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Comment la galeriste Berthe Weill s'est imposée dans un métier alors réservé aux hommes
©Capture d'écran Iceland

Bonnes feuilles

"Femmes, totalitarisme & tyrannie" (éditions du Cerf) embrasse la généalogie du phénomène totalitaire et entend brosser un panorama de l'apport féminin à l'insurrection de l'esprit contre l'idéologie, la démagogie et la logomachie. Extrait 2/2.

Marc Crapez

Marc Crapez

Marc Crapez est politologue et chroniqueur (voir son site).

Il est politologue associé à Sophiapol  (Paris - X). Il est l'auteur de La gauche réactionnaire (Berg International  Editeurs), Défense du bon sens (Editions du Rocher) et Un  besoin de certitudes (Michalon).

 

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Par Marianne Le Morvan

En ouvrant sa propre galerie, Berthe Weill défriche la voie pour les aventurières qui se lanceront plus tard dans la profession. La Galerie B. Weill dissimule par une initiale la féminité de sa gestionnaire ; d’autres opteront pour des noms de baptême neutres afin de parer la misogynie ambiante, comme la Galerie du Cygne (dirigée par Jacqueline D’Harial) ou la Galerie du Portique (Marcelle Berr de Turique), ou pour le nom d’un homme fictif comme la Galerie Jean Désert (Eileen Grey). 

Afin de contrer l’état du droit discriminant les femmes, Berthe Weill refuse de se marier et conserve ainsi son autonomie. Située dans la même rue que le Chat Noir, elle adopte un ton décalé et fait de ses cimaises un usage politique. Pour exprimer sa position en pleine affaire Dreyfus, elle présente en vitrine la toile Zola aux outrages d’Henry de Groux. Elle s’intéresse à de jeunes inconnus : elle est la première à vendre Picasso, Maillol, Matisse, Picabia, Dufy, Braque, Derain, Metzinger et Vlaminck.

Durant la Première Guerre mondiale, le mouvement cubiste est instrumentalisé par l’extrême-droite. Habituellement, Berthe Weill présente une seule exposition particulière par an ; en 1914, elle en monte trois cubistes : la première exposition du Mexicain Diego Rivera et de l’Austro-hongrois Alfred Reth à Paris et une de Jean Metzinger. Berthe Weill ambitionne de faire changer le courant de l’opinion, elle milite par ses expositions.

En 1917, alors que l’inspiration des arts africains est dénoncée, elle présente la première exposition particulière d’Amedeo Modigliani, qui restera la seule du vivant de l’artiste. La programmation de la galerie B. Weill ressemble à un cours d’histoire de l’art moderne, tant les grands noms défilèrent en y faisant leurs premières armes. Elle fut la principale pourvoyeuse d’artistes modernes émergents passés à la postérité. Flamboyante durant les deux premières décennies d’activité, elle vit fléchir, après la Première Guerre mondiale et la crise de 1929, la qualité de sa programmation durant l’entre-deux-guerres, se concentrant davantage vers les femmes artistes, et sur les petits maîtres en grande partie oubliés à l’exception de Suzanne Valadon par exemple.

En 1937, elle opère un tournant en s’orientant vers l’abstraction, avec Beothy et Freundlich notamment. Berthe Weill publie depuis 1923 son propre Bulletin pour lequel elle fait contribuer des poètes et des critiques d’art renommés. Le format est spécifique aux galeries prescriptrices de l’entre-deux-guerres ; la marchande sera la plus petite des galerie-éditrices mais aussi la plus endurante. En 1933, elle est la première du commerce de l’art à publier ses mémoires. À partir de 1937, elle publie un nouveau format d’invitation pour ses expositions, avec des textes étonnamment prophétiques. Elle perçoit l’arrivée du désastre et voit dans l’art le seul remède contre la « folie des hommes ».

Extrait de "Femmes, totalitarisme et tyrannie", dirigé par Marc Crapez avec Farah Mebarki et Nathalie Wolff, publié aux éditions du Cerf

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