Si pratiques et pourtant dangereux : sommes-nous encore capables de réduire notre consommation de produits alimentaires ultra-transformés ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les aliments ultra-transformés sont légion.
Les aliments ultra-transformés sont légion.
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Accros ?

De plus en plus présents dans nos alimentations, les aliments ultra-transformés apportent avec eux leur lot de problèmes.

Béatrice de Reynal

Béatrice de Reynal

Béatrice de Reynal est nutritionniste. Très gourmande, elle ne jette l'opprobre sur aucun aliment et tente de faire partager ses idées de nutrition inspirante. Elle est par ailleurs l'auteur de Ouvrez les yeux avant d’ouvrir la bouche, publié chez Plon, et du blog "MiamMiam".

 

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Atlantico : Qu'appelle-t-on aujourd'hui aliments ultra-transformés ?

Béatrice de Reynal : Tout est parti de la classification NOVA, née dans le laboratoire de santé publique du Professeur Carlos Monteiro, au Brésil. Avec son équipe, ils ont souhaité adresser l’incidence du surpoids et de l’obésité de la population avec un outil de santé publique simple à comprendre et à transmettre. Ils ont créé 4 catégories d’aliments, allant du plus simple (natif : une pomme, un poisson, un œuf ou une pomme de terre), une classe pour les ingrédients culinaires comme huile, vinaigre, sel, beurre… et une 3e catégorie nommée « aliments transformés », composée de mets réalisés avec la classe 1 + 2. Par exemple, un steak poêlé au beurre, une pomme de terre sautée… en fait, tout ce qui est cuisiné à la maison.

Déjà, le mot « transformé » est impropre car il sous-entend une baguette magique qui transforme un crapeau en prince charmant… ou le contraire.

Alors la classe 4 se nomme «aliments ultra-transformés (AUT) et comprend tout ce qui est complexe, avec des additifs, avec des complications, le prototype étant le cordon bleu.

Pour bien comprendre, renommons les AUT « produits industriels ». Pour les scientifiques, facile de dire en consultation à un patient : privilégie les classes 1, 2 et 3 et évite le 4. Ce qui revient à dire : »n’achète plus aucun aliment industriel ». Ni yaourt à la fraise (mais aussi avec colorant, conservateur, acidifiant…), ni chips aromatisées, ni Nutella, ni croquettes de petit déjeuner.

Quel regard porte l’opinion publique sur ces aliments ? 

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Les consommateurs français comme européens[1] ne savent pas ce qu’est un « aliment ultra-transformé » mais ils n’en veulent plus du tout … 70 % des interrogés ne savent pas ce que sont les UT.  Difficile alors de les éviter. Et en effet, les deux tiers de l’énergie consommée dans le monde proviennent d’aliments transformés et UT.

Certains sont d’emblée montrés du doigt : bonbons, boissons sucrées ou alcoolisées, chips, gâteaux (mais pas tous), biscuits ou chocolat… 69 % des répondants déclarent qu’il vaut mieux cuisiner soi-même qu’utiliser des aliments transformés. Mais qui le fait vraiment ?  Vœu pieux !

De NOVA et la trainée de poudre qu’elle a entraîné est née la tendance Clean Label : on recherche des listes d’ingrédients plus courtes, compréhensibles et sans additifs ni ingrédients baroques. Par exemple, pourquoi de la graisse de palme dans une knacki ? Pourquoi du sucre dans la soupe et du sel dans les croquettes au miel du petit déjeuner ? Pourquoi du sirop de glucose fructose dans le Bun ou la saucisse ?

Des pizzas surgelées aux nuggets de poulet en passant par les nouilles instantanées, les aliments ultra-transformés sont toujours plus présents dans notre vie quotidienne mais aussi dans les étals de nos supermarchés. Bien que pratiques, quels dangers représentent-ils vraiment pour notre santé ? 

Justement : une étude* réalisée en 2019 a cherché à connaître l’association entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de mortalité toutes causes auprès d’ adultes âgés de 45 ans ou plus, issus de la cohorte Française Nutrinet Santé.Les aliments ultra-transformés (selon la classification NOVA), sont les plats prêts à consommer, à partir d’ingrédients pour la plupart combinés à des additifs. La proportion (en poids) d’aliments ultra-transformés dans l’alimentation a été calculée pour chacun des participants. Le principal résultat est la proportion d’aliments ultra-transformés et la mortalité globale.
Au total, 44 551 participants ont été inclus dans l’étude. Les aliments ultra-transformés représentaient en moyenne 14,4% (+/-7,6%) du poids total des aliments consommés, correspondant à une proportion de 29,1% (+/-10,9%) de l’énergie totale. Après ajustement sur un ensemble de facteurs de confusion,  une augmentation de la proportion d’aliments ultra-transformés consommés était associée avec une augmentation du risque de mortalité toute cause (HR pour 10% d’augmentation.

Concrètement, qu'est-ce qui est le plus sain : une pizza faite maison ou une pizza faite avec les mêmes ingrédients de base, avec le même nombre de calories, sortie d'une boîte au congélateur ?

La présence d’additifs, mais aussi les emballages et la qualité des ingrédients employés sont essentiels pour juger le caractère de risque accru pour les consommateur. Si vous faites votre pizza vous-même, vous épargnez les additifs mis dans les farines industrielles, amis aussi, la sauce tomate (mettez des tomates fraîches) et la qualité de la mozza…  Liez la liste des ingrédients.

Pendant des millénaires, les calories n’étaient ni bon marché ni abondantes. Alors que le surpoids était autrefois un signe de richesse, les taux d'obésité sont aujourd’hui plus élevés aux niveaux de revenu inférieurs. Face à cet enjeu de santé publique, sommes-nous encore capables de réduire notre consommation de produits alimentaires ultra-transformés ? 

Le surpoids et l’obésité touchent en France une personne sur 2. Si on parvient tout juste à cesser l’augmentation de l’obésité chez les enfants, on ne sait pas encore le faire sur l’obésité adulte.

Alors ne confondons pas : le surpoids peut aussi survenir avec des mets très frais et sains, mais consommés de façon excessive.

En revanche, on sait aujourd’hui qu’il y a un lien entre la consommation de cola et le risque de cancer du pancréas. Et sans doute que les industriels sont contraints à choisir des ingrédients de 3e choix car nous ne sommes pas prêts à payer le juste prix des aliments prêts à la consommation. Qui d’entre vous est prêt à payer 10 € une portion de viande de qualité ? Plus d’un euro par œuf ? Plus d’un euro par litre de lait ? Ne nous étonnons pas si l’industrie répond à notre radinerie.

Quels sont les obstacles qui entravent la réduction de la consommation d'aliments ultra-transformés ? Des initiatives ont-elles été mises en place pour inciter les consommateurs à se détourner de ces produits ?

Nous voulons tout : du tout prêt, du pratique, du pas cher, du direct à consommer.

Nous avons tous nos vies, si occupées : boulot, loisir, vie personnelle, vie familiale. Le temps réservé à s’approvisionner, préparer, cuisiner, manger et faire la vaisselle n’est plus compatible avec nos fringales d’écrans.

Cessons de râler et prenons notre santé alimentaire en mains.

Vous ne savez plus lire les indications de l’emballage ou ne prenez pas le temps de le faire, vous faites confiance aux marques et à elles seules.

Ouvrez les yeux avant d’ouvrir la bouche* !

*Editions Robert Laffont – Béatrice de Reynal 

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