Visite à Paris du nouvel homme fort du Gabon. Quel futur pour le pays ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de la transition du Gabon Brice Oligui Nguema s'adresse à la plénière du dialogue national à Libreville le 30 avril 2024.
Le président de la transition du Gabon Brice Oligui Nguema s'adresse à la plénière du dialogue national à Libreville le 30 avril 2024.
©WILFRIED MBINAH / AFP

Nouvel homme fort

Le général Oligui Nguema, nouvel homme fort à Libreville, effectuera une visite officielle en France, fin mai. Au pouvoir depuis son coup d'État du 30 août 2023, Il représente un double défi pour la tradition démocratique gabonaise. Ce séjour sera-t-il l’occasion d’éclaircir cette situation ? Il intervient, de plus, dans une situation africaine difficile pour la France. Par Gérard Vespierre, chercheur associé à la FEMO, Fondateur du Monde Décrypté.

Gérard Vespierre

Gérard Vespierre

Gérard Vespierre est chercheur associé à la FEMO Fondation d’Études pour le Moyen-Orient, Fondateur du « Monde Décrypté ». Chroniqueur géopolitique IDFM 98.0.

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Impliqué dans la vie politique et sécuritaire, du pays depuis plus d’une quinzaine d’années, et donc accompagnateur des présidents Bongo, père et fils, le général Oligui Nguema a pris la décision de mettre fin à la présence à la tête de l’État gabonais de cette omniprésente famille. Neuf mois après ce renversement, quelle est la situation, pour le peuple, et quelle position la France doit-elle adopter?

Un triple hiatus démocratique

Le renversement du pouvoir légitime a eu lieu après un scrutin présidentiel, contestable et contesté dans son résultat. Cette situation pouvait-elle justifier une opération elle-même non légale... ? Pourtant le Comité de Transition pour la Restauration des Institutions (CTRI) coordinateur du coup de force, affiche dans son nom, une volonté de retour à des pratiques légales et constitutionnelles. Premier hiatus

Sur l’instant, la population ne pouvait qu’applaudir à de telles motivations. Mais cet enthousiasme fut douché par les décisions qui allaient suivre. Le CTRI a désigné, sans fondement juridique, le général Oligui Nguema comme chef de la Transition, la dissolution des 2 chambres, et le remplacement des élus par des membres...nommés.... ! Deuxième hiatus.

Enfin, l’étonnante « Charte de la Transition » interdit à tout représentant nommé de se présenter à la future élection présidentielle, sauf son président, pourtant désigné par le CRTI... ! Troisième hiatus.

De telles ruptures démocratiques exigeaient une sorte de compensation.

Un bref dialogue national

Ainsi fut décidé le lancement, début avril 2024, d’un dialogue national et inclusif... d’un mois... en vue des élections de 2025. Mais une telle opération ne peut rééquilibrer, avec sa structure informelle, et sa très courte durée, les décisions structurelles et radicales de l’exécutif, pour s’assurer la mainmise totale sur l’administration politique du pays.

De plus, 300 des personnalités participant au dialogue, sur les 580, ont obtenu leur poste du nouveau pouvoir. Sur le plan institutionnel, il ressort de cette consultation, qu’une nouvelle constitution devrait être soumise à référendum d’ici octobre, sans qu’elle soit issue d’une Assemblée constituante !

L’approche suivie semble loin des véritables besoins concrets des Gabonais.

Les vrais besoins du pays

Lors du « dialogue national et inclusif » 38 000 doléances et suggestions ont été recueillies, auprès des 2 millions d’habitants, à travers un système de guichets répartis sur le territoire, ainsi que sur une plateforme en ligne. L’organisation et la concentration du pouvoir semblent être la principale préoccupation de l’exécutif, et non pas la réponse à ces doléances.

Or les problèmes sociaux sont nombreux dont celui du paiement des retraites. Le développement économique devrait être aussi abordé, en urgence, afin de fournir un emploi à la nombreuse jeunesse gabonaise qui année après année arrive sur le marché du travail, 40% de la population ayant moins de 15 ans....

De très sérieux problèmes d’infrastructure privent la population, même à Libreville, d’un accès régulier à l’eau potable. Les problèmes des 2 millions d’habitants sont donc nombreux et très concrets.

Mais le pouvoir semble avoir d’autres priorités en tête.

Bras de fer avec la famille Bongo

Des pressions seraient actuellement exercées sur Ali Bongo, chef de l’État destitué, maintenu en résidence surveillée, afin qu’il cède certains de ses biens.

Un rapport de force est donc en train de se mettre en place entre la famille Bongo et le nouveau pouvoir. Le général Oligui Nguema avait pourtant cherché leur appui au lendemain du putsch. Il cherche maintenant à prendre le contrôle de biens immobiliers, villas, terrain, et le palais de Franceville dans la province du Haut-Ogooué.

Un audit a également été lancé contre Delta Synergie, holding familial de la famille Bongo. Cette grande bataille n’est pas non plus sans conséquences régionales, puisque des liens familiaux existent entre la famille Bongo et celle du président Sassou Nguesso du Congo Brazzaville.... Sa fille aînée, décédée en 2009, fut première Dame du Gabon. Le président congolais est forcément très attentif à ces querelles patrimoniales.

À ces luttes patrimoniales, s’ajoutent celles d’intérêts financiers, et d’influence, à l’exemple du franco-gabonais Pierre Duro, 74 ans, en charge de la "taskforce" de négociations sur la dette gabonaise, remercié par le président Bongo, mais réintégré par le nouveau pouvoir.

Le président de la transition a ouvert de très nombreux fronts intérieurs qui se situent à l’opposé de la tradition démocratique gabonaise. Il a décidé d’affronter de puissantes familles, tout en ne donnant pas la priorité aux besoins réels du pays.

Après être resté deux décennies dans l’ombre de ceux qu’il combat maintenant, l’exercice du pouvoir pourrait se révéler un exercice plus difficile qu’il ne le pensait. Le peuple avait des espérances. Il souffre de grands besoins.

Aux premières heures du putsch, le peuple fut un allié.... Le restera-t-il ?

Le calibrage du discours, et les décisions politiques, reflètent la formation militaire, et méthodique, du général Oligui Nguema. Nul doute que ses échanges avec ses interlocuteurs au Medef, à l’Élysée, et parmi la communauté gabonaise en France, seront denses, et animés.

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