©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Droits des femmes
Réprimer le harcèlement de rue, c’est très bien. Mais qui se soucie au gouvernement des mariages forcés et autres excisions qui affectent aussi des Françaises ?
Les membres de la famille de Mounia Haddad, une élue LREM séquestrée de force dans le cadre d'un mariage forcé, seront jugés ce jeudi. Le cas de cette femme a permis de mettre en lumière un phénomène. Est-il possible de quantifier l'ampleur du phénomène en France ?
Atlantico : Le cas de Mounia Haddad, conseillère départementale de La République En Marche en Indre-et-Loire séquestrée par sa famille, car cette dernière refusait un mariage forcé, a permis de mettre en lumière un phénomène. Concrètement en France est-il possible de quantifier l'ampleur du phénomène?
Gérard Neyrand : Non, c'est très difficile, puisque c'est une pratique interdite, elle ne peut pas être mesurée. De ce fait, beaucoup de ces mariages se déroulent à l'étranger, dans des pays où la coutume est encore que les parents ou la famille propose un.e conjoint.e à leur enfant en âge de se marier. Ce mariage "arrangé" devient un mariage "forcé" lorsque l'enfant n'accepte pas d'épouser le ou la partenaire proposé.e, et qu'on veut l'obliger à l'épouser quand même.
Sociologiquement, qui sont les personnes les plus concernées ? L'histoire de Mounia Haddad est-elle un cas isolé ou est-ce révélateur d'un phénomène plus large qu'on pourrait l'imaginer de prime abord ?
Notre recherche sur les mariages forcés, qui a donné lieu à ce livre : NEYRAND Gérard, HAMMOUCHE Abdelhafid, MEKBOUL Sarah, Les mariages forcés. Conflits culturels et réponses sociales (La Découverte, 2008) montre qu'il s'agit presque exclusivement de mariages où sont impliquées des personnes dont la culture d'origine est différente de la culture française actuelle, d'autant plus de nos jours où c'est le consentement réciproque qui définit le cadre légitime des relations sexuelles entre deux personnes, et non plus l'institution du mariage comme autrefois. Le droit français est donc très strict sur ces questions de consentement, et de nombreuses affaires récentes de harcèlement, voire de viol, l'illustrent tout à fait. Pourtant le nombre de ceux-ci n'est pas négligeable, car les stratégies mises en oeuvre sont multiples, et il est parfois difficile de déceler qu'il y a eu contrainte.
Concrètement, quelles sont les difficultés que l'Etat rencontre dans la lutte contre ce phénomène ? En quoi est-ce difficile à déceler ?
Ce phénomène est forcément difficile à déceler, puisqu'il est caché, et se déroule dans un cadre familial qui masque la plupart du temps le non-consentement, en obtenant des accords forcés par les jeunes filles concernées (parfois aussi les jeunes hommes) sous la menace, le chantage affectif, les pressions psychologiques, voire physiques. C'est la raison pour laquelle, le consentement est juridiquement défini comme devant être "libre et éclairé", c'est-à-dire sans qu'il n'y ait eu de contrainte ou de pression sur chaque conjoint (c'est la notion de liberté), et en toute connaissance de cause, l'épousé.e doit savoir ce que son consentement implique (c'est la notion de consentement éclairé).
De ce fait, beaucoup de ces mariages s'effectuent à l'étranger, à l'occasion d'un "retour au pays", pour des vacances, ou pour des fêtes, et alors les pressions peuvent être maximales pour qu'il y ait acceptation. Cela peut aller jusqu'à la séquestration connue par certaines jeunes filles, ou des violences, ou la prise de produits stupéfiants, tout cela pour obtenir le consentement au moment voulu.
L'Etat peut difficilement intervenir dans ces cas là, même si les consulats peuvent servir d'asile provisoire. Un certain nombre d'associations se sont ainsi créées en France pour lutter contre ce phénomène, et permettre aux jeunes filles concernées d'échapper à leur famille si nécessaire, épaulant ainsi la lutte officielle, qui s'avère souvent assez démunie.
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