Suppression du Pass contraception par Valérie Pécresse en Île-de-France : comment le désintérêt des jeunes pour le dispositif démontre la nécessité d’une autre approche<!-- --> | Atlantico.fr
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Valérie Pécresse a décidé de supprimer le Pass contraception instauré en Île-de-France depuis 2011.
Valérie Pécresse a décidé de supprimer le Pass contraception instauré en Île-de-France depuis 2011.
©Flickr/Gnarls Monkey

Polémique féministe

Valérie Pécresse a décidé de supprimer le Pass contraception instauré en Île-de-France depuis 2011. Cette décision a créé une vive polémique avec Najat Vallaud-Belkacem, ainsi qu'avec des féministes. Il semblerait pourtant qu'il s'agisse d'une mesure sans grand effet, les pass n'étant plus utilisés par les lycéennes.

Thérèse Hargot

Thérèse Hargot

Thérès Hargot est une philosophe et sexologue qui intervient dans les milieux scolaires depuis une dizaine d'année. Elle a publié en 2016 aux éditions Albin Michel "Une jeunesse sexuellement libérée (ou presque)".

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Atlantico : Valérie Pécresse a décidé de supprimer le Pass contraception en Île-de-France, estimant qu'il était "un échec". Que pensez-vous de cette décision ?

Thérèse Hargot :Je pense que c'est une bonne chose, car ce n'est pas en banalisant l'accès à la contraception qu'on réussira à réduire le nombre de grossesse non désirées, mais c'est en responsabilisant les jeunes filles et les jeunes garçons. Le pass contraception permettait un accès gratuit et libre à la contraception et la facilitait ainsi. 

Il faut responsabiliser d'autant plus que la contraception hormonale n'est pas un produit anodin, mais c'est un produit pharmaceutique prescrit par le médecin. Cela demande donc comme tout médicament de faire preuve d'une certaine vigilance et d'avoir un certain suivi. Il y a eu une prise de conscience que ce geste n'était pas anodin à la suite de drames cardio-vasculaires liés à la prise de contraceptif hormonal. A partir du moment où nous prenons conscience que ce n'est pas un produit comme un autre, nous devons faire attention à ce qu'il y ait un bon suivi médical. C'est-à-dire que les médecins doivent connaître les antécédents médicaux des jeunes filles. 

La question de l'âge est également importante. Ce pass contraception était à destination des mineures, ce qui est paradoxal, puisqu'à l'école la moindre prescription médicale demande l'autorisation des parents. Or, la pilule contraceptive et la pilule du lendemain sont délivrées gratuitement sans autorisation des parents, ni suivi de la jeune fille. Nous faisons preuve de peu de vigilance pour des raisons idéologiques. La maîtrise de la fécondité me semble important, même essentielle, mais le moyen demande une très grande responsabilité. Ce que je pense, c'est que nous devrions investir cet argent dans l'éducation, afin de vraiment former les garçons et les filles – j'insiste sur le fait que les deux soient formés – sur ces questions d'éducation sexuelle, affective et relationnelle. Le discours ne doit pas être hygiéniste, mais doit inviter à comprendre la portée de ses actes. Nous gagnerons ainsi en efficacité. Une fille qui prend le temps de discuter avec ses parents et son médecin et de réfléchir va savoir mieux utiliser la pilule.  

Valérie Pécresse a-t-elle raison de souligner que le coût budgété (20 000 euros) était trop élevé par rapport au faible taux d'utilisation du Pass contraception, sachant que seuls 2 000 pass ont été distribués au total dans la région ?

Il faudrait prendre le temps de réfléchir pourquoi si peu de jeunes filles ont utilisé ce pass. Cela signifie que cette proposition ne rencontrait pas une certaine demande. Est-ce que le besoin des jeunes filles est d'avoir accès à la contraception avec un accès totalement libre ? Ou est-ce qu'elles aspirent à autre chose ? Je pense que c'est une mauvaise réponse à un vrai besoin des jeunes aujourd'hui. Il ne faudrait pas passer à côté de cette question de santé publique et d'éducation, pour des enjeux économiques. Il faut garder cet argent, mais pour l'investir autrement. Le Pass' contraception était un mauvais moyen de répondre à un vrai besoin. Aujourd'hui nous avons besoin de moyens afin de faire de la prévention et de l'éducation à la santé et à la sexualité. La plupart des gens n'ont pas ces cours d'éducation sexuelle, qui se résument au mieux à "utiliser la pilule et le préservatif". 

Là où je pense que Valérie Pécresse a tort, c'est quand elle sacrifie ces budgets-là, qui devraient être réutilisés dans l'éducation.

Cette suppression a provoqué l'indignation de Najat Vallaud-Belkacem, de l'association Osez le féminisme et de la coordinatrice nationale du planning familial Veronica Noseda. Leurs attaques contre Valérie Pécresse ne sont-elles pas plus idéologiques que pragmatiques, alors que  la région Île-de-France prévoit 300 000 euros en 2016 pour la campagne "prévention contraception IVG grossesses précoces" dans les lycées ?

Ce sont des féministes qui ont pour emblème de leur combat la pilule contraceptive. Donc dès que nous allons toucher à la pilule contraceptive, il y aura une levée de bouclier. Mais ce féminisme-là est complètement aveugle et ne voit pas que la pilule contraceptive n'est pas toujours au service des femmes. Elle peut également poser un problème de santé. Et sur cette question, elles sont complètement muettes, car pour elles, historiquement c'est ce qui a conduit à la libération sexuelle des femmes. Elles doivent ouvrir leurs yeux et voir que la pilule hormonale est dépassée et qu'il faut trouver d'autres manières de maîtriser la fécondité. Nous sommes dans une nouvelle génération où il y a une défiance par rapport au médicament, qui est plus écologique et qui entend revenir à des moyens plus naturels. Cette génération n'est plus prête non plus à sacrifier sa santé sur l'autel de l'efficacité technique et scientifique. Je pense au fait que la contraception hormonale a des effets sur la libido des femmes et leur cycle menstruel. Les jeunes femmes sont moins disposées comme leurs grand-mères à sacrifier cette disposition du corps à l'acte sexuel au profit de l'efficacité. Ce combat est d'arrière-garde, même si la lutte pour maîtriser la fécondité sexuelle reste. Le moyen n'est pas le bon. 

Il y a un lien entre la contraception hormonale et l'avortement, qui s'élève à 230 000 par an. Ce nombre-là reste stable alors que nous sommes censés avoir des moyens de contraceptions très efficaces. Parmi les femmes qui ont eu recours à l'avortement, trois sur quatre utilisaient un moyen de contraception. Nous devons nous demander pourquoi ces femmes ont eu autant de mal à utiliser leur moyen de contraception fiable à pratiquement 100%. Voilà pourquoi je propose de changer de stratégie.

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