunga Tonga a été la plus puissante de ces trente dernières années. En plus de chauffer l’eau, elle a expulsé dans la haute atmosphère de colossales quantités de vapeur d’eau, de loin le principal gaz dit à effet de serre. Il est possible que l’impact continue à être effectif. Enfin, en filtrant partiellement la lumière solaire, les aérosols ont tendance à refroidir la Terre. La lutte contre la pollution de l’air en diminuant les aérosols, par exemple ceux émis par la combustion du fuel lourd, peut ainsi contribuer au réchauffement de la Terre mais vraisemblablement beaucoup moins que l’augmentation de l’effet d’îlot de chaleur urbain lié à une population mondiale qui a doublé en moins de 50 ans et qui est principalement logée dans les villes.

Quelles sont les principales conséquences du réchauffement de la température moyenne des océans sur la biodiversité et la capacité du milieu marin à stocker le CO2 ? Les modèles de prédiction sont-ils alarmants pour l’avenir des océans ?

Aux dires des spécialistes, les océans sont les parties de la Terre où la biodiversité reste la moins bien connue avec vraisemblablement davantage d’espèces inconnues que d’espèces connues. Par ailleurs, la solubilité du CO2 dans l’eau diminue effectivement lorsque la température augmente. Après chaque phénomène El Niño intense, on observe ainsi une bouffée de CO2 relâchée par les océans qui en contiennent 60 fois plus que l’air. Mais ne représentant que de l’ordre de 0,2 % de la masse totale de dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère, le phénomène lié à une phase El Niño intense qui peut se produire tous les dix ans, aura un impact restant minime. Quant aux modèles de prédictions climatiques repris par le Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les projections montrent des écarts pouvant atteindre 500 % d’un modèle à l’autre. Des différences aussi considérables témoignent de l’absence de consensus scientifique. En revanche, une fluctuation de température des océans est effectivement observée. Elle peut se comprendre comme due à l’addition de plusieurs causes naturelles momentanées. Conclure à un emballement est prématuré.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !