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Sommet des BRICS : la Chine tente de maintenir le groupe des nouvelles économies à flot
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Réunion au sommet

Les puissances émergentes et réémergentes connues sous le nom de BRICS se réunissent à Xiamen dans un contexte international tendu. Détail des enjeux de cette réunion au sommet hautement symbolique.

Michael Bret

Michael Bret

Michaël Bret est économiste, président de Partitus. Il a travaillé ces dernières années pour le Collège de France, l'Institute for Fiscal Studies de Londres, BNP Paribas à Hongkong, l'OCDE et AXA Investment Managers. Il enseigne à Sciences Po et à l’Inalco.

Son compte Twitter : https://twitter.com/m_bret

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Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Le 9e sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) ​débutera ce jour, 4 septembre, à Xiamen en Chine. Quels sont les enjeux de cette réunion ?

Cyrille Bret :Les puissances émergentes et réémergentes qui constituent le groupe informel des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se réunissent à Xiamen dans une conjoncture internationale tendue. Comme à l’accoutumée depuis le premier sommet du groupe, en 2009, le premier enjeu sera de réaliser un tour d’horizon géopolitique et géopolitique au plus haut niveau entre les chefs d’Etat sur les grands défis de la fin de 2017 : bien entendu la reprise de la croissance européenne, les tensions en Asie du Nord-est concernant la Corée du Nord, les tensions persistantes entre l’Inde et la Chine sur leurs frontières communes, la lutte contre le terrorisme. Outre ces échanges de vue du plus haut niveau, les sommets des BRICS ont pour ambition de faire entendre des voix alternatives à celles des Européens et des Etats-Unis dans les enceintes internationales : Conseil de sécurité des Nations-Unis, agences de l’ONU, FMI et Banque mondiale. Si le concept de BRICS est apparu en 2001 sous la plume d’un économiste pour désigner des économies ayant des caractéristiques communes, les Etats se sont emparés de l’acronyme pour essayer de le faire exister géopolitiquement. L’ambition de la Chine est, pour ce sommet, de montrer sa capacité à rassembler et à apaiser des acteurs de poids (23% du PIB mondial et 40% de la population) face à des Etats-Unis dont la ligne diplomatique est assez brouillonne. Ce sommet des BRICS est avant tout un symbole. Mais les symboles ne sont pas sans conséquence sur la vie internationale réelle...

Michaël Bret : Du point de vue chinois, l’enjeu principal du sommet est d’asseoir l’image de Xi Jinping comme leader géostratégique. C’est un objectif tant à l’international qu’interne : les dernières semaines ont été marquées par une poussée médiatique de louanges au Président chinois saluant le “tourbillon de charisme” qu’il a laissé derrière lui en sillonnant le monde depuis son entrée en fonctions il y a 4 ans. La montée en puissance de l’offensive médiatique est conçue pour culminer le mois prochain lors du Congrès du parti. Le sommet permet par exemple de souligner la détente obtenue avec New Delhi alors même que les efforts de Xi Jinping se concentrent sur la réalisation de la “nouvelle route de la soie”, une stratégie de renforcement des routes de communication terrestres et maritime entre Chine et zone Atlantique destinée justement à contourner l’Inde. Pour l’Inde, l’objectif sera justement de peser pour que ces projets ne se fassent pas au prix d’une mise à l’écart de l’Inde des routes commerciales. Pour le gouvernement brésilien en pleine tourmente sur le plan intérieur, ce sommet est une occasion de diversion pour redorer son blason et faire oublier un moment la litanies des scandales de l’été : l’annulation des programmes sociaux mis en place par Lula et qui avaient permis de lutter efficacement contre la pauvreté, ou la déclassification controversée d’une réserve naturelle amazonienne ouvrant la voie à l’exploitation minière de zones sensibles..

​Les Etats-Unis ont toujours redouté une alliance approfondie entre Chine et Russie. Le cadre de ce sommet,  que Vladimir Poutine souhaite utiliser pour faire des BRICS une organisation "plus robuste" pour une coopération multilatérale, peut-il permettre une telle alliance ? Avec quelles conséquences ? 

Michaël Bret : La divergence des objectifs entre les participants montre que ce Sommet est plus un forum qu’un laboratoire permettant de forger un socle d’alliance. Les intérêts ne sont jamais longtemps alignés. Le commerce Sud-Sud entre les grands n’est plus très dynamique, alors qu’il avait été le premier moteur de croissance du commerce international entre 2004 et 2014 pour atteindre un volume comparable à celui du commerce entre économies développées (5 500 milliards de dollars). Promouvoir le commerce Sud-Sud est le message principal du président sud-africain Zuma à ses homologues avec pour ambition de suppléer à la demande atone des économies occidentales aux produits des BRICS. Mais la réalité est que les 5 grands sont encore largement en situation de concurrence.

Cyrille Bret : La proposition russe pour les BRICS est en droite ligne avec la doctrine internationale de la Fédération de Russie : il s’agit de renforcer le multilatérialisme. Comprenez : il faut développer des organisations internationales économiques, militaires, diplomatiques et financières capables de contourner les institutions héritées de la Deuxième Guerre Mondiale (ONU, FMI, etc.) qui ne reflètent qu’imparfaitement les nouveaux équilibres mondiaux apparus après la chute de l’URSS et après l’émergence économique de la Chine. La Russie soutient également cette ligne dans le domaine sécuritaire au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) qu’elle a créé avec la Chine pour régler les questions sécuritaires en Eurasie sans les Occidentaux. L’idée russe est de développer la Nouvelle Banque de Développement comme recours externe au FMI mais également d’obtenir des positions communes sur la scène internationale où elle pourrait apparaître comme un chef de file alors que son PIB (2% du PIB mondial) la relègue loin de la Chine et de l’Inde. En somme, les divergences entre les membres des BRICS rendent peu probable un accueil favorable à la proposition de la Russie. En outre, la Chine veille jalousement sur ses marges de manoeuvres propres...

Ce sommet intervient dans un contexte de tensions fortes, aussi bien en ce qui concerne la Corée du Nord, ou l'Afghanistan, ces deux dossiers impliquant plusieurs participants. Quels sont les enjeux particuliers d'une coopération au sein des BRICS dans un tel contexte ? 

Cyrille Bret : Le sommet des BRICS offre une instance de consultation maîtrisée entre les acteurs de ces dossiers chauds de la rentrée. Mais, comme le souligne a contrario la proposition de la Russie, le sommet des BRICS n’est pas une organisation internationale pouvant déterminer une ligne politique contraignante à l’égard de ses membres. En conséquence, les questions afghanes et coréennes se règlement davantage sur une base bilatérale notamment avec les Etats-Unis.

Michaël Bret : En particulier, le dernier test de Kim Jung-Un a fortement perturbé le ballet médiatique orchestré autour du Président chinois, soulignant l’inefficacité de la pression de Pékin sur Pyongyang. Xi perçoit cet épisode et surtout le moment choisi par Kim Jung-Un comme un outrage l’humiliant devant les quatre autres chefs d’état qu’il avait invité pour le Sommet. Nulle coopération à attendre dans ces conditions. L’urgence est d’ailleurs à l’amélioration des relations bilatérales dans ce dossier : seul Pékin a une possibilité de pression directe avec la Corée du Nord, et la Chine doit trouver le moyen de convaincre l’administration américaine de renouer le dialogue direct avec La Corée. Le coup de tonnerre montre que face à un pays déterminé à s’armer d’armes nucléaires, les sanctions économiques chinoises, très mal calibrées et surtout extrêmement mal appliquées ne servent à rien.

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