Sommes-nous en marche pour la fin du verrou idéologique et politique du bloc central macroniste ? Rien n’est moins sûr…<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron assiste à une cérémonie au jardin du Luxembourg à Paris, le 10 mai 2022
Emmanuel Macron assiste à une cérémonie au jardin du Luxembourg à Paris, le 10 mai 2022
©CHRISTIAN HARTMANN / POOL / AFP

Crise politique

Par la seule volonté du Président Emmanuel Macron, agissant sur la vie politique française tel un prince démiurge en son terrain de jeu, la France est désormais victime du même pari qu’il fit le jour où, ministre de l’économie, il mettait en scène, empruntant la Seine sur une bateau hautement symbolique, sa candidature disruptive qui lui fit atteindre les sommets du pouvoir.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Rejouant le pari de la tripartition qui lui avait déjà permis de l’emporter par deux fois à la Présidentielle, en choisissant de dissoudre l’Assemblée nationale pour cause de résultats défavorables aux élections européennes, ce qui prouve un non sens politique désastreux, Emmanuel Macron a bouleversé et l’agenda politique et le fonctionnement naturel des institutions. 

Avait-il envisagé l’effet de catastrophe sismique engendré chez les vieux partis de gouvernement à la fois fidèles à la dichotomie droite vs gauche et en pleine recomposition idéologique depuis plus de vingt ans ? Mais peut-être, n’avait-il pas non plus anticipé les effets d’une crise politique majeure à un mois des Jeux Olympiques, capable de ranimer les violences d’une crise sociale telle qu’elle s’est exprimée avec la récupération du mouvement des Gilets jaunes par l’extrême-gauche et plus récemment lors des émeutes dans les banlieues ? Reste qu’à tous ceux qui pensent sincèrement que la France a déjà complètement basculé à droite, qu’elle est en passe de porter « l’extrême-droite » au pouvoir, que la carte électorale issue des dernières élections européennes en offre la démonstration et qu’en conséquence le Rassemblement national pourrait obtenir une grosse, voire la majorité des sièges à l’Assemblée nationale,  nous disons qu’en réalité rien n’est joué. 

En démocratie, si dans l’isoloir on peut voter en son âme et conscience dans le silence des passions, comme l’avait pensé Rousseau, « On vote sur un feeling, un sentiment général » comme le remarque avec justesse Jean-Laurent Cassely, auteur avec Jérôme Fourquet de La France sous nos yeux. Je préciserais pour ma part que ce sentiment s’arrime toujours à la domination idéologique et culturelle du temps que nous vivons.

Dans la vie politique française, surtout en périodes électorales, la puissance de la logique des idées l’emporte sur les enjeux apparents ou réels de la pratique politique, quelles que soient les visées égoïstes ou non qu’expriment les stratégies des politiques politiciennes. 

Durant ces prochaines législatives tout se jouera selon moi sur la capacité des idées nationalistes et anti-immigrationnistes à rompre la digue idéologique d’un consensus politique français cristallisé sur les diktats moraux d’une gauche culturelle puissamment légitimée par ses deux fondamentaux historiques : l’antifascisme et l’antiracisme, et ce, malgré l’inversion inique des valeurs humanistes et universalistes dont cette gauche intellectuelle porte la responsabilité et qu’elle a produite dès la fin du XXème siècle, après que l’idéologie socialiste puis social-démocrate a accédé au pouvoir. 

Un point positif cependant pourrait advenir à l’issue de la confrontation électorale de ces législatives anticipées : l’éclatement actuel des partis et leurs recompositions pourraient renouveler la vie politique française, sur fond de clarification idéologique. Ce qui permettrait d’en finir avec l’époque de confusions et de contradictions internes des idées politiques dans laquelle nous sommes donc plongés depuis la fin des années 80. 

Héritage de notre histoire, la domination de la pensée de gauche - aux plans philosophiques et  idéologiques - et ses conséquences sur la vie politique du pays, comme sa légitimation morale, datent comme chacun sait des suites de la deuxième guerre mondiale et de la lutte contre le nazisme et le fascisme. La gauche socialiste dirigée par François Mitterrand (devenue social-démocrate avec François Hollande) qui fit la conquête du pouvoir en 1981 par l’union des gauches et le programme commun n’a jamais cessé de puiser ses forces électorales dans l’anti-fascisme de combat d’abord, puis l’antiracisme racialiste qu’il inventa avec l’appui d’idéologues venus du trotskisme. Fils politique de François Hollande, Emmanuel Macron a emprunté ad nauseam la même voix idéologique lors de la campagne pour sa réélection en 2022. 

La ficelle est grosse car l’histoire des partis, faite de mutations, est passée par là avec la transformation radicale de la société et celle du Front national. Malgré tout la vie politique française demeure, depuis plus de quarante ans, dans son ensemble droite et gauche confondues, dominée par la puissance du politiquement correct réorienté par le wokisme et plus que jamais vivace parmi les tenants du « progressisme ».

