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Virginie Calmels : "Les militants LR ne sont pas inquiets d’une dérive du parti, mon tandem avec Laurent Wauquiez les rassure"
©NICOLAS TUCAT / AFP

Interview Politique

Soutien d'Alain Juppé lors des primaires il y a un an et de Laurent Wauquiez à la tête du parti, Virginie Calmels défend l'alliance d'un libéralisme fort et anti-étatiste et du conservatisme raisonné au sein des Républicains.

Virginie Calmels

Virginie Calmels

Virginie Calmels est la première vice-Présidente des Républicains, première adjointe au maire de Bordeaux et Présidente de DroiteLib. Elle est issue du monde de l'entreprise. Elle a notamment été 10 ans la Directrice Générale d'Endemol.

Url du site : droitelibre.fr

Twitter @Droite_Lib 

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Atlantico : La campagne pour les élections à la tête des Républicains doit s’achever la semaine prochaine, Qu’avez-vous appris en allant à la rencontre des militants LR depuis que vous vous êtes engagée pour Laurent Wauquiez ?

Virginie Calmels : D'abord qu'il y a encore une vraie ferveur militante. On a des salles remplies partout en France, Laurent Wauquiez a fait une vraie campagne de terrain avec 80 déplacements et réunions. On veut nous faire croire que la droite a disparu mais non elle est bien présente et on le ressent vraiment dans les meetings de campagne.

Vous avez dit que vous étiez devenue « une victime collatérale du procès en diabolisation que l’on ne cesse d’intenter à Laurent Wauquiez ». Ce procès est en effet souvent fait dans les médias ou par certains ténors issus de la droite mais que vous disent les militants que vous rencontrez à ce sujet ? Quelles inquiétudes sur une dérive éventuelle du parti vous confient-ils ?

On ne m'a pas confié d'inquiétude. Beaucoup m'ont dit que notre tandem était "rassurant" qu'on apportait chacun une sensibilité différente et en même temps un vrai positionnement à droite. Je n'ai pas vu de militants inquiets mais plutôt désireux d'en finir avec les conflits internes qu'il y a pu avoir, d'en finir avec les désunions et les combats personnels, luttes de chefs ou d'égos. 

J'ai surtout vu des militants contents de voir que nous ne sommes pas tombés dans ces écueils et que l'on s'inscrivait justement dans cette optique de rassemblement.

Ceux des militants de droite qui avaient choisi Alain Juppé à la primaire vous reprochent-ils d’avoir « trahi » vos valeurs comme le suggèrent les proches d’Alain Juppé ayant rejoint Edouard Philippe à Matignon ?

C'est exactement le contraire. Ceux qui viennent vers moi dans les meetings ce sont des gens attachés à leur famille politique d'origine, dont des juppéistes. Jamais on n'est venu m'intenter un procès en trahison. Ces procès émanent justement de ceux qui ont quitté notre famille politique. Les militants eux, au contraire, s’en réjouissent. Ils me confient qu'ils sont contents de cette alliance avec Laurent Wauquiez. Moi je n'ai pas changé de conviction contrairement à ce qu'on a voulu faire croire. Il n'y a aucune forme de trahison de passer d’Alain Juppé à Laurent Wauquiez, puisque j’ai gardé mes convictions que j’ai défendues auprès d’Alain Juppé et que je continuerai à défendre auprès de Laurent Wauquiez. C'est la même famille politique. Alain Juppé n'étant pas candidat à la présidence des LR, ce procès n'a pas lieu d'être. Même si nous avons des sensibilités différentes, nous avons Laurent Wauquiez et moi un socle commun de valeurs. J’ajoute que j’ai toujours été une femme de droite. 

Vous revendiquez haut et fort d’être libérale dans un pays qui s’est souvent montré allergique au mot, un libéralisme populaire inspiré de Margaret Thatcher ou Ronald Reagan avez-vous déclaré. Mais comment pensez-vous que la droite puisse réconcilier cette prise en compte des moins favorisés particulièrement affectés par l’impact de la mondialisation et l’attachement au capitalisme financiarisé et dérégulé qui s’est développé notamment sous l’impulsion de Margaret Thatcher ou Ronald Reagan ?

Que pensez-vous que la dame de fer et le président de la guerre des étoiles auraient souhaité sur la fiscalité des GAFA par exemple ?

Je dois d'abord m’empresser de dire que je ne pense pas que le modèle Tchatcher soit transposable en France pour plein de raisons. On a un autre modèle social, un autre héritage. 

