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Surprise, la principale diaspora d'Afrique sub-saharienne en France est désormais…
©PAU BARRENA / AFP

Nouveaux arrivants

Les statistiques de l'INSEE montre qu'une population en particulier est de plus en plus présente parmi les migrants s'installant en France.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico : Suite à la publication par l'INSEE des statistiques d'immigration, quels sont les enseignements  à tirer de l'évolution des chiffres concernant les personnes en provenance d'Afrique sub-saharienne ? Quelles sont les évolutions relatives aux principales nationalités représentées ?

Laurent Chalard : Parmi les près de 6 millions d’immigrés recensés en France métropolitaine en 2015, un chiffre en progression de 14,2 % depuis 2008, les immigrés originaires d’un pays d’Afrique subsaharienne (les données comprennent aussi les libyens et les égyptiens aux faibles effectifs) représentent 873 000 personnes, soit 14,6 % de l’ensemble de la population immigrée, un chiffre en augmentation sensible depuis 2008, leur croissance étant de 33,1 %, apparaissant bien plus élevée que la moyenne. L’immigration provenant d’Afrique Noire s’est donc poursuivie à un rythme soutenu au début de la décennie 2010 du fait d’un double processus : d’un côté, des arrivées importantes dans le cadre du regroupement familial, de l’autre, des arrivées de réfugiés liées aux nombreux conflits armés et régimes autoritaires qui sévissent sur le continent.

Concernant l’origine des immigrés, elle se caractérise par sa diversité, puisqu’il n’existe pas réellement une communauté numériquement dominante de manière écrasante. Chose qui peut apparaître surprenante au premier abord pour le profane, la principale communauté est constituée par les congolais, originaires du Congo Brazzaville et de la République Démocratique du Congo (RDC), dont les effectifs atteignent 142 000 personnes en 2015, une hausse à peu près identique à la moyenne (de + 34%), mais la plus importante en volume (+ 36 000 personnes), qui s’explique principalement par les flux croissants en provenance de RDC. Aucune autre communauté ne dépasse les 100 000 immigrés, les principales correspondant aux sénégalais, aux ivoiriens, aux camerounais et aux maliens. Il est à noter que la plus forte croissance en pourcentage concerne les guinéens, dont les effectifs ont crû de 62 % en 7 ans. En effet, une partie de la population fuit le régime autoritaire d’Alpha Condé.

Quelles sont les données permettant de faire un état des lieux de la répartition sur le territoire de cette immigration en provenance de la RDC et du Congo Brazzaville ?

Les données concernant la répartition géographique des communautés immigrées en France Métropolitaine sont, en règle générale, difficiles à obtenir en libre accès en-dehors des grandes communautés que sont les algériens, les marocains ou les portugais. Cependant, l’Insee inclut désormais dans ses données annuelles sur les naissances par département une catégorie « naissances congolaises », regroupant les nouveaux nés dont le père possède la nationalité du Congo Brazzaville ou de la RDC. Si cela ne nous renseigne pas sur le volume exact de la communauté, par contre, c’est un excellent indicateur de sa répartition géographique sur le territoire national.

Sans surprise, comme pour les autres communautés étrangères originaires d’Afrique subsaharienne, les naissances congolaises en 2015 sont surreprésentées en Ile de France, qui concentre à elle seule 55 % du total national des naissances congolaises, soit 2912. En effet, la majorité des immigrés arrivent en avion et s’installent dans une métropole parisienne, qui abrite la plus grande diaspora africaine du continent et dans laquelle des membres de leur communauté sont déjà installés depuis plusieurs décennies. Au sein de la région, ce sont les départements de l’Essonne (dont Grigny), avec 3,1 % de naissances congolaises dans le total départemental, et de la Seine-et-Marne (dont Meaux et les villes nouvelles de Sénart et Marne la Vallée), qui abritent les plus fortes communautés. En effet, l’immigration congolaise étant récente, elle est moins présente dans le parc de logement social de Proche Couronne (la Seine-Saint-Denis n’arrive qu’en cinquième position), déjà occupé par d’autres communautés plus anciennement installées sur le territoire hexagonal. En outre, les congolais étant chrétiens, ils ont un moindre tropisme que, par exemple, les sénégalais vers les quartiers où les populations musulmanes sont importantes. 

En-dehors de la région Ile de France, seuls sept départements comptabilisent au moins 1 % de naissances congolaises dans le total de leurs naissances. Leur localisation géographique est particulièrement intéressante car ils sont tous, à l’exception d’un, situés dans le Bassin Parisien en périphérie de l’Ile de France, montrant le processus de diffusion, en règle générale suivant les voies de chemin de fer, à partir du centre récepteur majeur. Les départements concernés sont le Loiret (Orléans, qui compte probablement relativement la plus importante communauté de subsahariens hors Ile de France), l’Oise (Creil), l’Aube (agglomération de Troyes), l’Eure (Evreux), la Sarthe (Le Mans) et l’Indre-et-Loire (Tours). Ailleurs en France, la seule communauté notable se situe dans le département du Rhône, assez logiquement, Lyon étant la deuxième métropole du pays, avec une population concentrée à Villeurbanne. Par contre, les congolais sont très peu présents dans le Sud de la France (ils représentent 0,05 % des naissances dans les Bouches-du-Rhône !), régions les plus éloignées du pôle récepteur majeur, qu’est la capitale.

Faut-il s'attendre à une intensification de ces flux avec la RDC et le Congo Brazzaville ? 

Il est bien évidemment impossible de projeter l’évolution des flux congolais vers la France, ceux-ci étant dépendants de plusieurs facteurs : démographique (une croissance plus ou moins soutenue de la population), économique (une croissance plus ou moins importante de l’économie locale), environnemental (une bonne ou une mauvaise gestion des ressources naturelles) et politique (une plus ou moins grande stabilité politique). Jusqu’ici, ce dernier facteur a joué le rôle le plus important dans la migration congolaise vers la France, contribuant à un flux important de réfugiés originaires des deux pays du fait de leur instabilité chronique et de leurs régimes autoritaires, n’offrant guère de perspectives d’avenir pour les populations les plus éduquées, les seules ayant les moyens d’envisager une migration au long cours (rappelons que les deux Congo se situent très loin des côtes méditerranéennes d’Afrique du Nord, ce qui rend compliqué la migration clandestine à travers le continent). 

Quoi qu’il en soit, à court terme, les flux devraient se poursuivre au moins à un rythme identique, étant donné la situation politique précaire, en particulier en RDC (quid de l’après Kabila ?, quid de la guerre civile perpétuelle dans l’est du pays ?), et le niveau du PIB par habitant, qui reste en RDC parmi les dix plus faibles de la planète selon le FMI et la Banque Mondiale, occupant la peu glorieuse dernière place parmi les Etats comptant plus de 50 millions d’habitants. Si, traditionnellement, la Belgique était la terre d’accueil des immigrés de son ancienne principale colonie, ces dernières années, la France la concurrence de plus en plus, son caractère francophone et la présence d’une vaste diaspora d’Afrique Noire la rendant particulièrement attractive. 

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