Responsabiliser les entreprises et moduler les cotisations chômage : deux solutions pour sortir de notre dramatique "libéralisme à la française"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Responsabiliser les entreprises et moduler les cotisations chômage : deux solutions pour sortir de notre dramatique "libéralisme à la française"
©

Bonnes feuilles

Si la France est aujourd’hui en crise, c’est parce qu’elle s’est enlisée depuis trente ans dans le libéralisme. Car, la France, malgré ses dépenses publiques records et son droit du travail pléthorique, est bel et bien libérale. Extrait de "En finir avec le libéralisme à la française", de Guillaume Sarlat, publié chez Albin Michel (1/2).

Guillaume Sarlat

Guillaume Sarlat

Polytechnicien et Inspecteur des Finances, Guillaume Sarlat, a fondé et dirige à Londres une société de conseil en stratégie aux entreprises.

 

Voir la bio »

Responsabiliser les entreprises vis-à-vis de l’emploi

Avec les allégements de charges réalisés de manière constante ces vingt dernières années, s’est installée l’idée que la responsabilité des entreprises vis-à-vis de l’emploi se limitait au fait d’embaucher.

Qu’importe le coût de ces embauches pour la société, le type de poste et le parcours professionnel ultérieur des salariés : ce qui importe, dans cette perspective, c’est uniquement l’acte d’embauche. 

Raisonner ainsi, c’est oublier tous les éléments qualitatifs du marché du travail, et notamment la qualité des emplois occupés et des parcours professionnels.

Raisonner ainsi, c’est laisser se développer les comportements opportunistes des entreprises françaises, qui trop souvent sous-investissent dans leurs employés et recrutent et licencient en fonction de leurs besoins de court terme. Raisonner ainsi, c’est in fine l’assurance que le taux de chômage, notamment de longue durée, va être élevé, et que beaucoup de Français vont être exclus du marché du travail.

Dans un modèle de libéralisme à la française, ce raisonnement est cohérent, puisque la plupart des risques sociaux sont pris en charge par l’État.

Pour inverser cette tendance, ce qu’il faut donc casser, c’est cette prise en charge inconditionnelle par la collectivité du coût économique et social des pratiques des entreprises, qui alimente leur irresponsabilité. Par des incitations, encore une fois, plus que par des interdictions et des injonctions. En rendant coûteux pour les entreprises les comportements de gestion opportuniste de l’emploi. Mais également, à l’inverse, en reconnaissant la contribution sociale des entreprises qui investissent dans leurs ressources humaines.

Moduler les cotisations chômage des entreprises

Pour inciter les entreprises à aborder leur politique de ressources humaines dans une perspective de long terme, et les responsabiliser sur les conséquences de leurs décisions de gestion, la modulation des cotisations chômage payées par les entreprises, en fonction notamment de leur comportement en termes de licenciements et, au-delà, du devenir de leurs salariés licenciés, est très intéressante.

Cette modulation existe déjà aux États-Unis depuis de nombreuses années.

C’est l’experience rating, qui a été généralisé dans les années 80 à l’ensemble des États américains, qui sont gestionnaires de l’assurance chômage. Ce dispositif peut revêtir plusieurs formes techniques différentes, mais dans tous les cas, les employeurs voient leurs cotisations modulées en fonction des allocations chômage versées à leurs ex-employés, montant qui est rapporté ensuite, suivant les cas, à leurs cotisations passées au régime, à la masse salariale globale de l’entreprise, et/ou aux salaires des personnels licenciés.

L’experience rating conduit donc à démutualiser partiellement le risque chômage et à responsabiliser les entreprises par rapport aux impacts et aux coûts du chômage de leurs anciens salariés pour la société. Cette mesure ne vise pas spécifiquement les « licenciements boursiers », c’est-à-dire le fait qu’une entreprise qui fait des profits licencie, mais toutes les situations où une entreprise licencie certains de ses salariés et où ceux-ci ne retrouvent pas d’emploi.

Une telle modulation des cotisations chômage employeurs pourrait être mise en place en France : l’introduction de ce type de mesure y avait d’ailleurs été envisagée à la fin des années 90.

Idéalement, cette modulation devrait prendre en compte à la fois les allocations chômage versées aux ex-salariés, mais également d’autres indicateurs de sous-investissement des entreprises dans l’employabilité de leurs personnels, comme le turn-over de l’entreprise ou les volumes de formation continue.

Les cotisations devraient être augmentées pour les entreprises qui envoient beaucoup de personnel à l’assurance chômage, en proportion de leur taille, et dont les anciens employés éprouvent ensuite des difficultés importantes à retrouver un emploi. À l’inverse, les cotisations pourraient être diminuées pour les entreprises qui embauchent des personnes qui sont depuis longtemps au chômage. Ceci afin de rémunérer l’action, bénéfique pour la société dans son ensemble, réalisée par l’entreprise de réintégrer dans le monde du travail quelqu’un qui en était exclu depuis longtemps.

Extrait de "En finir avec le libéralisme à la française", de Guillaume Sarlat, publié chez Albin Michel, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !