Vous croyez vos secrets bien gardés ? Vos choix de langage peuvent à eux seuls vous trahir<!-- --> | Atlantico.fr
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Cadenas sur un pont de Paris.
Cadenas sur un pont de Paris.
©Reuters

Faux amis

Un programme informatique spécialisé a réussi à débusquer des menteurs en analysant la façon dont ils rédigeaient leurs mails.

Le langage dit beaucoup de nous. Des chercheurs ont constaté que les personnes gardant des secrets correspondaient plus avec leurs amis et/ou leur famille que celles "honnêtes", mais ce n’est pas tout.Le langage écrit que nous utilisons changerait lorsque l’on cache un secret, que ce soit dans nos courriers papiers, électroniques ou encore lors de nos correspondances sur messagerie instantanée. De plus, les changements du langage écrit (c’est à dire le choix de tel ou tel mot plutôt que d’un autre) même minimes, pour permettre de garder un secret, peuvent être détectés par des programmes informatiques spécialisés.

Les recherches, dirigées par James Pennebaker, psychologue et expert en analyse du langage à l’Université du Texas à Austin ont été présentées à la conférence 2013 de l’Association de psychologie américaine le 31 juillet dernier à Honolulu. Il s’agit là d’études préliminaires. James Pennebaker part du postulat suivant : "Nous remarquons que les pronoms, articles ou encore prépositions que les personnes utilisent sont des marqueurs puissants de leurs styles linguistiques, des styles souvent liés à d’autres aspect de la vie."

Pour réaliser sa première étude, le psychologue s’est basé sur des mails de jeunes femmes sur une période d’un an. Il a ainsi analysé le langage utilisé dans les différents mails en fonction de si la personne était dans un épisode dépressif et si le destinataire était au courant de la dépression. Il est apparu que les patients déprimés envoyaient de plus de courriers et accentuaient leurs émotions positives avec certains mots, afin de cacher leurs émotions négatives.

Lors de la deuxième étude, les chercheurs se sont spécifiquement concentrés sur 62 adultes détenteurs d’un secret, sans leur révéler l’objet de l’étude. Ils ont ensuite criblé leurs mails pour en arriver au constat suivant : lors d’une discussion entre deux des sujets, lorsque l’un tente de percer le secret de l’autre, le second utilise automatiquement un langage plus trompeur. Afin de tirer ces conclusions, les chercheurs ont utilisé un programme informatique spécialisé car ces associations ne sont pas détectables par le cerveau humain. Le programme analyse les mails par exemple et flaire les menteurs.

Pour James Pennebaker cette recherche montre à quel point un secret peut affecter une personne.


Atlantico a interrogé Jean Charmoille, psychiatre, psychanalyste et psychothérapeute à Paris.

Avez-vous entendu parler de ces recherches ? Que vous inspirent-elles ?

Jean Charmoille : Ceci est certainement vrai sur le plan phénoménologique (l'étude de l'expérience et des contenus de conscience). Ce qu’il me semble tout de même important de rappeler c’est que le langage n’a pas que cette visée. Si pour un psychiatre ou un psychologue, il sert à communiquer, pour un psychanalyste, le langage sert à autre chose puisque ce n’est plus le sens qui compte mais par exemple la survenue d’homophonie (irruption du langage qui ne conduit pas à la communication en tant que conditionné par l’inconscient).

Pensez-vous que le choix des mots employés à un rapport avec notre état général ?

Oui bien sûr. Mais ce n’est pas qu’un choix conscient. Concernant les secrets par exemple, je propose ceci pour faire comprendre ce qui est en jeu : quand je sais que quelqu’un sait que je sais quelque chose, je ne puis que rester vigilant c’est à dire que je me cache en quelque sorte pour me protéger, pour ne pas me dévoiler, me mettre à nu.

Peut-on dire que le fait de garder enfoui un secret nous affecte ?

Oui effectivement. Garder un secret affecte et produit des symptômes. De plus, celui qui garde un secret fait l’expérience de la solitude, ce qui est très dur à supporter.

Il est également important d’ajouter que nous évoluons dans une société axée sur la communication et paradoxalement, il faut faire passer un message. Alors, sera utilisé le mot le moins chargé de sens, celui qui passera bien. En conclusion, comme disait Lacan, le langage ne sert pas à communiquer, plus exactement, la linguistique, la science du langage, pour le psychanalyste, n’est pas la condition de l’inconscient mais c’est "l’inconscient qui est la condition du langage".

Propos recueillis par Blanche Martin

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