Pour répondre à votre question cela passe selon moi d'abord et avant tout par l'égalité des chances à l'école. Je suis attachée aux valeurs que porte la droite, le travail, le mérite, l'effort. Il me semble essentiel de permettre aux enfants, quelle que soit la catégorie socio-professionnelle dont ils sont issus ou leur lieu géographique -y compris dans un territoire plus isolé-, de recevoir la même éducation que les autres. Malheureusement on a creusé les inégalités, notamment par une approche socialiste très égalitariste en refusant la sélection, les notes, les bourses au mérite, tout ce qui permettait à un fils d'ouvrier de gravir l'échelle sociale. Restaurer l'ascenseur social est le plus important. Le libéralisme populaire passe par cela, il ne faut pas confondre libéralisme populaire et capitalisme. L’objectif c’est de tirer tout le monde vers le haut au lieu du nivellement par le bas, tout en protégeant  les plus faibles. L’objectif c’est aussi de faire confiance aux individus en développant liberté et responsabilité.  Et pour cela d’avoir un Etat qui se concentre d’abord et avant tout sur ses missions régaliennes (police, justice, armée, sécurité…) et sur l'éducation. J'en veux à la gauche d'avoir fait croire que tous les élèves devaient avoir le baccalauréat, d'avoir dévalorisé les filières professionnelles, de refuser la sélection à l'université…C'est au fond se voiler la face et nous devons être plus courageux et expliquer qu'il y a un autre modèle. Je parle de libéralisme populaire et j'aimerai faire comprendre que le pays n'a pas souffert d'excès de libéralisme, c'est exactement le contraire. On est un pays suradministré, très centralisé et dont la dépense publique s’élève à 57% de son PIB. C'est un pays qui est dans un anti modèle de libéralisme contrairement à ce que l’on entend trop souvent. En France le mot libéral est dévoyé. Je me revendique d'un amour de la liberté, d'un libéralisme économique assorti d'un régalien que je souhaite fort.

Sur la fiscalité des GAFA j'ai tendance à penser que le sujet de fiscalité est secondaire, le principal c’est de se poser la question du "Pourquoi n’avons-nous pas de GAFA en Europe ?". Pourquoi a-t-on laissé deux pôles mondiaux naître aux Etats-Unis et en Chine alors que nous avions les moyens (grandes écoles d’ingénieurs, universités …), et le capital humain (qui d'ailleurs s'exporte) ? Pourquoi n'avons-nous pas su créer un géant européen ? Avant d'avoir un problème fiscal, on a un problème de vision industrielle et c'est sur cela qu'il faut réfléchir.

Laurent Wauquiez est venu aux universités de la liberté que vous aviez organisées pour donner des gages de libéralisme mais que pensez-vous de cette droite qui l’entoure, qui de plus plus se revendique comme non libérale, pas seulement par culture jacobine ou étatiste mais par rejet des valeurs même du libéralisme ? Est-il vraiment possible de vivre avec une droite d’inspiration « buissonnienne » ou neo-maurassienne ? 

La droite néo-maurassienne n'est évidemment pas ma ligne et ce n’est pas celle non plus de Laurent Wauquiez. A ceux là, j'aurais tendance à dire qu'il faut regarder ce qu'il s'est passé pendant la présidentielle. Fillon a fait 20%, ça reste un score élevé eu égard au contexte et cela veut dire qu'il y avait une vraie adhésion à un projet qui n'était pas d'inspiration maurassienne et pas anti libéral. Quand vous regardez le questionnaire des attentes des adhérents pendant les ateliers de la refondation des Républicains, ce qui arrive en numéro 1 des attentes c'est que la droite soit "réformatrice", en deux "libérale" et en trois "gaulliste". Je pense que Laurent Wauquiez l'a bien compris. Il a dit vouloir que la droite marche sur ses deux jambes, c’est-à-dire les libéraux et les conservateurs. Je pense que les antis libéraux ne pèsent pas si lourd dans le rapport de force aujourd'hui au sein de la droite. 

Être libérale et conservatrice, c’est possible ? 

Bien sûr que c'est possible. Par exemple sur les questions sociétales je suis entre les deux. Je suis favorable au mariage pour tous mais contre la PMA élargie aux femmes homosexuelles ou la GPA. Je suis favorable à l'adoption car pour moi c'est avant tout un geste d'amour et qu'il soit opéré par une famille monoparentale, un couple hétérosexuel ou homosexuel ce n'est pas le sujet. Il ne faut pas nier le désir d'enfants de ceux qui ne répondent pas aux carcans classiques des couples. 

Tchatcher est l'exemple parfait de quelqu'un qui a réussi à faire la synthèse des deux. Je ne veux pas être caricaturée comme celle qui se prendrait pour Tchatcher mais il est intéressant de montrer que la réunion des deux est possible et a existé. Même en France elle doit exister. Certains tentent de faire croire qu'il y aurait des droites irréconciliables. Je ne suis pas d'accord avec cette approche car la droite a toujours fonctionné avec ses différents courants plus ou moins libéraux ou conservateurs. Ce sont ceux qui n’ont pas intérêt à ce que la droite se reconstruise qui ont intérêt à surjouer les différences pour accentuer les divisions.

Dans une interview cette semaine à Libération, vous laissiez entendre que Laurent Wauquiez n’était qu’un choix de raison et de second rang, quel est le domaine sur lequel pensez-vous devoir être la plus vigilante s’il est élu ?

