Révolutionnaire malgré lui : la puissante découverte technologique réalisée par l’inventeur du Bitcoin en même temps qu’il créait la monnaie virtuelle<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Bitcoin est une monnaie virtuelle.
Le Bitcoin est une monnaie virtuelle.
©Reuters

A l'insu de son plein gré

Si le Bitcoin évoque surtout un système de paiement sur Internet sans intermédiaire, les technologies utilisées pourraient en fait déboucher sur d'autres applications concrètes, notamment dans la mise en place de systèmes électoraux numériques fiables.

Pierre Noizat

Pierre Noizat

Avant de co-fonder Paymium, une start up consacrée aux technologies de paiement innovantes, Pierre Noizat a travaillé entre 2005 et 2011 pour le groupe Orange, notamment en Dirigeant l’AFSCM (Association Française du Sans Contact Mobile). Dans ce rôle, il a travaillé avec les opérateurs télécom et les développeurs d’application pour spécifier une platforme mobile innovante avec la technologie NFC («sans contact»).

Pierre Noizat a une expérience internationale de près de 20 ans dans le marketing et l’innovation technologique, contribuant notamment au succès de projets marquants comme le lancement de DirecTv aux USA ou celui de TPS en France. Il a reçu un master (MBA) de l’université de Columbia à New York en 1991 et est diplômé de l’Ecole Polytechnique.

Pierre Noizat est l'auteur de Bitcoin, monnaie libre.

Voir la bio »

Alantico : Le Bitcoin, cette monnaie virtuelle, ne passe pas par des intermédiaires de paiement comme Paypal. Comment sait-on que les transactions sont fiables, si aucun organisme certificateur n'intervient ?

Pierre Noizat : Il faut d'abord se méfier d'une terminologie trompeuse: "bitcoin" désigne à la fois un réseau bien réel et une monnaie numérique tout aussi réelle, non une monnaie "virtuelle". Numérique n'est pas synonyme de "virtuel". Je ne sais d'ailleurs pas ce que signifie le vocable "monnaie virtuelle" mais toutes les monnaies sont aujourd'hui très majoritairement utilisée sous forme numérique. Il n'y a pas non plus d'étalon-or qui permettrait de distinguer une monnaie numérique d'une autre. Il y a simplement des monnaies numériques gouvernées par des règles financières comme l'euro et des monnaies numériques gouvernée par des règles informatiques comme bitcoin.

Le mot "virtuel" a été employé par la BCE pour désigner toute monnaie qui n'est pas l'euro dans un rapport qu'elle a publié en 2012, rapport qui mêlait une technologie libre (bitcoin) et une monnaie privée (les Linden Dollars). Cet amalgame relève plus de la propagande que de l'information qu'on serait en droit d'attendre d'une organisation (la BCE) censée être au service des Européens. Dans ce rapport, la BCE se permettait d'écrire des énormités comme le fait que bitcoin menacerait sa crédibilité. Quand on sait que la BCE est dirigée par un ancien de Goldman Sachs impliqué dans des manipulations de comptes frauduleuses en lien avec l'entrée de la Grèce dans la zone euro, c'est tout simplement risible: la BCE n'a plus aucune crédibilité depuis cette nomination.

Concernant la vérification des transactions, il faut comprendre que toutes les transactions bitcoins sont visibles en clair sur internet : tout le monde peut télécharger la base de données complètes des transactions ( la "blockchain") sur son ordinateur en installant simplement un porte-monnaie bitcoin sur son ordinateur (par exemple depuis bitcoin.org). 

Les transactions bitcoin ne sont pas cryptées contrairement à une conception erronée répandue par les lobbies. Elles sont simplement signées électroniquement par le payeur qui transfère la propriété de bitcoins ou d'une fraction de bitcoin d'une adresse bitcoin (la sienne) à une autre (celle du receveur).

Les unités de compte bitcoins sont créés à intervalle régulier et en quantité limitée (il ne peut pas exister plus que 21 millions de bitcoins sur le réseau bitcoins) dans des transactions spéciales dites transactions de génération.

Là encore il faut garder à l'esprit que les euros sont créés eux aussi "ex nihilo" dans des transactions spéciales qui sont des transactions de crédit. Chaque fois qu'une banque émet un prêt elle crée une quantité d'euros égale au montant du prêt: la création monétaire des euros se fait par un jeu d'écritures comptables. Pour créer 10 000 euros, la banque écrit d'une part 10 000 € à son passif comme une dette qu'elle vous doit quand les euros sont virés sur votre compte : le solde de votre compte est en effet la dette que la banque a envers vous. Elle écrit d'autre part à son actif une dette du même montant, 10 000 €, que vous devez lui rembourser. Le tour est joué. Les euros circulent ensuite au sein de transaction de paiement dans les livres de comptes des banques.

De la même façon les bitcoins circulent au sein de transactions qui sont inscrites dans la "blockchain" bitcoin. L'invention de la technologie bitcoin en 2008 a résolu le problème de la maintenance d'une base de données (la blcokchain) sécurisée sans autorité centrale.

