Taubira triomphe à l’Assemblée, Valls monte dans les sondages : explication<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Taubira triomphe à l’Assemblée, Valls monte dans les sondages : explication
©

Bulle médiatique

Depuis le début des débats sur le mariage homosexuel, les médias et les parlementaires de gauche ne tarissent pas d'éloges sur Christiane Taubira. Pourtant, c'est Manuel Valls continue de culminer en tête des sondages à plus de 71 d'opinions positives.

Francis Balle et Jérôme Fourquet

Francis Balle et Jérôme Fourquet

Francis Balle est professeur de science politique à l’université Paris-II  Panthéon-Assas.

Ancien membre du CSA, il dirige l’IREC (Institut de recherche et d’études sur  la communication).

Il est professeur invité, depuis 1981, à l’université de Stanford  (Californie).

Il est l'auteur de Médias et Sociétés, 15 ème édition, (lextenso éditions,  2011).

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’IFOP.

Voir la bio »

Atlantico : Depuis le début des débats sur le mariage homosexuel, les médias et les parlementaires de gauche ne tarissent pas d'éloges sur Christiane Taubira. Pourtant, selon le dernier baromètre Ifop-Paris Match, la ministre de la justice  perd 1 point de bonnes opinions à 45%. Comment expliquez-vous ce décalage entre l’opinion et les médias ?

Jérôme Fourquet : Il y a deux niveaux d'analyse pour expliquerle décalage entre le discours médiatique très laudateur et l'opinion publique beaucoup plus mitigée. Dans leurs commentaires, les médias s'appuient sur la performance de Christiane Taubira en matière de défense du projet de loi sur le mariage homosexuel. La ministre de la Justice s'est illustrée par une maîtrise parfaite du dossier et par ses talents oratoires à l'Assemblée nationale. Sa pugnacité a été remarquée à gauche comme à droite. Mais ce qui s'est passé dans l'hémicycle sur un sujet comme le mariage homosexuel ne traduit pas forcément les préoccupations des Français qui sont finalement relativement indifférents à cette réforme. Ce qui retient l'attention des médias n'est pas forcément ce qui retient l'attention des Français.

Francis Balle : La gauche s'attendait au pire pour ce débat : elle pensait que Mme Taubira serait une cible facile pour l'opposition parlementaire. Rien se s'est passé comme elle le craignait : son discours sans note, empreint d'émotion , a rassuré la gauche et tétanisé l'opposition , les une et les autres ayant tablé sur son inexpérience et son manque de professionnalisme. D'où ce paradoxe qui n'est qu'apparent : elle perd un point d’opinions favorables, le glissement non significatif venant probablement d'une opposition décontenancée .

Peut-on parler de fracture entre le peuple et les élites médiatiques et politiques ?

Jérôme Fourquet : Oui, les enquêtes que l'on réalise régulièrement confirment toutes ce constat. Pour Paris-match nous sondons une fois par mois les conversations qui ont animé les Français. On constate de manière régulière que tous les sujets qui ont trait à la vie politique partisane arrivent toujours en bas de tableau. La vie parlementaire fait partie de la vie politique partisane qui n'intéresse guère les Français. Par ailleurs, la question sur laquelle Madame Taubira s'est illustrée est celle du mariage homosexuel. Toutes les enquêtes ont montré que cette préoccupation n'était absolument pas la priorité des Français.

Francis Balle : La fracture est davantage entre les militants et les électeurs , entre ces derniers et ceux qui prétendent les représenter qu'entre le peuple et les élites médiatico-politiques . La crise est celle des partis qui ne parviennet plus à  remplir leur rôle de médiateurs ou d'intermédiaires . D'où cette campagne anti-UMP du PS qui rêve, au fond , de n'avoir qu'un seul opposant et de faire croire qu'il n'y a de débat qu'entre ces deux partis, en crise de leadership et d'idées, aux yeux de l'opinion, l'un comme l'autre

Christiane Taubira est une personnalité « clivante » : 88% des sympathisants de gauche disent avoir changé d'avis "en bien" à son propos, à l'inverse 62% des sympathisants de droite disent avoir changé d'avis "en mal" à son égard. Pourquoi divise-t-elle autant ?  

Jérôme Fourquet : Les sujets sur lesquels Christiane Taubira avait mis l'accent  durant sa campagne présidentielle de 2002 étaient assez "clivantes" : l'esclavage, la banlieue, la diversité... Par ailleurs, les missions, qui lui ont été assignées par François Hollande, l'obligent à se positionner sur des questions sur lesquelles le clivage droite/gauche fonctionne à plein.

Enfin, elle a été très vite visée par les "snipers" de l'UMP qui ont fait de la Garde des Sceaux l'incarnation de la gauche laxiste et permissive. C'est déjà sur ces sujets que Nicolas Sarkozy avait clivé et imposé sa marque avant 2007. Enfin, Christiane Taubira est une femme pugnace qui n'a pas peur de l’affrontement politique. Les parlementaires et les électeurs de gauche reconnaissent en elle une porte drapeau énergique et efficace. A l'inverse, les parlementaires et les électeurs de droite la perçoivent comme l'incarnation d'une idéologie de gauche qu'ils combattent.

Francis Balle : La gauche, globalement, a été rassurée par le combat parlementaire mené par Mme Taubira, alors que la droite la perçoit désormais comme une adversaire plus redoutable qu'elle l'imaginait, d'où l'augmentation d'opinions dites " en mal " ! Rien d'étonnant !

A l’inverse Manuel Valls continue de culminer en tête des sondages à plus de 71 d'opinions positives. Comment expliquez-vous de succès ? N’est-ce pas paradoxale que le ministre le plus à droite du gouvernement soit aussi le plus populaire ?

Jérôme Fourquet : Manuel Valls,en tant que ministre de l'Intérieur, est responsable de sujets qui préoccupent davantage les Français : la délinquance et la lutte contre l'insécurité. Par ailleurs, il bénéficie du soutien d'une partie de l'électorat de droite ce qui explique sa forte cote de popularité. Enfin, Christiane Taubira n'a pas une visibilité médiatique  aussi forte que Manuel Valls.

Francis Balle : Valls répond à une attente de sécurité encore déçue par bon nombre de nos concitoyens . Son langage de fermeté témoigne, à leurs yeux, de sa détermination, dont il fait état à chaque occasion qui se présente à lui . Ce n'est pas, comme il le dit lui même, une question de droite ou de gauche / la sécurité est la première des libertés, comme il le rappelle : l'angélisme dont on taxe la " gauche " est réduit au silence . Si les résultats d sa politique ne sont pas au rendez-vous, il ne manquera pas de refaire surface dans les discours de tous, ce qui atteindra la crédibilité dont il jouits aujourd'hui.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !