Ukraine : l’armée russe face à un avenir tragique<!-- --> | Atlantico.fr
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Des camions russes en Crimée. 25 février 2022
Des camions russes en Crimée. 25 février 2022
©STRINGER / AFP

Mauvaise nouvelle pour Poutine

L’analyse des problèmes logistiques rencontrés par les forces russes en Ukraine montre que le temps joue en faveur de Kiev. Mais crée aussi une situation encore plus dangereuse tant Poutine peut être tenté par une stratégie moins conventionnelle faute de vouloir se résoudre à un retrait

Jérôme Pellistrandi

Jérôme Pellistrandi

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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Atlantico : Cela fait plus de dix jours que l’offensive russe a commencé en Ukraine. Sur le terrain, l’armée russe connaît de nombreux problèmes logistiques qui entravent sa capacité opérationnelle. La situation actuelle est-elle nouvelle ?

Jérôme Pellistrandi :Par tradition ou par conformisme, la logistique n’a jamais été une priorité dans la culture militaire russe ou soviétique. Ils ont toujours préféré mettre l’accent sur la puissance de feu, la rusticité des soldats ou un grand nombre d’effectifs. Pourtant, une armée mécanisée comme celle que nous voyons actuellement en Ukraine exige des ravitaillements constants en carburant, en munitions ou en matériel. Les Russes sont entrés sur un territoire immense et à de nombreux endroits. Cela demande un effort logistique très important, qui est clairement sous-dimensionné. Comme les combats durent plus longtemps que prévu, les unités en première ligne font face à de fortes pénuries et les équipements subissent des défaillances techniques à cause du froid. Les Russes doivent donc faire venir de nouvelles troupes, mais aussi plus de carburant, plus de nourriture … Il s’agit d’un véritable engrenage qui doit absolument tourner en permanence. Or celui-ci semble bloqué depuis maintenant plusieurs jours. 

Il faut souligner que depuis que Vladimir Poutine est au pouvoir, il s’est efforcé de moderniser les forces armées russes. Le parc de matériel, de blindés ou d’avions de combat a été fortement augmenté et il s'est avéré efficace à plusieurs reprises, comme en Géorgie en 2008, en Syrie et enfin en 2014 lors de la saisie de la Crimée. Pourtant, après 12 jours de combat, on remarque que les russes connaissent de nombreuses difficultés en matière de logistique, ce qui démontre que Poutine croyait à une victoire rapide et n'a pas suffisamment planifié les opérations. 

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Les camions, très utiles pour le transport de troupes, seraient un des talons d’Achille de l’armée russe. Leurs pneumatiques seraient souvent en mauvais état et l’armée a recours à des véhicules civils pour assurer divers ravitaillements. Les Ukrainiens pourraient-ils profiter de cette faiblesse ? Est-ce que cela pourrait influencer le cours de la guerre ?

Le fameux convoi de 60 kilomètres qui est bloqué au nord-ouest de Kiev est une cible de choix. De nombreux camions sont immobilisés, notamment en raison des batteries qui se sont déchargées avec le froid et d’un manque de carburant. Il y a dans ce convoi des camions-citernes censés ravitailler d’autres véhicules. Les attaquer au lance-roquette porterait un coup violent à la capacité opérationnelle de l’armée russe. Pour cela, les combattants ukrainiens doivent s’infiltrer et mener des attaques coordonnées, ce qui est extrêmement compliqué et risqué.

Ce convoi bloqué est une excellente nouvelle pour l’Ukraine car chaque heure ou jour de combat gagné est synonyme de défaite pour Poutine. Les ukrainiens ont reçu de très nombreuses armes défensives (missiles anti-char, anti-aérien, fusils de sniper…). Ils souhaitent donc poursuivre ce combat retardateur, en particulier en piégeant les unités russes dans les faubourgs des grandes villes. L’avantage du combat défensif est qu’il est possible de préparer le terrain, mettre des barrages antichars … le gain en efficacité est certain. Malgré le fait que le rapport de force reste en faveur des russes, qui possèdent bien plus de matériel que les ukrainiens, il faut noter qu’un tiers des soldats russes sont des conscrits et que leur motivation n’est certainement pas à toute épreuve.

Ces problèmes de logistique affectent-ils également les opérations aériennes russes ? 

Tout à fait. Les aéronefs (avions, hélicoptères, drones) ont également besoin de ravitaillement, même s’ils partent souvent d’installations qui ne sont pas sur le sol ukrainien. Après une mission de combat, il faut également remettre ces aéronefs en état de vol, ce qui prend beaucoup de temps. De plus, les russes n’ont pas réussi à établir une supériorité aérienne en neutralisant les défenses sol-air ukrainiennes et ont perdu de nombreux aéronefs. Comme ils utilisent encore un nombre important d’armes air-sol non guidées, leurs avions sont obligés de voler bas pour avoir une plus grande précision, ce qui en fait des cibles faciles pour les nombreux lance-roquettes livrés aux ukrainiens. 

Il faut également noter que Vladimir Poutine ne peut pas engager en Ukraine la totalité de ses avions. De nombreux appareils, notamment les plus modernes, doivent rester dans leurs bases en Russie pour permettre la continuité de la dissuasion russe.

Si l’armée connaît de tels problèmes, Vladimir Poutine pourrait-il être tenté par une autre stratégie, moins conventionnelle ? 

Vladimir Poutine a déjà changé de stratégie. La saisie de villes comme Kharkiv, Marioupol ou Kiev devait se faire beaucoup plus rapidement. Il a donc décidé de passer à un mode d’action plus « classique » avec des bombardements massifs, comme il l’a fait en Syrie. Cela peut être réalisé avec des missiles ou grâce à des unités d’artillerie. On peut le constater à travers les différentes frappes russes sur les villes ukrainiennes, qui occasionnent des dégâts humains et matériels colossaux. Le but est notamment de saper le moral de la population. S’il est trop tôt pour établir un bilan réaliste, on peut estimer à plusieurs milliards d’euros les destructions d’infrastructures.

Si les pertes russes devenaient trop importantes, le prix à payer pour Poutine serait également politique. Il faut noter qu’entre les morts, les désertions, les blessés, les prisonniers et les disparus, les Russes ont perdu des milliers de soldats, ce qui pourrait faire basculer l’opinion publique russe. Quand on voit la détermination des ukrainiens, Poutine pourrait également être confronté à une guérilla qui serait terrible pour l’image de la Russie à l'international, déjà fortement dégradée.

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