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Sylvie Goulard, commissaire française à Bruxelles ou commissaire européenne ?
©JOEL SAGET / AFP

Bonne candidate ?

Emmanuel Macron a choisi Sylvie Goulard pour devenir la prochaine commissaire européenne venue de l'Hexagone. Son implication dans une affaire d'emplois fictifs présumés au Parlement européen a finalement été close. Elle pourrait avoir à s'expliquer sur son activité pour un think tank américain.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Guillaume  Labbez

Guillaume Labbez

Guillaume Labbez, après avoir été conseiller ministériel préside l’agence de conseil en conseil en communication et analyse politique CommStrat.fr . Il est également Maître de Conférences et directeur pédagogique à Sciences Po

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Atlantico.fr : Sylvie Goulard vous semble-t-elle la bonne candidate pour créer un contre-poids à la présidence allemande ?

Guillaume Labbez : Germanophile, Sylvie Goulard, parle parfaitement Allemand et a des relations étroites avec ce pays. C’est elle qui, durant la campagne présidentielle de 2017 en ouvrant son carnet d’adresse à Emmanuel Macron, a organisé sa rencontre avec la Chancelière Angela Merkel. De plus, lors de son passage éclair au Ministère des armées son homologue allemand n’était autre que Ursula Von der Leyen. Les deux femmes se connaissent donc, et pourraient former une alliance intéressante avec un travail de concert facilité. Sylvie Goulard, parfaitement en ligne avec les aspirations du président français sur les questions européennes, pourrait ainsi jouer un rôle intéressant dans une Europe en mouvement et où le couple franco-allemand semble une nouvelle fois se réinventer.

Les Arvernes : Elle n'est absolument pas la bonne candidate pour créer un contre-poids à la présidence allemande mais il n'est pas non plus question de faire contre-poids à l'Allemagne. En effet, Emmanuel Macron ayant mis le couple franco-allemand au centre de la présidence européenne, nul n'a l'intention de faire contre-poids. 

Si la volonté française était de faire contre-poids à l'Allemagne, il faudrait commencer par réformer l'économie française. La puissance de l'Allemagne au  sein de l'Union Européenne tient avant tout de la faiblesse française en matière d'économie. En outre, depuis une trentaine d'années la France souffre d'une incapacité chronique à réformer son économie, or Emmanuel Macron n'a rien fait pour mettre un terme à cette situation.

D'autre part, si on s'attache uniquement aux individus : Sylvie Goulard est l'une des représentantes les plus évidentes du courant de la germanophilie en France. Selon elle, l'Allemagne est un pays formidable, les allemands un peuple formidable. Plus on s'approche du modèle allemand, mieux l'on se porte.

Ainsi, et pour ces trois raisons, Sylvie Goulard est tout sauf la bonne candidate pour faire contre-poids à l'Allemagne au sein de l'Union Européenne.

Sylvie Goulard a du démissionner du Ministère des Armées en raison de soupçons dans l’affaire des assistants parlementaires du Parlement Européen, cela pourrait-il être un obstacle à sa nomination ?

Guillaume Labbez : On ne lui a pas demandé de démissionner, elle l’a fait parce qu’elle pensait profondément qu’il fallait faire preuve d’exemplarité et ne pas entraîner le Gouvernement dans une kabbale médiatique qui aurait pu alors naître. Par cette démission, elle a forcé François Bayrou et Marielle de Sarnez à la suivre, ce qui lui vaut encore des inimités dans le Modem. L’enquête n’est pas terminée, mais cela fait maintenant plus de deux ans, et elle n’a plus été inquiétée depuis. Cependant, il est vrai que les députés européens sont traditionnellement plus regardant sur la question qu’on ne l’est en France. De plus, le choix d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission a été validée à une courte majorité, ce qui pourrait amener le Parlement européen à exercer son droit de veto sur certaines commissaires pour réaffirmer son pouvoir.