Il faut simplement comprendre que tout bitcoin reçu via le réseau bitcoin peut être tracé depuis sa naissance dans une transaction de génération, en passant par toutes les transactions qui ont précédées sa réception. Les transactions étant signées et chainées cryptographiquement, elles ne peuvent être ni modifiées ni supprimées dans la blockchain.

"C'est la première fois que deux personnes peuvent échanger un bien digital, sans qu'aucune relation préalable n'existe, et ce de manière sécurisée" a déclaré au BusinessInsider Jeff Garzik (voir ici), l'un des principaux développeurs du Bitcoin.  Le caractère révolutionnaire de cet outil de transaction permet-il d'envisager d'autres applications, utiles à tous ? Lesquelles ?

Le champs d'application des transactions sécurisées est très vaste. Une transaction électronique n'est rien d'autre qu'un message numérique signé. Dès lors, on peut envisager par exemple un votre électronique via le réseau bitcoin. Avant l'invention de bitcoin, les solutions de votes électroniques n'étaient pas satisfaisantes car elles n'étaient pas facilement auditables et pas assez transparentes, ni pour les candidats ni pour les électeurs. De plus elles nécessitaient une mise en place parfois coûteuse. Avec la blockchain Bitcoin, n'importe quelle communauté peut organiser gratuitement un vote électronique sécurisé. Je pense à des associations ou des entreprises qui pourraient envisager cette technologie pour les votes aux AG.

Voici comment ça pourrait se dérouler pour une association :

1) Chaque candidat fournit une clé publique à l'électeur et publie partout une adresse associée bitcoin à son nom du genre 1Dupont..pour le candidat Dupont

2) Chaque électeur reçoit aussi de l'association une clé publique qui est listée sur le site (contrôle de la liste électorale : chacun peut vérifier qu'il est sur liste et que le nombre de clés publiques est égal au nombre de membres dans l'association.).

3) Avant le jour du vote, avec ces clés publiques, l'électeur crée une adresse "multi-signature 2-sur-3" et envoie vers elle une micro-transaction 0,001 BTC (environ le prix d'un timbre poste) sur cette adresse pour "préparer son bulletin de vote" qui s'inscrit dans la blockchain.

L'électeur saisit l'adresse multi-signature sur le site de l'association sans avoir à s'identifier: le site la valide en vérifiant qu'elle a reçue une transaction de 0,001 BTC.

4) Le jour du vote, le candidat Dupont crée une signature S qui transfère le montant de la micro-transaction multi-signature (0,001 BTC) vers une adresse V qu'il contrôle et publie S et V sur le site en regard de l'adresse "multi-signature 2-sur-3" enregistrée.  Avec S et V, l'électeur peut maintenant confirmer son vote (mettre le bulletin dans l'urne) en créant sa signature de la même transaction  et en publiant sur le réseau bitcoin la transaction valide combinant sa signature avec celle du candidat, sans avoir à s'identifier (bulletin secret). 

A ce stade, seul le candidat Dupont et l'électeur savent que V appartient à Dupont de sorte que les résultats du vote ne sont pas encore connusNotons au passage que ce système exploite un avantage d'une signature numérique par rapport à une signature manuelle: une signature numérique ne permet d'identifier son auteur qu'avec son consentement, lorsqu'il révèle lui-même son identité.

5) Après les votes, pour le dépouillement, le candidat Dupont transfère simplement les bitcoins de l'adresse V vers l'adresse 1Dupont..

Désormais tout le monde sait que l'adresse V appartient à Dupont et peut compter les votes en faveur de chaque candidat via la blockchain : chaque adresse mutli-signature enregistrée (représentant un électeur) reliée par un transaction à l'adresse V est un vote en faveur de Dupont.

Les votes sont parfaitement vérifiables par les candidats et les électeurs, indépendamment de toute organisation , avec des logiciels open source et une base de données publique et sécurisée, la blockchain.

Pourrait-on également utiliser le principe du Blockchain pour des services de notation d'hôtels, ou encore de réservation de voitures en libre-service ? L'économie participative pourrait-elle en profiter ?

Un objet connecté peut envoyer et recevoir un paiement d'un autre objet connecté à travers le réseau bitcoin. Les autres réseaux de paiement ne sont pas envisageables pour les objets connectés car ils exigent une relation contractuelle préalable avec le payeur et le receveur. Bitcoin résout ce problème crucial d'interopérabilité. Il suffit d'un peu d'imagination pour inventer une foule de nouveaux services. Un exemple simple serait votre box DSL qui louerait sa bande passante à un voisin ou un hôte de passage dans votre immeuble via Wifi et contre des fractions de bitcoins. Par ailleurs, les notations et avis sur Internet auraient beaucoup plus de valeur si ils pouvaient être associés à un micropaiement.

Pensez-vous que les entreprises et la société en général sont prêtes à adopter cet outil ? Sont-elles mûres pour en apprécier toutes les possibilités ?

L'éducation à la langue et aux concepts des réseaux numériques et de l'intelligence artificielle est un enjeu économique et démocratique très important. L'illetrisme numérique doit reculer. Il faut commencer dès le collège à apprendre à parler aux machines tout comme on apprend un langue étrangère. C'est sans doute plus facile que le chinois.

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