Robert Fico : pourquoi la tentative d'assassinat du premier ministre slovaque pourrait alimenter la guerre de l'information entre la Russie et l'Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Le 16 mai 2024, un homme nommé Vladimir Petko tient un drapeau slovaque, venu prier devant l'hôpital de Banska Bystrica, où le Premier ministre slovaque Robert Fico est soigné après avoir reçu de "multiples coups de feu" la veille.
Le 16 mai 2024, un homme nommé Vladimir Petko tient un drapeau slovaque, venu prier devant l'hôpital de Banska Bystrica, où le Premier ministre slovaque Robert Fico est soigné après avoir reçu de "multiples coups de feu" la veille.
©AFP

Onde de choc

La tentative d'assassinat du premier ministre slovaque Robert Fico, le 15 mai, a provoqué une onde de choc en Europe.

Michael Toomey

Michael Toomey

Michael Toomey est maître de conférences en politique et relations internationales, Université de Glasgow.

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Malheureusement, les assassinats politiques ne sont pas rares dans cette partie du monde - en effet, la Slovaquie elle-même continue de subir les conséquences de l'assassinat en 2018 du journaliste d'investigation Jan Kuciak, un acte qui a conduit à l'effondrement d'un précédent gouvernement dirigé par M. Fico.

Toutefois, les attaques de ce type contre des hommes politiques sont rares (en dehors des pays post-soviétiques). Il n'y a pas eu d'attentat contre une personnalité aussi importante que M. Fico depuis plusieurs décennies. Le suspect de la fusillade a été arrêté, mais il est encore trop tôt pour spéculer sur un éventuel motif. Cela dit, il est pratiquement certain que cette affaire aura un impact considérable sur la politique slovaque, voire sur celle de l'Union européenne.

Même avant les événements du 15 mai, l'atmosphère politique en Slovaquie était assez tendue. M. Fico et son parti, le Smer, dominent largement la scène politique du pays depuis les années 2000. Avant son mandat actuel, qui a débuté en 2023, il a dirigé le gouvernement de 2006 à 2010 et de 2012 à 2018.

Fico est ostensiblement un homme politique de centre-gauche. Mais à bien des égards, ses politiques populistes et nationalistes ressemblent davantage à celles de Viktor Orbán, le premier ministre autoritaire d'extrême droite de la Hongrie. Le Smer est membre du Parti socialiste européen au Parlement européen, mais son adhésion a été suspendue à la fin de l'année 2023 en raison de sa dérive vers la droite.

Notamment (à l'instar d'Orbán), Fico est considéré comme l'un des dirigeants politiques les plus pro-russes d'Europe. Il a mené sa campagne électorale de 2023 sur un programme visant à mettre fin au soutien financier et militaire de la Slovaquie à l'Ukraine.

Les médias russes se sont immédiatement emparés de cette question pour accuser l'Ukraine d'avoir organisé la tentative d'assassinat contre M. Fico. Margarita Simonyan, rédactrice en chef de RT, a déclaré que l'Ukraine "devrait être blâmée" pour la fusillade. Il est important de noter qu'aucune preuve n'a pour l'instant été trouvée pour relier l'Ukraine à l'attentat. Le président Volodymyr Zelenskyy a personnellement condamné l'attentat et exprimé son espoir de voir Fico se rétablir, ainsi que sa solidarité avec le peuple slovaque.

Cet attentat a des conséquences à la fois nationales et régionales. Pour la Slovaquie, il est probable que les tensions dans le pays seront exacerbées. Les campagnes électorales se déroulent de plus en plus souvent dans un climat tendu depuis que M. Fico est arrivé au pouvoir en 2006 dans le cadre d'une coalition avec deux partis nationalistes et antilibéraux, le Parti national slovaque et le Mouvement pour une Slovaquie démocratique.

Cela a été particulièrement le cas lors des élections de 2023, où l'alignement de la Slovaquie sur la guerre entre la Russie et l'Ukraine était une préoccupation majeure. Dans un sondage Eurobaromètre réalisé à cette époque, la guerre était considérée comme la question la plus importante pour le pays, mais avec un soutien partagé à 50-50 pour l'aide à l'Ukraine ou pour son refus.

Cette polarisation a déjà commencé à se manifester dans la manière dont les hommes politiques - tant du côté du gouvernement que de l'opposition - ont réagi à la tentative d'assassinat.

Le ministre de l'intérieur, Matúš Šutaj-Eštok, a affirmé que l'attaque était clairement "motivée par des considérations politiques" et que le pays était au bord de la "guerre civile". Il est inquiétant de constater que, dans un pays qui a connu récemment des violences à l'encontre des journalistes, M. Šutaj-Eštok et son collègue Lubos Blaha ont tous deux accusé les "médias libéraux" du pays de semer la "haine".

Compte tenu de ces commentaires et de l'état lamentable de la liberté des médias dans la région de Visegrad - qui comprend la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie - il ne serait pas surprenant d'assister à une forme de répression.

Avant l'attentat, M. Fico avait déjà mis en place des plans visant à placer le radiodiffuseur national slovaque sous le contrôle du gouvernement, ce qui a suscité des protestations de la part du public. On s'inquiétera également, à juste titre, de la possibilité que la démocratie slovaque soit soumise à des pressions. Là encore, M. Fico s'était engagé dans une guerre des mots avec la Cour suprême du pays avant l'attentat et avait prévenu qu'il surveillait l'organisme de près.

En dehors de la Slovaquie, l'attentat risque fort de devenir un nouveau front dans la guerre de l'information que se livrent la Russie, d'une part, et l'Union européenne et l'Ukraine, d'autre part.

La véracité ou l'exactitude des accusations de la Russie concernant l'implication de l'Ukraine pourrait en fait s'avérer sans importance. Dans l'atmosphère actuelle, la désinformation s'est avérée obstinément difficile à contester et à réfuter.

Survenant au beau milieu d'une offensive russe majeure dans l'est de l'Ukraine et de la campagne pour les élections du Parlement européen, l'attaque contre Fico risque d'accroître l'instabilité d'un environnement déjà conflictuel.

Cet article a été initialement publié sur The Conversation.

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