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Le logo d'AirBnb utilisé dans le cadre d'un montage photo pour l'AFP.
Le logo d'AirBnb utilisé dans le cadre d'un montage photo pour l'AFP.
©JOEL SAGET / AFP

Evolution du marché

C’est en tout cas ce qui semble se produire aux Etats-Unis, même si la France n’a pas (pour l'instant) suivi de pente similaire.

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico : Aux Etats-Unis certains se posent la question d’un crash de Airbnb, sur quoi s’appuient-ils ?

Charles Reviens : Dès sa création en 2008 AirBnB a été le précurseur de la location courte durée (LCD, ou location court terme LCD) et a bouleversé l’économie immobilière en particulier pour les villes les plus touristiques. Plus de 100 millions de visiteurs unique vont aujourd’hui chaque mois sur le site www.airbnb.com, 165ème site mondial (58ème au USA) mais 2ème de son secteur du tourisme et du voyage. L’introduction en bourse d’AirBnB en décembre 2020 était la plus grande IPO de 2020, et sa capitalisation boursière s’établit aujourd’hui à 69 milliards de dollars.

Son activité s’appuie sur des frais de service de 14 % prélevé sur les hôtes (+ 3 % sur les bailleurs). La croissance récente de la société post covid a été importante (+21 % en 2021 puis en 2022) avec 4 millions de propriétaires proposant leur bien en LCD et 1,3 millions de LCD réalisés par mois. AirBnB est d’ailleurs bénéficiaire pour la première fois en 2022 avec un chiffre d’affaires de 8,4 milliards de dollars et un résultat net de 1,9 milliard de dollars (contre une perte de 352 millions de dollars en 2021) soit un taux de marge nette de 16 %.

Cette très belle success story de l’Internet américain n’empêche pas que la question d’un crash d’Airbnb soit désormais évoquée, par exemple dans l’article de Business Insider du 22 mars dernier titrant « le fiasco d’Airbnb ‘Airbnbust’ prouve que les années folles des locations en ligne sont derrière nous ».

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L’article mentionne à la fois la réduction de la croissance sur le marché américain, avec une baisse du taux d’occupation sur 31 des 50 plus gros marchés locaux selon le site de recherche AirDNA. A moyen terme l’enjeu majeur de l’activité LCD tient à la différentiation territoriale : effondrement pour certaines villes américaines, boom pour d’autres.

Le cadre LCD choisi par les municipalités vis-à-vis d’AirBnB est déterminant. En effet certaines villes ont laissé les LCD se multiplier pratiquement sans contrôle, ce qui a conduit à une offre excédentaire impactant négativement les derniers investisseurs. D’autres municipalités ont pour leur part choisi de plafonner le nombre de permis de LCD, ce qui apaise des résidents inquiets tout en préservant les rendements locatifs des propriétaires Airbnb en place. Par ailleurs la plupart des villes américaines ayant un potentiel touristique significatif ne peuvent de fait pas se permettre de perdre les revenus touristiques qui découlent des LCD. Donc soit les municipalités acceptent le cycle d’expansion et de récession qui peut résulter d’un marché LCD sans contraintes, soit elles régulent et encadrent le volume d’activité LCD en vue d’apporter une certaine tranquillité d’esprit aux résidents qui s’opposent à ce que leurs quartiers soient totalement envahis par des mini-hôtels.

En tout état de cause, l’évolution de l’action AirBnB n’est pas très favorable depuis l’introduction en bourse de décembre 2020.

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Récemment les analyses de marché ont été sensibles à un rapport de the Bear Cave qui décrit une transformation défavorable de l’écosystème AirBnB du fait de la professionnalisation en cours d’une partie des hôtes : les meilleurs hôtes professionnels d'Airbnb (1 % des hôtes générant 23 % des annonces et 35 % du chiffre d’affaires) commencent à constituer des écosystèmes aussi indépendants que possible de AirBnB : plateformes de réservation propriétaires et listes de diffusion exclusives, taux de commissionnement plus faible, systèmes de fidélisation pour les clients en direct. The Bear Cave en conclut que l'avenir d'Airbnb sera très différent de son passé, car l'entreprise doit désormais rivaliser avec ses plus grands hôtes qui sont également les plus professionnels et au final les meilleurs.

