SOS LR en coma avancé : y-a-t-il encore un vague pilote pour sauver l’avion de la droite ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Candidat à sa succession dans la 1re circonscription du Lot, l'ex-numéro 2 de LR annonce ce mercredi qu'il quitte Les Républicains et relance son micro-parti Du courage.
Candidat à sa succession dans la 1re circonscription du Lot, l'ex-numéro 2 de LR annonce ce mercredi qu'il quitte Les Républicains et relance son micro-parti Du courage.
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Mort cérébrale

Avec le départ d’Aurélien Pradié, affirmant que LR était mort, l’alliance Ciotti-RN et la grande absence des leaders du parti dans la campagne nationale des législatives, quel destin le parti de la droite républicaine peut-il s’imaginer ?

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Pensez-vous qu'il reste une figure capable de redresser et de guider la droite vers un renouveau politique ? Quelle analyse faites-vous de la grande absence des leaders emblématiques de la droite lors de la campagne nationale des législatives et de ses conséquences sur la visibilité et l'influence de ce courant politique ? 

Jean Petaux : La droite républicaine, issue de la tradition gaullo-pompidolo-chiraco-sarkoziste a disparu des écrans radars de la politique en plusieurs étapes. Il serait fastidieux d’en décrire la lente agonie depuis 2012 et la défaite de Nicolas Sarkozy pour un second mandat présidentiel. Elle a accumulé les erreurs tout à la fois de casting, d’idéologie, de programme et d’alliances. Comme elle n’a pas su arbitrer entre ses différentes écuries, imitant, bêtement, le PS et la pratique malsaine (et inappropriées au système politique français) des « primaires » plus ou moins « ouvertes » pour choisir son candidat à l’automne 2016 (on se souvient de ce qu’il advient d’Alain Juppé battu par une personnalité dont on a découvert les failles et les fractures en pleine campagne « officielle »), elle s’est trouvée littéralement « empêchée », recherchant vainement un « chef introuvable » dans la longue tradition bonapartiste qui a toujours été la sienne (cf. René Rémond, « Les Droites en France »).

La droite républicaine s’est encore enfoncée dans le marasme en désignant la présidente de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse, comme candidate pour défendre ses couleurs en mars-avril 2022.  Littéralement « flinguée » par ses propres amis politiques, elle n’a même pas franchi la barre symbolique des 5% des suffrages exprimés. Seule la maire de Paris, la socialiste Anne Hidalgo, a fait pire… Il faut dire qu’en matière de coups bas de ses propres amis politiques, elle a eu son lot aussi.

Lorsque Laurent Wauquiez a pris le contrôle de LR, d’aucun ont pu penser que le « chef » avait été « retrouvé ».  Très vite il a fallu constater que ce mécanisme (l’élection au suffrage direct des adhérents dans une sorte de compétition interne ouverte) a montré les limites de cet exercice : pouvoir personnel, appropriation de l’appareil par un clan, etc. Jusqu’à la chute finale de Wauquiez (accompagnée de quelques jolies « sorties de routes ») consécutive, déjà, à une déroute électorale aux Européennes. Le dernier clou sur le cercueil a été l’élection à la tête de LR d’un personnage falot, frisant régulièrement le ridicule, d’un niveau capacitaire très faible, permanent et professionnel de la politique, obsédé par les Alpes-Maritimes dont il n’aurait jamais dû sortir : Eric Ciotti… On a vu récemment le résultat : du comique de boulevard interprété par le Schtroumpf-à-lunettes…

LR compte plusieurs dirigeants de grandes régions : Valérie Pécresse à la tête de la région Ile-de-France (plus grand PIB des régions en Europe), Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhône-Alpes), Xavier Bertrand (Haut-de-France). Ces « grands élus » (on pourrait presque dire ces « ces grands féodaux ») ne pèsent rien dans un système politique centralisé, parisien. « Premiers » dans leurs fiefs régionaux et dotés d’une puissance d’action publique désormais importante, ils ne sont pas capables de passer à l’échelon national. Cela tient tout à la fois au système politique français, encore plus « plombé » par l’interdiction du cumul des mandats aujourd’hui qu’hier qu’à une recentralisation culturo-médiatique de la scène politique.

