Violences autour de la Manif pour tous : quelles sont les responsabilités ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement craint des débordements de "groupes radicaux d'extrême droite" lors de la manif pour tous de ce dimanche
Le gouvernement craint des débordements de "groupes radicaux d'extrême droite" lors de la manif pour tous de ce dimanche
©Reuters

A qui la faute ?

Malgré la promulgation de la loi Taubira, les opposants au mariage pour tous manifesteront aujourd'hui dans les rues. Le gouvernement, lui, craint des débordements de "groupes radicaux d'extrême droite", selon les propos du ministre de l'Intérieur.

Christophe Soullez

Christophe Soullez

Christophe Soullez est criminologue et dirige le département de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Il est l'auteur de "Histoires criminelles de la France" chez Odile Jacob, 2012
et de "La criminologie pour les nuls" chez First éditions, 2012. 

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Atlantico : Le Parti socialiste estime que la manifestation de dimanche "se prépare dans des conditions particulièrement inquiétantes" tandis que Frigide Barjot pourrait renoncer à y participer car elle craint pour sa sécurité. Si on se réfère à de précédentes manifestations de ce type, des débordements sérieux sont-ils à redouter ?

Christophe Soullez : Lors de manifestations de voie publique de grande ampleur ou d’événements importants il y a toujours des risques de débordements. Ils sont inhérents à tout situation de ce type. Ceux-ci peuvent être le fait d’individus participant à la manifestation ou, le plus souvent, d’éléments extérieurs.

Dans le premier cas, généralement, ce sont les individus qui appartiennent à la frange extrémiste des manifestants et qui vont utiliser la manifestation comme un mode de contestation des pouvoirs publics et des autorités politiques en ayant recours à la violence notamment contre les forces de l’ordre. La violence est, en l’espèce, appréhender comme un moyen de créer du désordre avec pour objectif de marquer l’opinion publique. Les manifestants en font également usage pour provoquer les autorités et les services de police en espérant qu’un incident marquant, qui serait le fait des forces de l’ordre, rejaillisse sur la responsabilité des pouvoirs publics. Cette minorité extrémiste, connue généralement pour être des activistes et appartenir à des mouvements radicaux, peut parfois être rejoint par des manifestants lambda qui, encouragés par l’effet de groupe et mus souvent par une sorte d’excitation collective irrationnelle,  vont profiter du désordre ainsi créer pour eux aussi provoquer et s’en prendre aux forces de l’ordre.

Dans le deuxième cas nous sommes confrontés à des individus qui ne partagent en rien les motivations ou la cause des manifestants mais qui qui vont profiter de la foule, de l’anonymat qu’elle procure, des difficultés d’intervention des forces de l’ordre pour se livrer à des déprédations et à des vols dans les commerces ou visant des manifestants. La manifestation sert de donc prétexte à des délinquants traditionnels. Ils profitent d’une opportunité.

Bien entendu les deux catégories peuvent se cumuler voire même parfois se retrouver lorsqu’il s’agit d’affronter les forces mobiles. Mais les objectifs sont bien différents. C’est notamment ce cumul qui a pu être constaté lors des événements du Trocadéro pour fêter la victoire du PSG. Il y avait des supporters ultra du PSG et des jeunes issus de la banlieue parisienne qui n’avaient comme seul but que de faire quelques courses sans passer par la caisse.

Ces débordements prennent souvent la forme d’affrontements avec les forces de l’ordre, de dégradations du mobilier urbain ou de biens privés et de vols dans les commerces.

En cas de débordements, qui faut-il généralement le plus incriminer ? La police ou les manifestants ?  Qu'a-t-on observé lors des manifestations anti-mariage gay précédentes ?

En cas de débordements, et sauf provocation directe des forces de l’ordre ou perte de maîtrise de fonctionnaires de police, les principaux responsables sont bien entendu les éléments perturbateurs. Une manifestation de voie publique, même d’ampleur, se déroule généralement sans problème. Et, en France, qui est la pays européen qui enregistre le plus de manifestations de ce type (à l’occasion de mouvements syndicaux, de grèves, etc.), la quasi totalité des manifestations se passent sans heurts grâce, d’une part, à la responsabilité des manifestants et des organisations syndicales ou associatives et, d’autre part, au professionnalisme des forces mobiles, policiers et gendarmes, qui sont reconnus dans le monde entier pour leurs compétences.

