Russie : sans assistance occidentale, les avions se détériorent très vite<!-- --> | Atlantico.fr
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Un avion de la compagnie russe Aeroflot
Un avion de la compagnie russe Aeroflot
©Kenzo TRIBOUILLARD / AFP

Risques sécuritaires

Après plusieurs mois de sanctions occidentales, les pièces essentielles nécessaires à l'entretien des avions sont devenues difficiles d'accès et les compagnies aériennes russes se retrouvent à court d'options

Gilles Rosenberger

Gilles Rosenberger

Ingénieur, pilote privé 

35 ans d’expérience dans l’industrie aéronautique 

Cofondateur de la startup Faraday dédiée à la proposition électrique et hybride pour aéronefs 

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Atlantico : Suite aux sanctions occidentales mises en place après la guerre en Ukraine, de nombreux secteurs de l’économie russe font face à des difficultés d’approvisionnement. Le secteur de l’aéronautique fait notamment face à un manque de pièces détachées. Comment une telle situation arrive-t-elle ? 

Gilles Rosenberger :Un avion consomme régulièrement des pièces détachées car certaines ont des durées de vie limitées sous peine de se fragiliser. Cela nécessite une alimentation régulière en pièces et cela revêt une importance capitale dans certaines zones comme le moteur. Par exemple, tous les avions d’Airbus et leurs moteurs occidentaux ont tous été certifiés par l’agence Européenne EASA. Chaque pays est maître de son espace aérien. En Europe nous avons décidé de règles communes et notamment d’imposer à tous les avions qui veulent fréquenter notre espace aérien européen d’avoir été certifié et d’être maintenu en navigabilité.

La certification est relative à un modèle neuf, la navigabilité est la qualité de l’avion qui conserve sa solidité, sa fiabilité, ses qualités de vol, … au cours du temps. C’est valable pour les Airbus appartenant à des sociétés russes qui voudraient fréquenter l’espace aérien Européen. Outre l’interdiction politique (des sanctions) qui interdisent à ces avions de venir, il existe une interdiction technique par le blocage des livraisons des pièces de rechange et l’impossibilité de vérifier que des pièces de contrefaçon ne sont pas utilisées.

Néanmoins, les Russes peuvent établir leurs propres règles dans leur propre espace aérien. Ils peuvent accepter de laisser voler un avion plus longtemps avec une pièce dont la durée de vie pourrait être prolongée par « dérogation », voir une pièce russe de contrefaçon. Les autorités russes sont maitresses chez elles. Mais ce serait inacceptable pour voler en Europe ou dans un espace aérien occidental avec ce faible niveau d’exigence.

Selon les données fournies par Ascend by Cirium, une société de conseil dans le domaine de l’aviation, la flotte russe d'avions commerciaux comptait 876 appareils à la fin du mois de mai contre 968 fin février. La plupart de ces appareils sont des Airbus ou des Boeing. Comment sera assuré l’entretien de ces avions sans pièces détachées ? 

Aujourd’hui, il y a des pièces que les Russes peuvent encore trouver chez des revendeurs qui ont du stock. On peut imaginer qu’une sorte de marché noir se met en place avec des brokers qui respectent plus ou moins les sanctions. Mais cela a une limite car les constructeurs ne vont pas alimenter un revendeur qui a la réputation d’alimenter le circuit russe. Les Russes peuvent aussi fabriquer des pièces de rechange identiques (de la contrefaçon de plus ou moins bonne qualité). Mais sans surveillance occidentale, on ne peut pas faire confiance à la fiabilité des pièces car le circuit dont la surveillance est politisé. 

Faut-il craindre d’éventuels risques de sécurité ?

Les constructeurs occidentaux n'apportent aucune garantie à des pièces qu’ils ne contrôlent pas. Alors qu’une partie de l’économie russe a de forts problèmes de corruption et on ne recommanderait à personne de monter dans un avion avec de telles pièces détachées. Il n’y a plus de système de surveillance du constructeur et le niveau de risque est devenu important.

Les avions russes risquent-ils d’être cloués au sol dans les prochains mois ?

La décision revient au propriétaire et à la confiance dans les pièces. Dans le monde occidental, cette confiance vient de la certification des pièces. Tous les sous-traitants d’Airbus, de Safran, de Rolls-Royce… sont qualifiés et surveillés. Dans le cas des industriels ruses qui pourraient fabriquer ces pièces il n’y a plus de surveillance. Sans celle-ci, il y a une rupture de la chaîne de sécurité et de confiance. L’autorité de certification russe sous contrôle de l’autorité politique pourrait « laisser faire » voir même valider des pièces de contrefçon.

Une fois la guerre finie, comment ces engins vont-ils pouvoir voler dans l’espace international ?

Les événements terminés, les compagnies aériennes devront appeler les constructeurs occidentaux et leurs Autorités aériennes pour demander qu’ils remettent en état leurs avions pour qu’ils puissent entrer à nouveau dans l’espace aérien européen ou américain. 

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