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Steve Jobs : 
shaman de la technologie 
dans un monde d’ingénieurs
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Icone pop

Victime d'un cancer du pancréas, le fondateur d'Apple est mort à 56 ans, dans la nuit de mercredi à jeudi. Il laisse derrière lui une nouvelle façon de concevoir la technologie.

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet est chercheur au Centre d’Etudes sur l’Actuel et le Quotidien (Université Paris V René Descartes). Il est docteur en Sociologie. Sa thèse s’intitule : "L’esprit du jeu dans les sociétés post-modernes. Anomies et socialités : Bovarysme, mémoire et aventure." Il a également collaboré à l’ouvrage dirigé par Michel Maffesoli et Brice Perrier : L’homme postmoderne.

Ses thématiques de recherche sont : le jeu, le risque, la morale, les nouvelles technologies, la science fiction et la bande dessinée.

Il est membre de la rédaction des Cahiers Européens de l’Imaginaire et l’un des trois fondateurs de La Tête qui manque.

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Nous avons appris la mort de Steve Jobs ce jeudi au petit matin. Sidération ! Les premières réactions que j’ai entendues étaient : « Mais qu’allons nous faire maintenant ? » Une chose est certaine, Jobs a marqué le début du XXIe siècle comme ont pu le faire Thomas Edison ou Graham Bell.

Mais au-delà de ces figures de la modernité, Steve Jobs a su imposer une forme de techno-magie dans un monde d’ingénieurs.

Steve Jobs : réenchanteur du monde par la technologie

La modernité a été caractérisée par une technologie bâton de pouvoir. Chaque outil était l’expression d’une volonté de maîtrise et de domination du monde, souvenons nous du maitre et possesseur de la nature cartésien. Cette technicisation a amené une forme de désenchantement du monde.

Mais on voit aujourd’hui les idéaux de progrès et de raison arriver à saturation et laisser leur place à une forme de réenchantement du monde par la technologie. Steve Jobs en est certainement l’un des précurseurs, l’un de ceux qui ont senti les turbulences générées par l’air du temps.

Prophète, il l’aura été d’une certaine façon, il a parlé devant, à l’avant de l’époque. Mais c’est surtout en tant que shaman technologique qu’il laissera sa trace dans l’histoire des techniques.

Objets totem, objets magiques…

La grande innovation d’Apple est d’avoir remis au premier plan les gestes anodins au cœur de la technologie. Il ne s’agit plus de fournir une solution technologique indépendante des usages auxquels elle doit répondre. L’affordance, c’est-à-dire la capacité d’un objet technique à suggérer par lui-même son usage, a été au centre des créations de Steve Jobs (I-phone, I-pad, etc.). Dès lors, l’objet technique n’est plus un simple exosquelette qui viendrait suppléer une défaillance biologique, mais bien un objet en continuité avec les imaginaires, les gestes et les corps des utilisateurs.

L’objet technique redevient objet totem, objet magique. Il est, à ce propos, frappant de voir l’aspect même de l’iphone ou de l’ipad qui font cruellement penser au monolithe tombé du ciel de 2001 l’odyssée de l’espace, ou à la légende de Narcisse se perdant dans son propre reflet.

La technique, après Steve Jobs, n’est plus ce qui découpe et ce qui transforme le monde, mais bien ce qui nous met en relation avec lui. Comme l’a écrit le sociologue Stéphane Hugon, il y a retour d’une forme de naturalité et de réenchantement par la technique dans le cadre d’une mise en avant d’un design relationnel.

Steve Jobs is not dead

Enfin, Steve Jobs rejoint très certainement ces figures mythiques et pop qui ont marqué les dernières décennies : Elvis pour le Rock’n’roll, Jim Morrison pour le rock psychédélique, Michael Jackson pour la pop et maintenant Steve Jobs pour les technologies grand public qui ont connu avec lui l’esprit du rock.

Attendons nous donc à voir émerger, de-ci de-là, des théories abracadabrantesques, mais qui marquent bien le réenchantement du monde qui est à l’œuvre. Théories où Steve Jobs ne serait pas mort, mais vivrait sur une île avec ses pairs archétypaux qui ont marqué nos imaginaires. Steve Jobs is not dead. Il y a désormais un avant et un après Steve Jobs.

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