Airbnb a communiqué à Atlantico ses données pour la France, indiquent-elles une tendance similaire à l’heure actuelle ?

Dans ses éléments fournis à Atlantico, Airbnb met en avant une croissance régulière des offres de LCD sur les quatre dernières années, évolution qui semble contraster avec les tendances évoquées plus haut du marché LCD américain plus mûr et plus grand.

AirBnB se déploie en France dans un écosystème spécifique : limitation à compter de 2019 du nombre maximal de nuitées pour les logements entiers loués en résidence principale, obligation pour un propriétaire/hôte de déclarer sa résidence secondaire s’il souhaite l’offrir à la location touristique, fiscalité via la taxe de séjour (environ 150 millions d’euros).

Les données fournies par AirBnB insistent beaucoup sur la diversification de l’offre sur le territoire national du fait du tourisme rural, avec 35 % de l’offre LCD en zone rurale et près de 30 % de la taxe de séjour bénéficiant aux communes de moins de 3 500 habitants. Le revenu médian de l’hôte AirBnB s’établit à 3 900 euros (5 900 à Paris), une hausse supérieure à celle de l’inflation.

Paris demeure toutefois un enjeu majeur pour AirBnB : retour des voyages internationaux et des grands événements (avec les jeux olympiques en ligne de mire). BFM constate dans un article de décembre 2022 une tendance générale à la hausse des prix particulièrement prononcée à Paris : +60 % en trois ans, soit 257,80 euros la nuitée donc autour de 1 800 euros la semaine. Cette évolution des prix est notamment dûe à la limitation du nombre de nuitée à 120 jours par an, ce qui a conduit l’offre à passer de 50 000 LCD avant 2019 à moins de 23 000 en 2022. AirBnB indique que les résidences principales et les chambres chez l'habitant représentent plus de 75 % des logements loués sur Airbnb à Paris en 2022.

Pour autant, pourrait-il y avoir des éléments incitant à la prudence pour Airbnb en France ?

Le grand Pierre Dac nous a appris que les prévisions sont difficiles surtout lorsqu'elles concernent l'avenir. La sagesse m’amène donc à prendre en compte les limites de mes capacités divinatoires et limiter de ce fait les analyses à quelques éléments de prospective basés sur des tendances et points d’attentions aux parties prenantes de de l’écosystème LCL. Cet écosystème inclut, trois parties prenantes clés : le locataire/touriste, le propriétaire/hôte et les pouvoirs publics nationaux ou locaux, outre AirBnB et ses concurrents dans leur rôle d’intermédiation,

Concernant les pouvoirs publics, on constate tant aux Etats-Unis qu’en Europe la préoccupation croissante relative à l’« housing affordability », afin que la location d’un logement demeure abordable pour l’ensemble de la population. La hausse (certes désormais interrompue) du prix de l’immobilier résidentiel pendant très longtemps a attiré l’attention des économistes et des pouvoirs publics sur l’impact de la LCD sur la hausse des prix immobiliers. AirDNA a produit récemment une synthèse de ces analyses : constat aux USA d’une hausse des maisons de près de 20 % sur une période de quatre ans marquée par le doublement de l’offre LCD, mais relatif consensus sur la limitation des effets prix de la LCD à des zones touristiques très spécifiques et quasiment uniquement à Paris en France.

La location court terme est devenue un réalité économique et sociétale probablement durable mais qui subira inéluctablement les conséquences des transformations de l’écosystème dans laquelle elle se déploie : attractivité des lieux et des villes, développement et pouvoir d’achat des touristes, nature de l’offre de logements LCD, cadre réglementaire, émulation entre l’opérateur AirBnB et ses concurrents.

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