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Le top 5 des sujets insuffisamment abordés pendant la campagne
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Déni de campagne

Selon l'hebdomadaire The Economist, la France est "dans le déni" lors de cette campagne présidentielle. Voici les vrais sujets dont les candidats devraient s'emparer pour réformer la France...

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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The Economist a alerté le monde entier : la France est « dans le déni ». Les candidats à la présidentielle multiplient les diversions, de la viande halal au permis de conduire en passant par les revenus des patrons, pour ne pas répondre à la seule question valable : comment manœuvre-t-on un Etat à la dérive, qui prélève chaque année 44% de la richesse nationale en impôt, et dont la dette devrait atteindre 100% du PIB d’ici 2015 ?

Les mesures d’austérité drastiques qui se profilent à l’horizon, à l’image de celles décidées au Royaume-Uni, en Italie et récemment en Espagne, seront d’autant plus douloureuses que les électeurs-citoyens n’y auront pas été préparés. On finit presque par espérer que, dans l’hypothèse – probable – où les taux d’emprunt repartent à la hausse, la France doive subir l’humiliation d’un emprunt FMI, et entreprendre sous la contrainte les réformes nécessaires. Que vous votiez Hollande ou Sarkozy, c’est Christine Lagarde qui gouvernera.

La question centrale de la dette appelle une série d’interrogations sur notre modèle économique et social. Jacques Attali avait présenté début 2008 un excellent rapport de « libération de la croissance ». Nicolas Sarkozy ne l’a appliqué que modérément, tandis qu’un membre de la Commission Attali, Mario Monti, est en train de le décliner méthodiquement en Italie, avec un grand succès. Quatre ans plus tard, le même Attali a posé les bonnes questions dans son livre Candidats, Répondez !.

Top 5 des questions auxquelles ils n’ont pas répondu : 

1- Comment réformer la fiscalité ?

Le problème fondamental de l’impôt en France n’est pas celui des taux, comme les candidats essayent de nous le faire croire, mais celui de sa « lisibilité » et de sa « prévisibilité ». Les amendements incessants du Code Général des Impôts, truffé d’exceptions et de dérogations, font prospérer la Direction du Budget et les avocats fiscalistes, au détriment du contribuable moyen. La « révolution fiscale » proposée l’année dernière par l’économiste Thomas Piketty avait le mérite de remettre à plat des décennies de compromis et de complications. L’une de ses idées phare, le prélèvement à la source, est une mesure de bon sens aujourd’hui en vigueur dans presque tous les pays européens. François Hollande, qui l’avait un temps envisagée, a renoncé avant même d’essayer, anticipant les pressions que l’administration fiscale n’aurait pas manqué d’exercer. Bel exemple de courage politique.

2 - Faut-il supprimer le statut de la fonction publique ?

La Cour des comptes évalue le nombre de fonctionnaires à 5,2 millions (22 % de la population active, soit le double de l’Allemagne), ce qui représente une augmentation d’un tiers depuis 1980. Ils jouissent de protections et de privilèges injustifiables, inefficaces et bientôt insolvables. Pourquoi l’Etat ne pourrait-il pas devenir régulateur, imposant aux services publics des normes conformes à l’intérêt général, en renonçant à être manager, fonction qu’il est visiblement incapable d’assurer ? La Nouvelle-Zélande, qui a franchi le pas à la fin des années 80, ne s’en porte aujourd’hui que mieux.

3 - Dans quelle direction poursuivre la réforme des Universités ?

La sélection des étudiants serait l’étape suivante logique de l’autonomie des Universités, qui permettrait de mettre enfin un terme à un système d’éducation supérieur à deux vitesses, avec des classes préparatoires et des grandes écoles ultra-compétitives d’un côté, et des facs ultra-égalitaristes de l’autre. La France est le seul pays d’Europe où le bac tienne lieu de sésame pour l’entrée à l’Université (une règle instaurée par Napoléon Bonaparte, et totalement inadaptée à la démocratisation de l’enseignement supérieur). Brisons le tabou. En permettant aux Universités de rentrer ouvertement en compétition pour attirer les meilleurs élèves et les meilleurs professeurs (et davantage de capitaux), ne permettrait-on pas l’émergence d’établissements d’excellence, challengers naturels des grandes écoles.

4 - Comment moderniser la République ?

Dans son dernier classement des démocraties à travers le monde, The Economist, décidément mal luné envers la France, a créé la surprise en dégradant notre pays dans le groupe des « démocraties imparfaites », au 31ème rang – entre l’Afrique du Sud et la Slovénie. The Economist ne mettait pas en cause l’Etat de droit ou le pluralisme, mais déplorait la méfiance des citoyens vis-à-vis des partis politiques (le taux de confiance le plus bas des pays développés !). Comment s’en étonner, alors que notre classe politique est la plus vieille d’Europe? L’âge moyen d’un député est le même que l’âge moyen de départ à la retraite pour le reste de la population : 59 ans ! Surtout, la tradition du cumul des mandats (plus de 85 % des députés sont également élus locaux), une anomalie démocratique qui n’existe dans aucun autre pays, fait des Parlementaires les serviteurs de leur clientèle locale. Pourquoi ne pas interdire strictement de cumuler le mandat de Parlementaire avec tout autre mandat politique ? Cela sonnerait le glas des baronnies, et le début d’une vie politique moins professionnelle et… plus responsable.

5 - Quel doit être le rôle de la France dans le monde ?

L’international est mystérieusement absent de cette campagne. François Hollande, après ses imprudentes sorties sur la réforme du Conseil de Sécurité de l’ONU, se contente désormais de propos convenus sur la « dégradation de l’image de la France ». Nicolas Sarkozy, qui pourrait pourtant défendre un bilan plus qu’honorable sur son action extérieure (de la Géorgie à la Côte d’Ivoire en passant par la Libye), ne lui consacre qu’une ligne dans sa « Lettre aux Français ». Les seules controverses concernent le calendrier du retrait d’Afghanistan. On est loin de la campagne de 2007, où les convictions « atlantistes » de Nicolas Sarkozy avaient profondément remodelé le paysage diplomatique.

Cinq questions, cinq absences. Qui faut-il blâmer ? Les candidats qui n’y répondent pas, ou les journalistes qui ne les posent pa ? En tous les cas, le prochain Président réservera autant de surprises à ses électeurs.

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