Rythmes scolaires : histoire d'un cafouillage<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement continue de vouloir gérer les 53 000 écoles françaises de manière uniforme : une erreur.
Le gouvernement continue de vouloir gérer les 53 000 écoles françaises de manière uniforme : une erreur.
©Littlefrench

Bonnet d'âne

Entre la grève du périscolaire ce mardi et celle des enseignants prévue jeudi, la semaine s'annonce mouvementée dans les écoles. En cause : une réforme des rythmes scolaires qui ne peut s'appliquer uniformément et dont le coût se révèle parfois très élevé pour les communes.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Atlantico : La commune de Boves dans la Somme a annoncé récemment qu'elle décidait de repasser à la semaine de quatre jours suite aux difficultés engendrées par le bouleversement de l'emploi du temps. Plus généralement, l'opposition à la réforme des rythmes scolaires prend de l'ampleur et une série de manifestations débutera le 14 novembre prochain. Peut-on dire que ce qui devait être l'une des grandes réformes du quinquennat est d'ores et déjà un échec ?

Erwan Le Noan : Il n’y a malheureusement pas que la réforme des rythmes scolaires qui est un échec : c’est l’ensemble de la Refondation promise par Vincent Peillon qui est morte. Ce n’est pas par hasard que le ministre a déjà annoncé son départ pour les européennes.

Politiquement, c’est un désastre : Vincent Peillon est arrivé au ministère avec un potentiel sympathie énorme (enseignant, caricature de l’intellectuel de gauche) et un cadeau en or (60 000 postes, ce qui n’est vraiment pas rien dans le contexte des finances publiques de la France)… et il s’est aliéné presque immédiatement les enseignants, les familles et maintenant les élus locaux. Belle perf !

Comment expliquer un tel cafouillage ? La conception même du projet était-elle déjà faussée sur le plan politique ?

Réformer le ministère de l’Education nationale n’est pas une mince affaire, tant il y a d’intérêts, de parties et de complexités en jeu. En outre, la question des rythmes scolaires est particulièrement tendue, entre les familles, les enseignants, les professionnels du tourisme, etc.

Politiquement, il me semble que l’erreur de Monsieur Peillon a été de faire croire qu’après les dix années de pouvoir UMP, la seule arrivée de la gauche au pouvoir marquerait le début d’une ère nouvelle, faite de bonheur, d’harmonie et de réformes faciles. En critiquant tout ce qu’ont fait ses prédécesseurs (alors qu’il y avait aussi de bonnes idées), le ministre s’est lié les mains et a généralisé la logique de la critique frontale et des blocages systématiques.

L’autre erreur, c’est que le gouvernement continue de vouloir gérer les 53 000 écoles françaises de manière uniforme. Il est totalement absurde de vouloir organiser les rythmes d’une telle diversité de la même manière. La solution de la droite, qui avait imposé la semaine de quatre jours à tout le monde de manière obligatoire (en continuant de payer les enseignants de la même manière, d’ailleurs…), n’était pas plus intelligente et a elle aussi posé de nombreux problèmes sur le terrain. Ce genre de problèmes subsistera si le ministère de l’Education nationale ne se décentralise pas davantage.

Qu'en est-il sur le plan de la mise en application ? A-t-on pu constater des dysfonctionnements majeurs lors de l'instauration du nouveau calendrier ?

Sur le terrain, les communes sont dans leur ensemble totalement désemparées. La réorganisation des rythmes représente deux enjeux pour elles.

Le premier, c’est que les enfants vont finir plus tôt en semaine et avoir une demi-journée de cours en plus. Il faut donc les occuper, organiser des activités, prévoir des repas supplémentaires… Les communes les plus déterminées prévoient des activités pédagogiques ; d’autres se contentent de faire de la garderie, ce qui n’a aucun intérêt pour les enfants.

Le second enjeu, c’est que tout cela a un coût, parfois énorme ! Les communes ont donc le choix entre couper ailleurs dans les dépenses ou augmenter les impôts pour financer cette réforme. Ce n’est pas par hasard si beaucoup de communes ont repoussé l’application à la rentrée 2014, après les municipales : les maires ne veulent pas assumer les mauvaises nouvelles avant le scrutin !

L'opposition à cette réforme peut-elle évoluer vers un épisode plus directement politique ?

Les enseignants sont déçus du gouvernement de François Hollande. Il leur avait promis le changement en jouant sur l’image positive dont bénéficie la gauche dans les milieux éducatifs. Vincent Peillon a échoué. A cet échec s’ajoute l’inquiétude grandissante des parents, qui comprennent seulement maintenant que leurs bouts de choux vont être boutés hors des écoles en milieu d’après-midi et qui ne voit rien changer dans le champ de ruines éducatif français. Si on ajoute que les élections municipales approchent et qu’elles vont être la première occasion pour les électeurs de dire leur mécontentement de la politique socialiste, il y a là un potentiel pour que la colère s’exprime, en effet.

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