Cependant, les élections législatives de 2022 ont montré que la France, en donnant 89 députés du Rassemblement national à l’Assemblée pour la représenter s’est progressivement tournée vers une nouvelle offre politique dont la doctrine et le discours collent aujourd’hui à ses préoccupations existentielles : baisse drastique du niveau de vie, invasion migratoire non contrôlée et insécurité grandissante ajoutés au constat d’une corrélation entre la faillite du modèle culturel républicain et l’explosion migratoire - 68% des Français établissent un lien entre insécurité et immigration, 70% des femmes ont voté pour Le RN aux européennes. 

Cette offre politique rompt de facto avec la vieille logique antifa de la gauche culturelle non sans raison objective, tant il paraît par ailleurs évident aux yeux de tous que le réel danger vient désormais d’une idéologie minoritaire en France, certes, mais mondialisée et en progression constante : l’islamisme. Jugulé par l’écrasement de l’Etat islamique, ce nouveau totalitarisme n’en demeure pas moins, sous des apparences et constitutions différentes (antisémitisme, panturquisme, Hamas, frères musulmans ou djihadistes …) une hydre toujours vivante.

Les graves dangers sécuritaires et l’effrayante montée de la violence sociale ont sans aucun doute eu une relation de cause à effet explicative des bons scores obtenus par la liste du  Rassemblement national lors des élections européennes. La déconnection du réel des autres discours politiques est le motif essentiel de la progression électorale constante de ce parti depuis les années 2000, eut égard à l’ostracisme moral qui pèse sur son personnel politique, ses militants et ses sympathisants. 

Au plan des stratégies politiques, l’invention en 2017 du centrisme macroniste s’est appuyée pour l’emporter sur la doctrine du « et de droite et de gauche », calquée du reste sur le « ni droite, ni gauche » du Front national. Ce centrisme qui se voulait super réformiste du fonctionnement de l’Etat, s’affirmant techniciste, mondialiste et résolument progressiste et qui récoltait pour une large part le rejet populaire des partis classiques de gouvernement, s’est transformé depuis sept ans, dans l’exercice du pouvoir, en la fameuse politique du « en même temps », synonyme au fond du rien du tout, et qui s’avère être surtout  multiculturel au plan social. 

En effet, le Président Macron a non seulement accéléré la destruction de l’ancien échiquier politique français mais - si l’on s’en tient aux valeurs défendues - il a aussi fait la démonstration que rien ou pas grand chose ne distingue son idéal mondialiste et anti-national de l’idéal mélenchoniste d’une créolisation heureuse de la société française. De sorte que le macronisme constitué pour une part des anciens strauskaniens du PS paraît en un sens culturellement plus à gauche que les centristes de la droite LR.

De leur côté, l’éclatement façon puzzle des Républicains - achevé par le coup de force d’Eric Ciotti opposant nationaux et centristes - illustre le reniement achevé de leurs origines et fondements idéologiques et à quel point ils ont oublié qu'ils avaient eu à pâtir, avant la présidence de Nicolas Sarkozy, d’une époque où l’abus du mot « porosité » pour ne pas distinguer la droite de l’extrême-droite a longtemps condamné la famille gaulliste à la vindicte morale et à une forme de relégation culturelle dans le camp du mal.



Conclusion 1 : par-delà les apparences trompeuses d’un échiquier politique désormais éclaté, la période de crise politique et morale que nous vivons dévoile encore et toujours ce fil rouge idéologique tenace de la domination culturelle de la gauche qui, pour ténu qu’il soit en certains endroits, n’en est pas moins pour autant toujours déterminant dans les découpages et les choix électoraux en cours, autant qu’il assure une pression morale sur la société. 

La rupture de ce fil rouge (qui va désormais de l’antisémitisme des ultras du Front populaire aux centristes LR anti-ciotti en passant par les macronistes) commence avec tous ceux qui considèrent que le vrai danger est l’islamogauchisme. De ce point de vue la droite commence avec les ciottistes.

Y’a-t’il en effet une différence idéologique essentielle entre les centristes anti-ciottistes de LR, les macronistes et un Raphaël Glucksman-François Hollande qui se rallient au Front populaire, si les candidats de ce centre droit LR se désistent en faveur des candidats du Front populaire pour faire barrage aux listes d’union du Rassemblement national ? Cette logique fonde sa légitimé sur une arnaque intellectuelle, idéologique et politique : prétendre lutter contre une extrême-droite qui n’existe plus. 

Conclusion 2 : la victoire sans conteste du Rassemblement national aux élections européennes est celle du tiers de la France qui s’est exprimée (environ 32% en moyenne des Français, 8 points de plus qu’en 2019) c’est pourquoi ce résultat demeure représentatif de la tripartition du pays qui débouche inévitablement sur la situation de blocage déjà illustrée par la difficulté des Français à dégager une majorité absolue à l’Assemblée nationale en 2022.

Là se situe le danger dans lequel Emmanuel Macron aura inconsidérément jeté la France, en créant une grave crise politique dans laquelle se déchirent les deux pôles en reconstruction de la bipartition qui a toujours, depuis la Révolution structuré la vie politique française. 

Même si derrière cette décomposition des grands partis politiques se joue sans nulle doute la recomposition à venir de la politique française à travers la naissance de nouveaux partis dont les doctrines, comme celle du Rassemblement national, pourraient coller à la réalité historique et sociologique autant qu’économique et culturelle d’une France en train d’advenir.

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