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Syrie : pourquoi l’intervention russe a (une nouvelle fois) changé la nature du conflit
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Grand frère russe

Mal en point il n'y a pas si longtemps face à l'Etat Islamique et les autres groupes rebelles, Bachar el-Assad a bénéficié de l'intervention de la Russie pour changer la donne. Un soutien salvateur qui pourrait bien avoir également changé l'interprétation faite de ce conflit.

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Les récentes avancées des forces pro-Assad dans la région d'Alep, grâce aux frappes russes, pourraient, sinon terminer la guerre qui ravage la Syrie, du moins en changer une fois encore la nature. Depuis qu’il a commencé, cet affrontement, le plus meurtrier du XXIe siècle (entre 250 et 400 000 morts), peut en effet se lire de plusieurs manières. Une lecture qui ne cesse de changer selon les évènements de la guerre et, surtout, les visions idéologiques de chaque acteur.

En 2011, quand les manifestations contre le régime de Bachar el-Assad sont violemment réprimées par "l’Etat de barbarie" (selon le célèbre ouvrage de Michel Seurat, otage français enlevé par le Hezbollah et mort en détention en 1986), provoquant la militarisation de l’opposition, beaucoup d’analystes voient dans les premiers combats un nouvel épisode du "printemps arabe". Comme la France de Nicolas Sarkozy en Libye, l’Occident veut aider le peuple syrien à renverser un dictateur.

Au même moment, à l'extrême-droite comme dans la gauche radicale, on oppose à cette vision libérale une lecture marxiste. Face aux forces de la réaction (riches monarchies du Golfe, "entité sioniste") soutenant les rebelles, il faut au contraire appuyer le régime de Damas, pays nationaliste arabe, appartenant au camp "progressiste" pendant la guerre froide et pivot de "l'axe de la résistance", ces Etats (Iran, Syrie donc) et groupes affiliés (Hezbollah, Hamas) qui s’opposent à Israël et aux Occidentaux.

En 2013, le refus des États-Unis d'intervenir contre Damas, après l'usage d'armes chimiques contre les rebelles, est un tournant majeur. Sans soutien occidental, les groupes "modérés" de la rébellion le cèdent aux factions djihadistes (Front al Nosra, Etat islamique). Le conflit semble alors prendre un tour culturel et religieux, opposant, dans cette lecture, sunnites extrémistes et groupes minoritaires (chiites, alaouites, chrétiens). Les Occidentaux, qui lancent des frappes aériennes contre l’EI, semblent adhérer à cette vision inspirée de Samuel Huntington.

L'intervention russe, en 2015, change une nouvelle fois la nature du conflit. En ciblant les groupes rebelles soutenus par les Occidentaux et leurs alliés régionaux (Arabie saoudite, Turquie), la Russie impose sa vision classique et réaliste des relations internationales, celle d'un affrontement de puissances étatiques où le plus fort a le dernier mot.

Cette intervention est-elle le game changer qui, non seulement mettra fin à la guerre en détruisant la rébellion, mais terminera le cycle des interprétations du conflit ? C'est une vraie possibilité, au vu de la dynamique militaire russe et du désengagement des États- Unis, qui craignent avant tout un choc avec Moscou.

Toutefois, dans ce monde hobbesien de la rivalité des Etats, les acteurs régionaux ont une marge de manœuvre. L’intervention directe, dans le conflit syrien, de troupes turques ou saoudiennes, ou encore la livraison d’armes anti-aériennes à une rébellion qui changerait de tactique pour se rapprocher d'une guérilla, sur le modèle de l’Afghanistan des années 1980, pourraient prolonger le conflit.

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