Les Arvernes : L'affaire des assistants parlementaires du Parlement européen pourrait être un obstacle à la nomination de Mme Goulard, mais pas nécessairement de la façon dont vous l'entendez. Ce qui est certain c'est que le Parlement européen a pour habitude de retoquer certains candidats à la fonction de commissaire, c'est systématique. Or, à  l'heure actuelle le Parlement est plus divisé que jamais, plus instable que jamais à la suite de la nomination d'Ursula von der Leyen à la présidence de la commission.  De ce fait, et dans la mesure où il pourrait s'avérer plus furieux que d'habitude, pour s'assurer que la nomination du candidat soit acceptée, il faudrait que celui-ci soit exemplaire. Or, Sylvie Goulard selon les standards du Parlement européen n'est pas exemplaire. En outre, beaucoup de pays d'Europe du Nord n'ont pas le même rapport à l’honnêteté que la France et par conséquent, l'affaire des assistants parlementaires, pourrait être un prétexte pour retoquer sa candidature. De plus, l'ancienne ministre n'a pas démissionné que pour cette seule affaire. Le fait qu'elle ait touché de l'argent d'un think tank américain assez obscure jette également un doute sur la réalité de son engagement européen. Ses liens avec les Etats-Unis peuvent semer le doute.

Elle est également accusée d’avoir été rémunérée par un think tank américain durant son mandat de parlementaire européen, comment cela sera-t-il perçu ?

Guillaume Labbez : Il faut d’abord rappeler que cela n’a rien d’illégal, et que toutes les sommes ont été déclarées en toute transparence. Il faut bien comprendre que les usages du Parlement européen sont différents des nôtres. Les institutions européennes ont fait le jeu de la transparence bien plus tôt que nous, neutralisant de nombreuses paranoïas. Cette transparence a permis de lever beaucoup de tabous, là où la France est dans l’ère du soupçons. Les ménages, conférences rémunérées et notes d’analyses sont des pratiques courantes au Parlement européen, cette « affaire » a été sortie dans le seul but de la déstabiliser. Sylvie Goulard a été rémunéré par un think tank financé par un milliardaire américain certes, mais pour sa collaboration dans un groupe de travail sur l’Europe, constitué uniquement de personnalités européennes, parmi lesquels : Gerhard Schröder, Tony Blair, Romano Prodi, Guy Verhofstadt, Jean Pisani-Ferry, mais aussi Pascal Lamy et Jacques Delors. L’Institut Berggruen est un think tank américain mais profondément pro-européen qui voit l’Europe comme un partenaire, une sœur, contrairement à l’Amérique de Donald Trump. 

Alors, si Sylvie Goulard réussi à dépasser ces obstacles et à être approuvée par le Parlement européen, pourrait-elle avoir accès à un portefeuille puissant ? 

Guillaume Labbez : Sylvie Goulard a accumulé au cours de sa carrière une grande expertise dans les dossiers économique et financier, notamment sur les questions de gouvernance de la zone euro et des services financiers, tant au niveau national comme communautaire. Cette pro-business, aux compétences techniques reconnues dans le milieu bruxellois et connaissant tous les rouages européens, pourrait s’aligner parfaitement avec les aspirations françaises de se voir attribuer à un portefeuille d’actions large sur des thématiques phares. Nombreux sont ceux voyant se dessiner les contours d’un portefeuille alliant les thèmes de réforme économique, de politique industrielle et de concurrence. La France souhait clairement jouer un rôle sur ces dossiers, et Sylvie Goulard pourrait être la clé de voûte essentielle lors des négociations au niveau européen, qui s’annoncent intenses.

Les Arvernes : Elle pourrait avoir accès à un portefeuille puissant mais c'est peu probable. Effectivement, les portefeuilles les plus importants à la commission soit ceux du commerce et de la concurrence, or dans la mesure où un candidat français a déjà hérité de la présidence de la Banque centrale européenne, il est peu probable que le Parlement européenne donne à la France un autre portefeuille économique important. De plus, ces portefeuilles sont généralement donnés à des commissaires qui étaient déjà en poste, ce qui n'est pas son cas. Si il y a parfois des exception, il est néanmoins bien plus probable qu'elle hérite d'un portefeuille d'importance moyenne. 

Enfin, si sa nomination est confirmée, Mme Goulard sera-t-elle un bon commissaire pour la France ? 

Les Arvernes : Jusqu'alors Emmanuel Macron avait déclaré à plusieurs reprises souhaiter que la France donne l'exemple et, ainsi, ne nomme pas de commissaire européen. De là-même on voit bien qu'il n'adhère pas à l'idée selon laquelle un commissaire est aussi un représentant de la France à l'Union européenne. La nomination de Mme Goulard intervient donc dans cette optique : c'est l'une des rares personnes en France à être réellement fédéraliste et qui estime que la France à vocation à se dissoudre dans l'Europe. Par conséquent, penser qu'elle pourrait envisager son mandat comme l'occasion de défendre son pays est une ineptie. Ce qui l'importe, c'est l'Union européenne. 

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