Sécheresse en vue : Pourrait-on utiliser les eaux usées issues des lavabos ou de la douche pour des usages domestiques ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des piétons marchent le long de la rivière asséchée "La Savoureuse" à Belfort, dans l'Est de la France.
Des piétons marchent le long de la rivière asséchée "La Savoureuse" à Belfort, dans l'Est de la France.
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Eaux grises

Avec le contexte de sècheresse et de manque d’eau qui risque de s’accentuer ces prochaines années, il est nécessaire de changer la règlementation afin d’utiliser les eaux grises. Face à la sécheresse, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, envisage des mesures de restrictions « dès le mois de mars » afin d’éviter des « situations catastrophiques cet été ».

Kako Naït Ali

Le Dr Kako Naït Ali est ingénieur et docteur en chimie des matériaux.

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Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, est intervenu sur France Info sur les économies d'eau et la sècheresse. « La France est en état d’alerte. Dès lundi, avec les préfets, on va regarder où nous en sommes. C’est l’hiver le plus sec depuis 1959 », selon Christophe Béchu. Les nappes phréatiques ont « deux mois de retard en termes de remplissage ».

Face à cette crise, une question se pose. Pourquoi ne peut-on pas utiliser les eaux usées issues des lavabos ou de la douche pour des usages domestiques ? On va donc parler eaux grises.

Les eaux grises sont les eaux usées domestiques comme celles issues des douches, baignoire, lavabo, etc. Elles sont faiblement polluées (détergents, débris organiques) et ne sont pas traitées.

Elles peuvent aussi venir d’une activité industrielle. Les usages peuvent être côté agriculture, il y a d’ailleurs eu une évolution récente de la règlementation européenne dans le domaine (règlement UE 2020/741). Mais je ne vais aborder ici que les usages domestiques.

D’un point de vue règlementaire, les eaux grises ne peuvent pas être recyclées pour des usages domestiques. Comme par exemple en remplacement de l’eau potable utilisée pour la chasse d’eau des toilettes.

L'Anses précisait en 2015 que cette interdiction est liée à des risques sanitaires notamment la contamination possible s’il y a interconnexion entre réseau d’eau potable et eaux grises.

Les eaux grises sont contaminées par les détergents, des matières particulaires et organiques, mais aussi par des micro-organismes dont des pathogènes issus par exemple de l'hygiène corporelle ou du lavage du linge ou des surfaces. Avec un risque sanitaire en cas d'exposition.

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C’est pour cela qu’un assouplissement de la règlementation n’est possible que sous certaines conditions, notamment de cadrage de ces usages, avec traitement, traçabilité et contrôle des eaux grises.

Extrait : « Sous réserve de la mise en œuvre d’un traitement et de mesures de gestion du risque appropriées, les eaux grises traitées peuvent être adaptées à trois usages en milieu domestique, si elles répondent à des critères de qualité précis au point d’usage : »

« - l’alimentation de la chasse d’eau des toilettes ;

- l’arrosage des espaces verts (excluant potagers et usages agricoles) ;

- le lavage des surfaces extérieures sans génération d’aérosols (sans utilisation de nettoyeur à haute pression). [...] »

Dans le Code de la Santé Publique, l’article L. 1322-14 autorise les eaux grises traitées pour les usages domestiques sous réserve de précision des modalités d’usage et de traitement par un arrêté. Qui a été publié le 10 mars 2022.

Selon le Décret n° 2022-336 du 10 mars 2022 les eaux grises ne peuvent réutilisées que sous réserve de traitement et « les caractéristiques de ces eaux et les usages qui en sont faits soient compatibles avec les exigences de protection de la santé humaine et de l'environnement. »

Mais cela ne concerne pas les usages à l’intérieur des habitations comme précisé à l'article 2 du décret, même après traitement. Leur usage reste interdit.

Quid de l’eau de pluie ?

Son usage et les règles associées sont précisées dans l’arrêté du 21 aout 2008. On y retrouve :

- la liste d’usages notamment chasse d'eau des toilettes et lavage des sols.

- la liste des établissements ou l’eau de pluie ne peut pas être utilisée à l’intérieur des bâtiments (ex : crèches, établissements de santé)

Il précise que seules les eaux de pluie des toitures inaccessibles peuvent être utilisées (on exclut les autres eaux de ruissèlement).

Il précise également des règles de raccordement notamment une disconnexion totale avec le réseau d’eau potable et une signalisation explicite précisant que l’eau n’est pas potable.

Il impose une obligation d’entretien et contrôle des installations.

On pourrait se dire qu’une équivalence en termes de règlementation pourrait être mise en place. Il y a donc encore un gros travail règlementaire à faire pour que l’on puisse ouvrir les possibilités d’usage tout en évitant les impacts sanitaires identifiés. 

Comme expliqué par Christophe Béchu, avec ce contexte de sècheresse et de manque d’eau qui risque de s’accentuer ces prochaines années, il est nécessaire de changer la règlementation si l’on souhaite que cela change. Mais il faudrait vraiment lancer ce chantier règlementaire.

Pour retrouver le Thread de Kako Naït Ali : cliquez ICI

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