D'abord je veux souligner que c'est là une transformation totale de mes propos. Je n'ai jamais dit que Laurent Wauquiez était un choix de second rang. J’ai fait le choix de répondre à sa main tendue pour rassembler car il est pour moi le seul candidat capable de redresser la droite et disposant du leadership, de la volonté, de l’énergie nécessaires. Il faut un poids lourd pour reconstruire et diriger ce parti.

Pour moi la baisse de la dépense publique est un marqueur très fort. Je veux lutter contre l'étatisme et des étatiques il y en a à gauche mais aussi à droite. C'est un sujet sur lequel je suis vigilante car il faut que l'on arrive à expliquer que l'Etat doit se concentrer sur certaines de ses missions (dont les régaliennes), aller plus loin dans la décentralisation et plus loin dans la baisse réelle des dépenses publiques. 

Maël de Calan, lui-même issu des rangs de la campagne Juppé, a déclaré cette semaine « Je l'aime bien, elle a du talent, mais son choix est débile. Je remarque d'ailleurs qu'elle dit toujours faire un ticket avec Laurent Wauquiez, mais que Laurent Wauquiez, lui, ne dit jamais faire un ticket avec elle ». Si Laurent Wauquiez vous jouait un mauvais tour, verrions nous alors la « tueuse blonde qui a l’air d’un ange » que décrivait l’écrivain Gaël Tchakaloff dans le livre sur la campagne présidentielle qu’elle a publié au printemps dernier ?

Je ne pense pas être une tueuse. D'abord je n'ai pas envie de me placer dans cette hypothèse car aucune raison ne me pousse à le faire. L'avenir de la droite se joue maintenant dans sa capacité à se reconstruire. Et cette capacité dépend de sa capacité à se rassembler. Si on dit non au rassemblement d'emblée on est dans quelque chose qui s'apparente à un refus de cette volonté de reconstruction. Je ne fais pas de politique par ambition personnelle contrairement à ce que certains aimeraient faire croire. Nous sommes à la croisée des chemins. Serons-nous capables de reconstruire collectivement la droite ou au contraire certains vont-ils repartir dans les combats de coqs ? Je trouve que l'on ne tire pas assez les leçons de ce qu'il s'est passé.  Les divisions sont mortifères. Mon choix montre une vraie volonté et une vraie action en faveur du rassemblement. Je crois que c’est le devoir de la droite d’offrir une alternative à Emmanuel Macron, car sinon on prend le risque de voir les extrêmes toujours progresser dans notre pays. 

La presse a révélé cette semaine que des membres de l’entourage d’Emmanuel Macron auraient affirmé que vous aviez essayé de rejoindre son gouvernement, vous avez répondu que le contact s’était fait à leur initiative Et que vous n’auriez accepté que dans le cadre d’une coalition. Indépendamment de cette histoire-là, comprenez-vous que les électeurs de droite aient un peu de peine à faire confiance à qui que ce soit puisque tous les dés semblent pipés ? Comment reconquérir ces électeurs de droite déboussolés et notamment ceux qui dans les sondages accordent de plus en plus leur confiance à Emmanuel Macron ? 

Le monde politique est un milieu où l'irrationnel, la fake news, la volonté de déstabilisation ou même la diffamation deviennent monnaie courante. Depuis quelque temps j'en fais particulièrement les frais car je pense qu'il y en a qui n'ont pas envie que la droite se reconstruise. Et les électeurs ne sont pas dupes. Nous ne sommes pas dupes du calendrier, ces attaques viennent deux semaines avant l'élection au sein du parti. Mettons les choses au clair : il y a des gens qui ont clairement affiché et démontré leur proximité avec Macron. Ce n’est pas mon cas. Il y a ceux qui l'ont rejoint avant ou après la présidentielle. Ce n’est pas mon cas non plus. Il y a ceux qui ont voulu montrer qu'ils étaient prêts à y aller comme avec l'appel des 173 élus LR et UDI à répondre à la main tendue d'Emmanuel Macron. Là encore, ce n’est pas mon cas. Je fais partie des rares juppéistes à ne pas avoir signé cet appel. De la même façon, j'ai fait paraître une tribune dans vos colonnnes deux jours après cet appel, dans laquelle j’exprimais mon souhait profond de voir la droite gagner les élections législatives et ainsi former une coalition à l’Allemande avec Emmanuel Macron c’est à dire avec un gouvernement et une politique de droite. J’en suis plutôt fière attendu que ça n’a pas été le cas de tout le monde, et je mets au défi quiconque de me faire un procès en renoncement à mes convictions.,De surcroît, les ministres de droite au gouvernement n’ont finalement pas impacté d’une quelconque façon le projet gouvernemental d’Emmanuel Macron, contrairement à ce que certains prétendaient. Les électeurs de droite ne tarderont donc pas à constater que la politique menée par Emmanuel Macron est celle d’un social démocrate, qui a dépoussiéré la gauche en la modernisant, mais qui reste très timide sur les réformes en profondeur nécessaires, qui ne baisse nullement la dépense publique et qui est quasi absent sur les sujets régaliens, et notamment sur l’immigration ou sur la lutte contre le communautarisme. 

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