LR est un parti en état de mort cérébral. Et, je viens de le montrer, il n’en est pas seulement responsable. Il y a au moins une chose certaine, c’est que ses concurrents devenus ses potentiels « repreneurs », (j’entends ici le RN) n’ont pas à faire un gros chèque à la vente à la bougie des actifs du parti. Au plan des idées : il n’y en a plus, c’est donc « gratis » ; au plan du casting, il n’y a plus que des « seconds rôles » qui courent le cacheton derrière Madame Le Pen,  et au plan du programme, c’est un paquet de feuilles blanches. Au prix de la ramette, c’est donné…

Comment percevez-vous l'alliance envisagée par certains dirigeants de la droite avec le Rassemblement National  ? Cette stratégie peut-elle réellement revitaliser la droite ou risque-t-elle d'accentuer la fragmentation et la perte d'identité du courant ?

Elle est comparable à l’apparition de l’esclavage dans l’Antiquité grecque au VIIIème siècle avant JC et telle que l’analyse, fort intelligemment, le grand helléniste Jean-Pierre Vernant. Le paysan grec s’endettant de plus en plus en empruntant à des taux usuraires, hypothéquant ses biens, sa terre, sa maison, sa récolte, son cheptel, s’est mis de plus en plus sous la coupe de son prêteur. Au point de ne plus avoir autre chose à gager que sa propre force de travail, son propre corps et ceux de ses descendants. C’est ainsi que l’esclave a eu un statut « officiel ». Les faits sont là. La « ligne Ciotti » n'est pas celle des sympathisants LR ni même celle des adhérents (pour ce qu’il en reste… autrement dit guère plus de 30.000 en France, en comptant large). C’est une ligne personnelle et minoritaire. Les derniers sondages pointant les intentions de votes pour les candidats LR soutenus par le RN ne recueillent guère plus de 4% des voix aujourd’hui quand ceux qui se présentent avec l’étiquette LR-Canal historique, sont aux environs de 10% des SE. L’alliance qu’Eric Ciotti a passé avec le RN est l’antichambre de la « fusion-absorption » de la part du RN. Dans le meilleur des cas cette partie du LR aura le destin du Parti Radical de Gauche… Autrement dit : rien.

En quoi le départ de figures clés comme Aurélien Pradié a-t-il affecté la cohésion et la dynamique interne de la droite républicaine, selon vous ?

Dès 2022 il a été clair que l’ensemble des députés du groupe LR à l’Assemblée nationale était une juxtaposition d’auto-entrepreneurs. Des « gaullistes-ubérisés », chacun « à leur compte », mutualisant non pas des bicyclettes, des batteries électriques et des téléphones portables pour se connecter à la « plateforme Uber-légis » mais un agglomérat d’élus, la plupart d’ailleurs très sérieux, travailleurs, très bien élus « à l’arrache » en plus dans leur circonscription, mais totalement « indépendants » les uns des autres, déjà mithridatisés par la crise politique de 2017, par l’échec de leur candidat (Fillon) et le ralliement au nouveau président de la République de quelques « poids lourds » de leur parti : Le Maire, Darmanin et même Philippe et, de nouveau, renforcés dans leurs habits de « résilients », après la « gamelle » présidentielle de 2022.
Donc Aurélien Pradié ou Jacques Laplume ou Monique Lambert ? Peu importe… Pour qu’il y ait une dynamique internet de la droite républicaine, il eût fallu qu’il existât encore une droite républicaine…

Selon vous, quelles sont les perspectives pour les figures émergentes au sein de la droite de reprendre les rênes et de redéfinir une stratégie claire et cohérente pour l'avenir de ce courant politique ? 

Les mêmes que celles qui conduiraient à un succès d’un parti politique se réclamant de l’œuvre de Napoléon Bonaparte aux élections présidentielles de 2058 pour les 100 ans de la Cinquième république : aucune !!!

Comment analysez-vous les défis que doit relever la droite pour se repositionner sur l'échiquier politique français face aux départs successifs de membres influents vers des formations comme Renaissance ou Reconquête ?

 Comme relevant de deux jeux télévisés « historiques » : « La Tête et les Jambes », sauf que la « tête » est coupée et les jambes attachées…et « Les chiffres et les lettres » où le tirage voyelles-consonnes aurait donné : E.E.T.M.R.F.E.R.U… : « 9 lettres… ! », « Pas mieux » : « F.E.R.M.E.T.U.R.E ».

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