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Pour le psychologue Christopher Ryan, la baisse du désir n'est pas une maladie, mais le symptôme d'un "problème de tous les aspects de la vie".
Pour le psychologue Christopher Ryan, la baisse du désir n'est pas une maladie, mais le symptôme d'un "problème de tous les aspects de la vie".
©Flickr

La guerre des Roses

Selon une étude récente, être marié est aujourd'hui plus difficile que jamais. Pour le sociopsychologue Eli Finkel, nous sommes entrés dans un modèle de mariage qui mène au "syndrome de l'étouffement". Mais heureusement, il y a des moyens de gérer cela.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Le modèle du mariage évolue sans cesse avec les changements sociétaux, et les ressorts et conséquences de ces évolutions sont parfois difficiles à cerner. Mais on commence à voir une grande bifurcation : les gens qui sont mariés sont soit plus heureux que jamais, soit plus malheureux que jamais, d'après les résultats d'une méta-étude qui résume 93 études sur la satisfaction dans le mariage.

Que se passe-t-il ? 

D'après les travaux du psychologue et sociologue Eli Finkel, et ses collègues du laboratoire sur les relations à Northwestern University, la réponse qui résume cette situation est la suivante : les gens ont des attentes de plus en plus élevées par rapport à leur couple ; si ces attentes ne sont pas validées, c'est le malheur. C'est ce que Finkel appelle le "syndrôme de l'étouffement" du mariage.

Finkel distingue trois modèles du mariage : 

  • Le mariage institutionnel (le modèle traditionnel)
  • Le mariage de compagnonnage (du 19ème siècle jusqu'aux années 60)
  • Le mariage d'expression personnelle (des années 60 à aujourd'hui)

Le modèle institutionnel du mariage ne privilégiait pas l'amour romantique, mais la construction d'un projet familial. L'amour romantique--qui était pourtant souvent là--était comme un "bonus" par rapport aux attentes et donc apportait le bonheur. 

Le mariage de compagnonnage est le mariage romantique, celui dont on cherche l'amour. Mais d'après Finkel, dans le mariage d'expression personnelle, on cherche plus que l'amour dans le couple, mais la réalisation de soi et la plénitude...ce qui correspond encore plus rarement à la vie réelle. Décrivant les Etats-Unis, Finkel écrit qu'au fur et à mesure que les couples "ont cherché dans leur couple des besoins idiosyncratiques d'expression de soi, la proportion de couples qui ne répondent pas aux attentes a crû, ce qui a augmenté le taux d'insatisfaction dans le mariage."

Ce phénomène semble lié à un autre phénomène : le déclin paradoxal de la libido dans les sociétés occidentales, qu'on pense si libérées et épanouies. Pour le psychologue Christopher Ryan, la baisse du désir n'est pas une maladie, mais le symptôme d'un "problème de tous les aspects de la vie" qui combine l'importance du travail, du stress, de l'isolation sociale avec le repli sur la famille nucléaire étendue, et des attentes fortes qui pèsent sur la famille nucléaire, l'éducation des enfants et la monogamie romantique. Selon de nombreuses études, les gens travaillent plus et sont moins satisfaits au travail, sont de plus en plus stressés, et les diagnostics de maladies mentales augmentent.

Le fait d'attendre sa réalisation de soi de son conjoint, plutôt que de son environnement, y compris sa famille, son travail, ses amis, met une pression très forte sur le couple, ce qui peut miner la libido, ce qui devient à son tour à la fois un symptôme et une cause de "l'étouffement" décrit par Finkel. 

Les solutions ? L'humilité et l'empathie

Pour Finkel et son équipe, les couples qui sont pris par le phénomène de l'étouffement ont trois options : 

  • Ne pas faire de son couple la source de tout son épanouissement. Chercher aussi l'épanouissement dans sa famille, les amis, le travail, les hobbys.
  • A contrario, si on a vraiment des attentes fortes de son couple, il faut aussi s'investir fortement. 
  • Et si aucune de ces deux méthodes ne semble attirante, on peut tout simplement essayer de revoir ses attentes en termes d'expression et de découverte de soi et d'épanouissement à la baisse. 

Ce dernier choix est une réponse très ancienne à un dilemme tout nouveau. En effet, presque toutes les grandes traditions spirituelles et philosophiques font de la pression de nos attentes la source de notre malheur. C'est la base du bouddhisme : ce qui nous rend malheureux, c'est l'infinitude de nos désirs, qui ne peuvent jamais être satisfaits par le monde réel, et la solution est d'éteindre le désir. Pour les philosophes stoïciens, le bonheur consiste également en cela : se rendre compte que la réalité ne sera jamais à la hauteur de nos désirs, et contrôler nos désirs pour être à la hauteur. On trouve des idées similaires d'humilité par rapport à ses attentes dans les traditions chrétiennes et juives. 

Une autre solution proposée par Finkel prend 21 minutes. Dans une étude, il a proposé à de nombreux couples de faire quelque chose de très simple : s'asseoir pendant 21 minutes et raconter par écrit une dispute récente du couple--mais du point de vue d'une tierce personne extérieure et neutre. Les couples qui ont réalisé cet exercice, qui ont été étudiés sur deux ans, étaient plus heureux et plus épanouis que ceux du groupe témoin. 

La logique est simple : de nombreux problèmes de couple sont des problèmes de dialogue, qui sont souvent liés à des problèmes d'orgueil qui pousse à refuser d'adopter le point de vue de l'autre et de voir les choses autrement que de son point de vue. Sortir de cet état d'esprit peut également permettre de mieux gérer les conflits, d'avoir un meilleur dialogue, et donc un meilleur couple. 

Bref : humilité et empathie aident pour le couple, même dans une époque de syndrome de l'étouffement marital.

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