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"Une vie" de Guy de Maupassant : chronique d’une mésalliance
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De : Guy de Maupassant Adaptation : Annie Vergne Mise en scène : Frédérique Poslaniec Avec : Annie Vergne

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann d’abord professeur d’histoire en collège, est actuellement enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Lille – Charles de Gaulle. Le théâtre est une passion qui remonte à sa découverte du Festival d’Avignon ; il s’intéresse également aux séries télévisées. Il est, avec Charles Edouard Aubry, co-animateur de la rubrique théâtre et membre du Comité Editorial de Culture-Tops.

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Alya Aglan pour Culture-Tops

Alya Aglan pour Culture-Tops

Alya Aglan est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.)

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THÈME

Jeanne Le Perthuis des Vauds, au soir de sa vie, entreprend de la raconter, au moment où elle doit quitter son cher château familial des « Peuples » (entendre “Peupliers“).

Issue d’une dynastie de riche noblesse rouennaise, dorlotée par des parents aimants qui la préservent sans éveiller sa curiosité, elle pensait, avec toute la naïveté de ses 17 ans, que « les étoiles m’offraient leur mystère, et l’espoir d’un avenir lumineux. »

Elle allait assez vite déchanter, car à suivre à la lettre les préceptes de son milieu (« Prends sur toi », « On ne veut pas faire d’histoire »), le risque est grand d’enchaîner les déconvenues...

POINTS FORTS

Tout repose ici sur l’interprétation délivrée par Annie Vergne, qui, seule en scène, est plus que convaincante : mobile et expressive, elle habite littéralement l’espace romanesque. Dotée d’une gestuelle, d’une prononciation aux intonations parfaitement en phase avec le propos, l’émotion jaillit et coule de source, retrouvant la fluidité du style du grand Maupassant.

La puissance de l’évocation fait apparaître les paysages et les autres personnages dont les voix se mêlent dans une narration haletante continue qui alterne les points de vue tantôt celui de Jeanne tantôt celui du narrateur.

Le talent de la comédienne est servi par un texte qui a fait la réputation de l’écrivain : précis et suggestif, surprenant et attendu. C’est un modèle du genre. L’une et l’autre s’épaulent pour faire de la nuit de noces et du voyage en Corse qui s’ensuivit des moments forts du spectacle.

QUELQUES RÉSERVES

Il n’y en a guère, tant il est vrai qu’on passe un bon, voire un très bon moment, idéal pour un dimanche après-midi.

ENCORE UN MOT...

Quoiqu’ancré dans la noblesse normande, Une vie - et c’est ce qui explique pour partie son succès - évoque les pires craintes du bon bourgeois du XIXe siècle : une vie, voire des générations de travail, d’épargne et de richesse menacées par un mari volage et oisif (le vicomte Julien de Lamarre) qui prend le contrôle de la fortune de sa riche femme, laquelle devient mère de Paul, un fils autant aimé que dispendieux... 

La bonne société de la seconde moitié du XIXe siècle, où le curé tient un rôle de conseil familial, d’extraction bourgeoise ou nobiliaire, partageait un certain nombre d’appréhensions : le déclassement, la réputation salie, « l’honneur » perdu. 

C’est également un milieu au sein duquel l’inégalité des sexes et l’assignation des femmes jouent pleinement ; du reste Maupassant n’y échappe pas, qui fait l’éloge de la maternité comme issue salvatrice pour Jeanne.

UNE PHRASE

« La vie, ce n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit. »

L'AUTEUR

Faut-il encore présenter Guy de Maupassant (1850-1893), l’un des plus fameux écrivains de la littérature française, et sans doute le novelliste le plus doué de sa génération (Boule-de-suif, Le Horla, Les contes de la bécasse) ?

En l’occurrence, Une vie est son premier roman, paru en 1883. Ce récit, qui entreprend de raconter celle d’une femme, « depuis l’heure où s’éveille son cœur jusqu’à sa mort », inaugure une série de chef-d’œuvre, ainsi Bel-Ami, deux ans plus tard. Le roman se situe en Normandie, entre Rouen, Yport et Etretat, région que connaît bien ce natif de Tourville-sur-Arques, d’autant que sa mère avait acquis du côté d’Etretat une fort belle demeure, appelée « Les Verguies », ce qui n’est pas sans rapport avec « les Peuples » d’Une vie.

Cet ancrage géographique n’est pas le seul aspect lié à l’existence de Maupassant : le vicomte Julien de Lamarre rappelle fort Gustave de Maupassant, père de Guy, un petit noble ayant épousé Laure le Poittevin, une demoiselle fort bien dotée venant de la bonne bourgeoisie, et dont il fut le mari pareillement volage, au point que la mère de l’auteur s’en sépara, mais sans accident majeur... 

Autant de preuves donc que Maupassant parvint à sublimer son entourage comme son environnement.

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