Donc si des débordements ont lieu c’est généralement que certains manifestants ou éléments extérieurs ont cherché à créer volontairement du désordre et qu’ils n’ont pas respecté les consignes données par les autorités. Nous sommes dans un Etat de droit. Si la liberté de manifestation doit être garantie elle ne peut s’exercer que dans le cadre du respect des règles de droit et sans compromettre l’ordre public et surtout la sécurité des personnes et des biens. C’est un principe fondamental de notre démocratie.

Lors des dernières manifestations on a pu noter que si la quasi majorité des manifestants, regroupant hommes, femmes et parfois enfants, de toutes catégories sociales, s’était comporté normalement, une minorité, aspirant à plus de visibilité, avait  jouer la carte de l’affrontement et de la provocation espérant ainsi celle-ci entraînerait des réponses disproportionnées des autorités permettant ainsi de les mettre en cause et de prendre à témoin l’opinion publique. C’est une méthode vieille comme le monde lorsqu’on souhaite fragiliser le pouvoir.

Pour ce type de manifestations, quelles sont les consignes généralement données aux policiers?

Les consignes sont nombreuses. La première, et celle qui fait la réputation de nos forces mobiles, c’est la proportionnalité. On demande aux policiers et aux gendarmes de n’avoir recours à la force que lorsque c’est vraiment nécessaire et que cet usage soit proportionné à la menace et au type de "public". C’est d’autant plus le cas lorsque les manifestations regroupent des publics très différents et notamment des personnes qui ne sont pas habituées à manifester comme c’est le cas pour les manifestations contre le mariage pour tous. Cela accroît aussi les difficultés pour les forces de l’ordre car très souvent les casseurs ou les perturbateurs se cachent parmi les manifestants "normaux".

Ensuite leur objectif est de canaliser au plus près les manifestants et de faire en sorte que la manifestation suive un circuit bien défini et adapté à la gestion des foules. Lorsque Napoléon III a demandé au Préfet Eugène Haussmann de créer de grandes artères au cœur de Paris cela s’inscrivait, certes dans une politique de rénovation de l’urbanisme parisien, mais devait surtout servir à améliorer le contrôle des manifestations par une meilleure canalisation des flux de personnes.

Les forces de l’ordre doivent également protéger les lieux symboliques et de pouvoir ou les lieux présentant des risques importants de déprédations.

Lorsque des individus perturbateurs commencent à apparaître, généralement à la fin d’une manifestation au moment de la dispersion,  il leur est ensuite demandé de les contenir dans des endroits les plus hermétiques possibles afin, progressivement, de les encercler de plus en plus près. On entre alors dans une phase, non plus de maintien de l’ordre, mais de rétablissement de l’ordre public. Depuis maintenant 2002, et alors qu’antérieurement seuls des objectifs  d’ordre public prévalaient, les stratégies de containement s’accompagnent également d’actions de police judiciaire. C’est ce qu’on a appelé la judiciarisation de l’ordre public. L’idée c’est de repérer les principaux fauteurs de troubles et de les interpeller afin de les déférer devant la justice.

Les consignes visent également à ce que l’action des forces de l’ordre ne les mette pas en danger. Ainsi la sécurité des fonctionnaires de police ou des militaires de la gendarmerie est aussi un paramètre qui est pris en compte lorsqu’il s’agit d’intervenir.

Comment expliquer que les dispositifs mis en place pour les dernières manifestations aient surpassé de loin ceux du rassemblement du Trocadéro qui a pourtant provoqué les débordements qu'on a pu observer ?  

Un premier élément concerne le nombre de manifestants attendus. Pour les manifestations contre le mariage les autorités semblaient s’attendre à un beaucoup plus grand nombre de personnes que pour la fête organisée au Trocadéro. Le dispositif est aussi différent si les manifestants bougent au cours d’une marche ou sont statiques sur un lieu défini préalablement comme c’était le cas pour la fête organisée pour le PSG.

Par ailleurs, compte tenu des publics très hétéroclites pour les manifestations contre le mariage pour tous, il convenait aussi de prévoir un nombre de fonctionnaires plus importants afin de pouvoir protéger des personnes qui n’avaient pas l’habitude de manifester mais également anticiper la venue d’individus extérieurs qui auraient eu pour objectif de commettre des vols.

Certaines personnes avaient également indiqué leur intention de marcher vers des lieux non autorisés et, dans ce cas, il est essentiel d’avoir un dispositif suffisant pour pouvoir interdire l’accès à ces lieux.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

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