The Winner Takes it All : pourquoi nous entendons beaucoup plus qu’avant les 10 premiers tubes du Top 50<!-- --> | Atlantico.fr
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"The Winner Takes it All" du groupe ABBA est toujours autant diffusé sur les radios.
"The Winner Takes it All" du groupe ABBA est toujours autant diffusé sur les radios.
©Wikipédia commons

Petits pots et meilleures soupes

Comme le montre la haute diffusion du titre "The Winner Takes it All" du groupe ABBA, les musiques du top 40 des radios "commerciales" s'accaparent 67,5% de l'exposition bien qu'elles ne représentent qu'une part minuscule de la création musicale.

Yves Bigot

Yves Bigot

Yves Bigot est directeur des programmes de la radio RTL.

Ce passionné de musique a notamment été journaliste et animateur sur Europe 1, rédacteur-en-chef de Rapido, et directeur des Victoires de la musique.

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Atlantico : Selon l'observatoire de la musique, en 2013, les musiques du top 40 de radios comme NRJ ou FUN Radio constituait 67,5 % des diffusions musicales par semaine. En quoi ces chiffres sont-ils révélateurs ? Écoutons-nous tous les mêmes artistes ?

Yves Bigot : Cette question regroupe plusieurs aspects. Dans un premier temps, il faut savoir que la plupart des artistes actuels débordent de leur public initial pour plaire à un public plus large. C’est le cas de Stromae qui a réussi à mixer électronique et variété française, touchant ainsi deux publics différents. D’autres super stars, elles, visent carrément tous les types de publics.

Ensuite vient la question des conditions de diffusion : plus le nombre de titres diffusés est restreint, plus cela a de conséquences sur le petit nombre d’artistes qui trouvent un public suffisant pour vivre de leur musique. Les radios, pour des raisons marketing, ne diffusent que les titres les plus plébiscités par les auditeurs. Finalement, c’est un peu le serpent qui se mord la queue. D’un côté, l’opinion publique considère que si l’on fait écouter une plus grande diversité de titres à la radio, les gens l’écouteraient plus. Mais de l’autre côté, les radios rétorquent ne se concentrer que sur les auditeurs dont elles sont sûres qu’ils vont écouter. C’est une question sans réponse.

D’une manière générale, les radios privées sont là pour gagner leur vie, avoir une audience et donc prendre évidemment le moins de risques possibles. Concernant les radios publiques, elles ont la responsabilité d’exposer les auditeurs à une plus grande diversité musicale. C’est une question délicate, dont on a du mal à connaître la réponse. Et pourtant, c’est parfois en prenant des risques que l’on connaît les plus grands succès ! Nous sommes actuellement dans une période où le marché est tellement difficile pour tous les acteurs de la radio que tout le monde cherche à réduire les prises de risque. Et ce, au détriment du public qui se retrouve privé de la diversité musicale. Quand bien même, ce n’est le rôle des radios de faire acte de service public en proposant une diversité musicale. L’un le fait naturellement, l’autre est orienté.

Comment en sommes-nous arrivés à accepter ce manque de diversité musicale dans nos quotidiens ?

Il s’agit tout simplement de la loi du marché. Les auditeurs sont en majeure partie dépendants des radios pour leurs goûts musicaux. Or, comme expliqué dans la question précédente, le marché est de plus en plus difficile, les radios ont besoin de rentabilité et prennent de moins en moins de risques. Elles se basent donc sur cette recette musicale qui les conduit à programmer des titres déjà plébiscités par le public.

Qui faut-il remettre en cause ? Les maisons de disques, les radios ou nous-mêmes ?

D’une certaine façon, le consommateur a effectivement sa part de responsabilité. Personne ne l’oblige à écouter une radio qui ne diffuse que quinze titres en boucle. S’il veut de la diversité, il faut donner audience à d’autres radios qui diffusent des styles de musique différents. Quant aux programmateurs de radio, ils sont généralement passionnés de musique et préféreraient diffuser plus de titres différents, mais ils sont soumis aux attentes du public.

Peut-on parler de gâchis musical dans la mesure où les gens se lassent toujours plus vite de ce qu'on leur propose ?

Cela dépasse le monde de la musique. On est bombardé de sollicitations de tous ordres en permanence. Le temps se raccourcit, par conséquent la musique également. Mais cette tendance n’est pas spécifique à la musique : on se lasse de tout plus vite. On entre alors dans la question du divertissement ou de la culture, c’est-à-dire de ce qui a vraiment de la valeur et de ce qui n’en a que temporairement. Il existe des tas de raisons différentes qui nous font écouter de la musique : on peut y rechercher l’art, la culture, le chef d’œuvre, comme on peut y chercher du bien-être et de la détente. Les deux sont respectables. 

Une étude menée par deux chercheurs espagnols et publiée dans Science Report aurait conclu que la musique pop était de plus en plus uniforme, c'est-à-dire avec de moins en moins de diversité entre les combinaisons de notes. Peut-on parler d'un déclin de la musique populaire ?

On ne peut jamais dire cela. Il vaut mieux parler d’une uniformisation de la production. Il y aura toujours des univers musicaux différents. Ce qui nous procure cette impression de ressemblance, c'est la technique utilisée qui est sensiblement la même pour tout le monde. Par exemple, si un chanteur du Burkina Faso fait de la musique, donc avec des sons différents que ceux que nous entendons habituellement, elle sera tout de même produite et traitée avec les mêmes outils que la musique de Rihanna. De fait, la musique nous semblera plus familière. Il y a vingt ans, nous n'avions pas toutes ces technologies et donc les musiques de différentes influences nous semblaient plus différentes qu'aujourd'hui.

Cette tendance touche-t-elle d'autres styles musicaux ?

Aujourd’hui est-ce qu’il existe autre chose que de la musique pop ? La musique savante a atteint en quelque sorte ses limites. Toutes les musiques se sont rencontrées, ont fusionné, se sont fertilisées les unes des autres. Je pense que cela vient des Beatles qui ont planétarisé ce processus de rencontre musicale, cette réabsorption de tous les genres musicaux dans la musique populaire.

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